Alors que l'on s'attendait à ce qu'Animal Crossing déménage sur Wii U, la saga se réinstalle d'abord sur 3DS, pour un opus voué à l'immobilier et tout particulièrement à la décoration, avec les amiibo en renfort. Une bonne initiative ?
Comme de coutume, à peine arrivé - ou plutôt embauché par notre richissime Tom Nook, devenu un véritable magnat de l'immobilier - que l'on a déjà du pain sur la planche. Il faut en l'occurrence se charger de la décoration d'une maison, selon la méthode habituelle d'Animal Crossing. Néanmoins cette fois, il ne s'agit pas de notre demeure attitrée, puisqu'elle se destine à un client, qui émet des requêtes plus ou moins farfelues. Celles-ci peuvent porter sur le style, l'atmosphère ou la fonction du logis, et sont fréquemment associées à la présence de certains objets, les futurs propriétaires débarquant avec quelques affaires. De quoi deviner aisément leurs goûts et par dessus tout étoffer le catalogue à chaque rencontre, l'un des principes essentiels de progression dans Happy Home Designer. Cela dit, il se révèle impossible de se tromper, car la mission ne s'achève qu'une fois ces conditions remplies, après quoi on retourne au bureau pour écrire son rapport et aller enfin se coucher.
Une vi(ll)e de labeur
Exit le déroulement en temps réel, l'horloge ne tourne qu'au rythme des tâches effectuées, qui laissent peu de moments de liberté pour flâner ou bavarder dans la rue, si ce n'est dans l'optique de prospecter. La routine quotidienne d'un agent immobilier en somme, dont cet opus élargit heureusement les prérogatives, quitte à s'improviser paysagiste, architecte, et designer. En effet, on ne tarde pas à s'occuper de l'aménagement du jardin et du choix du terrain, y compris de ses conditions climatiques. S'ensuivent des chantiers de plus grande envergure confiés par la municipalité, tels que des commerces, une école ou un hôpital. Et l'étude du manuel des joyeux décorateurs permet d'obtenir des compétences supplémentaires, parmi lesquelles le relooking, la modification des portes, des fenêtres, du plafond, de la structure du sol et de l'ambiance sonore entre autres, sans oublier la confection de ses propres motifs que l'on a toujours la possibilité de partager. Cette dimension communautaire reste un point fondamental de cet opus, et c'est aussi là que réside son intérêt, à terme.
Décorama
La déco, autrement dit la sélection des éléments ainsi que leur agencement dans les pièces à la manière d'un puzzle n'a d'ailleurs rien perdu de son pouvoir quasi hypnotisant, bien au contraire. Malgré le surplus de composantes à gérer et une navigation assez lente dans les menus en raison du nombre colossal d'objets (des milliers), l'expérience demeure ludique grâce à l'intuitivité de l'interface tactile. On passe souvent des heures à peaufiner joyeusement le moindre détail, a fortiori chez les esthètes. De toute façon, il n'y a aucune limite de délai, ni de budget, et seulement des mimiques à gagner. Happy Home Designer s'affranchit donc également des considérations économiques, un autre pilier traditionnel du gameplay de la série. La démarche est louable, dans la mesure où elle encourage la créativité. Cependant sans contraintes ni réelles récompenses, la satisfaction s'amoindrit. Bien entendu on a plaisir à regarder la ville se construire et se peupler au fil de nos interventions, mais l'absence d'un vrai monde à explorer tout autour souligne sa nature artificielle.
Achat sur plan
En témoigne la carte, dont une même parcelle est (ré)attribuable à l'envi, sans en déloger ses précédents occupants. Du coup, c'est obligatoirement en voiture (et par le biais du carnet d'adresses) qu'on a ensuite loisir de leur rendre visite, histoire de proposer des travaux de rénovation ou d'agrandissement. Et s'il s'avère passionnant d'aller aussi loin en matière de décoration, la perspective de combler systématiquement les clients n'incite guère au zèle. Nul besoin de se soucier des sanitaires, ou des règles du feng shui, il suffit juste de répondre aux demandes. A moins évidemment de vouloir faire admirer ses réalisations en ligne, photos à l'appui. C'est là qu'entrent en scène les amiibo, sous forme de figurines ou de cartes (comme à l'époque de l'e-Reader), car ils permettent d'obtenir rapidement un surcroît de matériel. La plupart des autochtones se pointent tôt ou tard, toutefois l'invitation de personnages spéciaux accompagnés de leurs objets exclusifs requiert l'usage d'amiibo, via le téléphone "NFC" dédié ostensiblement à cet effet.
amiibo crossing
Ils peuvent être appelés dans des établissements publics, l'occasion de donner à ses animaux favoris un poste qui leur sied, ou conviés chez les villageois d'autres joueurs, des séjours où nos amiibo sont susceptibles de trouver de nouvelles idées pour enrichir l'inventaire. Pourtant cet univers manque cruellement de vie, faute de s'appuyer sur le temps qui passe, et sur d'autres occupations que la déco, une activité certes intéressante, mais vite répétitive, nonobstant l'introduction régulière de requêtes pour le moins originales, tout spécialement avec les VIP. Happy Home Designer mise donc encore davantage sur la collectionnite, stimulée par des échanges potentiellement coûteux. De là à penser que ce jeu a été surtout conçu dans l'objectif de vendre des cartes ou des figurines, il n'y a qu'un pas. Et en dépit du succès de Nintendo dans ces domaines, il serait sage de ne pas trop marcher dans cette direction. Car en l'état (des lieux), Happy Home Designer ressemble beaucoup à une extension purement décorative, qui ne rendra heureux que les férus de la discipline.