Dévoilé à la surprise générale en même temps que la présentation officielle de celle que l'on appelle désormais la Switch, ARMS aura réussi à surprendre tout le monde, quelle que soit la signification que vous puissiez attribuer au verbe surprendre. À peine cinq mois plus tard, voici que débarque celui que l'on a sans doute un peu trop vite assimilé à l'épreuve de boxe de ce bon vieux Wii Sports. Il faut dire que Nintendo avait bien caché son jeu, dévoilant petit à petit son potentiel et allant même jusqu'à charmer notre Plume national le temps d'un galop d'essai ! Après avoir passé de nombreuses heures sur la bête, il est désormais temps de rendre notre verdict final, bras dessus, bras dessous.
Alors, si vous n'avez pas eu l'occasion de squatter les quelques récents rendez-vous du "Global Test Punch", vous vous demandez sans doute comment ça se présente. Enfonçons quelques portes ouvertes je vous prie : ARMS est un jeu de combat en 3D, mais basé sur un axe 2D non négociable. À la manière d'un Dragon Ball Z Budokai ou (au pif) d'un Tekken 7, le lien invisible qui relie les pugilistes entre eux ne sera jamais rompu : vous ferez donc quoi qu'il arrive face à votre adversaire, en toutes circonstances. Et tel un Marcel Cerdan monté sur ressorts, vous enverrez avec précision et brio mandale sur mandale dans la tronche de votre adversaire du jour. Nintendo ne se sera rien épargné pour rappeler aux joueurs du monde entier l'intérêt et la pertinence des coûteux Joy-Con en ce qui concerne son dernier-né. En pratique, cela fonctionne assez bien : on se déplace en orientant les demi-manettes à gauche ou à droite, esquivant avec L et sautant avec R. Le moindre mouvement peut aisément se combiner avec un autre, et l'on se surprendra à enchaîner saut, esquive, puis crochet du gauche avec une remarquable aisance au bout de quelques joutes.
Présenteeeeeeez, ARMS !
Fort heureusement, les développeurs ont beau travailler chez Nintendo, ils ont été moins bornés qu'à l'accoutumée : si la moindre pub ou trailer d'ARMS vous fera la démonstration de l'incroyable potentiel des Joy-Con, on pourra bien évidemment les clipser sur le Grip pour revenir à une maniabilité plus conventionnelle. Mais ne nous voilons pas la face : c'est bien l'incontournable manette Pro qui a remporté (de loin) nos faveurs. À bien y réfléchir, c'est une force : les joueurs adeptes du motion gaming ainsi que ce bon vieux tonton Jacquo se contenteront largement d'une telle initiation. Mais on en va pas se mentir : arrivé à un certain niveau de jeu, les Joy-Con se révèlent trop lents pour laisser s'exprimer tout votre potentiel. Une lenteur qui ne disparaîtra malheureusement jamais, tant les déplacements semblent avoir été volontairement alourdis... Le rythme accuse le coup.
Chacun son école, donc, avec ses forces et ses faiblesses. Si la manette Pro l'emporte clairement sur la précision des inputs et la visée des poings, elle demandera bien plus de pratique pour réussir à dévier correctement leur trajectoire par rapport aux Joy-Con. En effet, il suffit d'incliner correctement ces derniers pour contourner l'adversaire, et ainsi faire arriver le bourre-pif dans l'angle mort, un geste qui s'accompagnera souvent d'un rictus de satisfaction mérité. On fera simplement remarquer l'improbable disposition des coups sur la manette à 70€, surtout pour un jeu de combat en proposant si peu. Ah, qu'il eût été simple et logique de se servir des boutons de tranche ! Les dieux en ont décidé autrement : les poings droit, gauche, l'esquive et le saut se trouvent assignés en façade, un énorme point noir que l'on aurait simplement pu contourner en ré-assignant les touches. Mais nous parlons ici d'un jeu Nintendo, et comme à l'accoutumée, il faudra faire avec les règles de base. À ce sujet, accrochez-vous bien : le jeu ne propose aucun menu d'options ! Que dalle, walou.
Aux armes, etc.
Ce qui va véritablement pimenter ARMS, c'est sa palette assez étoffée d'armes à équiper : chaque pugiliste commencera avec un set de trois pièces différentes, alternant entre coups forts et faibles. Mais les joueurs les plus talentueux (et nous ne doutons pas un instant que vous en fassiez partie) pourrons à force d'efforts et de persévérance débloquer l'ensemble des équipements disponibles pour leur main fétiche. Cette manière de procéder présente un double-avantage : celui de vous obliger à enchaîner les victoires pour débloquer (au hasard) les armes disponibles, mais elle vous oblige également à vous familiariser avec les nouveautés chèrement acquises. Dans la mesure où il reste très coûteux d'upgrader son personnage (vous avez dit Splatoon ?), on prendra véritablement le temps de tester chaque nouveau joujou avec attention.
