Les plus chanceux d'entre vous ne le savent que trop bien : ce drôle et complexe sentiment qu'est l'amour pousse l'être humain à toutes les folies, et donne bien du grain à moudre aux sociologues et observateurs de tous poils. Et certains n'ont pas oublié qu'au siècle dernier, il était bien vu de faire part de ses sentiments en les couchant sur le papier, à travers une missive en forme de déclaration.
198X, c'est un peu comme le Port-Salut : c'est écrit dessus. Le titre rétro de Hi-Bit Studios entend en effet surfer jusqu'à la dernière goutte sur la vague des années 1980, usant de tous les subterfuges nostalgiques pour venir titiller la corde sensible des joueurs plusieurs fois décennaires. Mais si l'amour des jours passés peut revenir comme un boomerang, il convient de ne pas transformer un lointain souvenir en vieille rengaine.
Jebus of Suburbia
198X nous plonge dans le quotidien somme toute banale d'une adolescente d'alors (interprétée par l'ex-chanteuse et batteuse du groupe The Colourist, Maya Tuttle), qui qualifierait plus volontiers ce dernier de morose. Coincée dans la banlieue sans visage d'une métropole quelconque, la jeune fille se languit à longueur de journée, ressassant une enfance perçue comme idyllique entre deux errances à la salle d'arcade du coin. Derrière son ton souvent maladroit - la faute à une sacrée dose d'enfilage de perles pseudo-mélancolique, ce pot-pourri de rétrogaming reste une déclaration d'amour sincère aux salles d'arcade, à leur ambiance souterraine qui happe les joueurs en dehors du temps, et à un certain état de l'art du jeu vidéo d'alors : « celui que l'on ne peut ramener chez soi ».
Maya la belle
Entre deux séquences narratives qui s'éternisent parfois pour bien peu, 198X revisite à sa propre sauce les classiques que les vieux briscards que nous sommes auront pu apprécier dans leur prime jeunesse. Le jeu prend même la peine de répliquer avec beaucoup de justesse certains détails, comme le chargement de couches qui finissent par donner tout son éclat à un titre jusqu'à la symbolique limite de 255 au volant d'un bolide à la OutRun. Final Fight, R-Type, Shinobi : les hommages ne manquent pas, et il faut tirer un vrai coup de chapeau aux artistes du pixel art qui font de chaque brève séquence de gameplay un véritable ravissement pour les yeux. Aux tons pastel de la vraie vie que tente de fuir notre héroïne s'oppose l'univers coloré et saturé des jeux d'arcade, présenté comme une échappatoire salvatrice. Le tout est agréablement accompagné de bien belles compositions chiptune, qui parviennent à saisir l'amertume de la belle, piégée dans ses souvenirs.
Looking in my rearview mirror ♪
Mais à trop se complaire dans une nostalgie qui tourne en rond sur la joie simple de l'enfance à jamais dissoute dans les méandres du vague à l'âme, 198X se contente finalement de mettre bout à un bout un grand nombre de clichés, sans vraiment chercher à inventer quelque chose. Scotché dans le rétroviseur, le jeu propose également des célébrations bien sages des classiques d'antan sur le plan des mécaniques. Passée la découverte des différents (et superbes) environnements, les hommages ne proposent finalement rien de plus qu'un bref soupçon de ce qui faisait le charme des originaux. Le beat'em all se contente de deux boutons et abuse du swap color, le shoot'em up réplique peu ou prou le premier stage de Gradius... Comme dans un album photo, tout est resté figé, et c'est bien dommage, car le concentré de gameplay proposé aurait pu se montrer largement plus généreux. Pire : malgré sa brièveté (une et demi à deux heures de jeu), 198X parvient parfois à traîner en longueur. Et ne pensez pas pouvoir scorer à l'ancienne : une fois l'aventure bouclée, il faudra la recommencer, sans pouvoir sélectionner l'un des cinq mini-jeux...