Heureusement, l'atelier est là pour ça ! Car le choix de son couple gauche/droite sera déterminant en fonction du résultat souhaité : en combat, les armes lourdes prennent le pas sur les plus légères et permettent d'abuser des priorités assez permissives du jeu. Mais ce n'est pas tout, puisque leurs portées et leurs effets se révèlent également très disparates de l'une à l'autre. Et si certaines d'entre elles peuvent revêtir un caractère stratégique durant les affrontements en PvP, elles pourront également se révéler monstrueusement handicapantes durant les divers mini-jeux ponctuant le mode solo.
Je mets les poings où je veux...
La trajectoire et le comportement de ces différentes armes sera donc à bien étudier avant de se lancer dans le mode en ligne. Classés ou non, les combats s'enchaînent pour l'instant assez rapidement, sachant que l'on peut très bien opter pour la revanche instantanée plutôt que le retour au lobby, un autre bon point. Le match-making se fera dans le premier cas selon votre rang, et les adversaires qu'il nous a été possible d'affronter ne dépassèrent jamais deux catégories d'écarts, pratique pour ne pas se faire dépouiller d'entrée de jeu. Mais il y a fort à parier que les early adopters seront très vite avantagés par la pratique...
Mais telle une épée à double tranchant, cette variété laissée aux joueurs révèle au fur et à mesure toutes ses limites : ce qu'ARMS gagne en customisation, il le perd en diversité. Car si chaque combattant possède en soi une Nintendo Difference qui autorise une subtile variation dans le maniement, leurs caractéristiques intrinsèques s'avèrent au final assez peu nombreuses. Ninjara se téléporte par exemple avec la classe d'un Sasuke Uchiwa, Master Mummy régénère ses points de vie lorsqu'il est en garde, et Byte & Barq se la jouent Shikamaru/Akamaru (oui, les influences du manga de Masashi Kishimoto sont nombreuses et assez évidentes). Mais à côté de ces petites spécificités, "c'est blanc bonnet et bonnet blanc", comme disait l'autre.
A Farewell To Arms
Sur la durée, cela présage donc des affrontements relativement similaires, quel que soit votre adversaire. Tout se jouera principalement sur les armes sélectionnées. Pour un jeu de combat, c'est clairement une déception. Le roster non-extensible d'ARMS reflète d'ailleurs assez bien son design général : lisse comme la peau d'un bébé. Alors oui, le jeu est très coloré, les arènes réussissent parfois à vous surprendre de par leurs teintes et configurations (on citera bien évidemment le stage de Ninjara et ses teintes automnales à tomber), mais c'est finalement l'absence totale de prise de risque qui domine.
On passera rapidement sur le caractère trop propre des protagonistes pour insister sur l'aspect générique qui habille ARMS de bout en bout. Mise à part une avalanche de couleurs qui aide à bien distinguer chaque élément du jeu, il ne semble qu'aucune réflexion ait été menée pour conférer au titre une identité plus forte. Quitte à me répéter, c'est clairement décevant pour un jeu de combat. Nous adressons également une mention tout à fait spéciale au thème principal du titre, qui en plus de verser dans une facilité déconcertante rentre immédiatement dans la tête pour ne plus JAMAIS en sortir. Sorte de Best-of concentré de tout ce que la bande FM a pu produire de calibré depuis plusieurs décennies, elle fera elle aussi mouche, sans parvenir à surprendre. Le problème ? Elle vous sera resservie à toutes les sauces (sur le tapis) au gré des différents stages, on croit rêver ! "Citation" diront les fans, "fainéantise" leur répondront les détracteurs. Et malgré ça, Poufy trouve encore le moyen de la faire tourner en boucle sur son PC !
Mais ARMS se rattrape heureusement sur bien d'autres plans ! Cela n'étonnera personne lorsque l'on sait que c'est notamment l'équipe responsable du futur Splatoon 2 qui est aux commandes : les items sont bel et bien de la partie. En effet, un indicateur fléché vous avertira de temps à autre de la présence d'une capsule bonus : les vertes vous redonnent de l'énergie, les jaunes boostent quant à elles votre jauge de furie. Mais pour profiter des bienfaits de la médecine moderne, il faut cotiser se trouver dans le rayon d'action desdites capsules. Le problème ? "Cette surface est bien trop petite pour nous deux !". Désireux de profiter seul de ce pop up salvateur, vous n'aurez alors de cesse de repousser encore et encore votre adversaire, à la manière d'un combat de sveltes sumotoris. Oxymore, j'écris ton nom. À l'inverse, les différents types de bombes ne demandent qu'à joyeusement exploser au visage du type d'en face, afin d'entamer en une touche sa barre de vie, ou de l'immobiliser quelques instants. Pratique pour déclencher sa furie, ou lancer une chope imparable.
Seven Nation Army
Car nous nous étions bien gardés de les mentionner jusqu'alors, maîtres du suspens que nous sommes, mais vous pourrez donc également vous saisir de votre adversaire en appuyant simultanément sur les deux boutons de coups. Risquée, la chope vous immobilise quelques instants sur place, mais enlève au moins un huitième de vie si elle se révèle couronnée de succès. Subtilité non négligeable, elle permet également de s'affranchir comme un malpropre de la garde adverse. À l'inverse, une garde bien placée réduit quasiment à néant une furie chèrement acquise. Dévastatrice et visuellement intéressante par ailleurs, elle ne pourra que vous couvrir de honte si elle se grille à dix kilomètres. Comme n'importe quel épisode du vénérable Street Fighter, il faudra donc être sûr de son coup avant de déclencher la foudre divine. Tut-tut les bourreurs de pif.
En ligne, cela donne lieu à une variété de situations qui obligera à rapidement trouver les faiblesses dans le jeu et le set de l'adversaire, sous peine de se voir mettre au tapis sans avoir le temps de défendre son titre. Inégales, les joutes à distance ont pour le moment révélé le meilleur comme le pire : par moments, le netcode est tellement dans la zone qu'il permet d'enchaîner les esquives à la perfection, donnant l'impression de participer à un épisode de Dragon Ball Z, quand tout le monde agite les bras sans jamais réussir à en placer une. Et parfois, le décalage dans les calculs corrige sans cesse l'action : on tente une chope, pour voir l'adversaire esquiver, puis finalement se prendre le coup une seconde plus tard. Impossible de dire pour le moment si les serveurs tiendront la route, tant l'expérience s'est jusqu'ici révélée inégale. Les pugilistes sûr d'eux ne manqueront cependant pas d'activer la sollicitation en ligne, qui interrompt à tout moment votre partie pour défier un avorton prétentieux, comme en arcade !
Arc Arsenal
On aurait vite tendance à l'oublier, mais ARMS propose également quelques mini-jeux assez sympathiques, qui viennent rythmer le mode arcade comme la bagnole sur le port de Street Fighter II (j'ai bien évidemment noté que ledit stage n'est pas disponible dans le version Switch du cultissime jeu de Capcom, et je vous prie de ne pas me le faire remarquer !) : au basket, il faudra choper son adversaire pour dunker et parvenir plus vite que lui aux dix points ; au volley, il faudra feinter la direction impulsée au ballon explosif pour rester dans le coup ; au tir sur cible enfin, il faudra viser juste tout esquivant les attaques volontaires ou non, chacune de ces actions rapportant des points. Jouables de deux à quatre, ces épreuves apportent une alternative sympathique aux affrontements en face-à-face, mais épuisent également assez vite leur potentiel. Passé quelques parties, la mécanique ronronne comme un chat pétri d'autosatisfaction. Un vrai bonus donc, sur lequel il ne faudra pas compter passer plus de quelques matchs entre potes en attendant la suite.
Pour tenter d'être un tant soi peu exhaustifs avant la conclusion finale, notons également la présence d'un intéressant mode survie, qui consiste à défoncer 100 adversaires génériques par vague de dix. Variant les combinaisons d'armes, le mode survie propose un entraînement solide pour affronter rapidement des configurations adverses variées. L'arsenal dont nous vous avons déjà parlé reprend quant à lui le principe du tir sur cible en y ajoutant des items à récupérer pour débloquer les armes supplémentaires de chaque personnage.
C'est dans ce mode que vous dépenserez vos crédits acquis en ligne comme en solo : chaque session de l'arsenal coûte entre 30 et 200 d'entre eux selon la durée choisie, et croyez-moi, il en faudra une palanquée pour atteindre le full set. Sur le modèle a priori rentable de Splatoon, Nintendo semble avoir pipé les dés pour vous pousser à squatter sa nouvelle IP pour les mois à venir. On doute que cela dure plus longtemps.