Au fin fond de l'univers, à des années et des années-lumière de la Terre, quand tous les empires du mal s'unissent pour semer le chaos galactique, veille sur nous la dernière ligne de défense de l'humanité, ceux que l'on appelle quand il ne reste plus aucun espoir... Les Super Robots japonais.
Testé à partir d'une version import japonaise.
Il en sort un chaque année et pourtant, Super Robot Taisen n'a jamais autant manqué à ses fans. La faute, sans doute, à une PlayStation 3 qui n'a jamais vraiment réussi à s'imposer, que ce soit comme grand média de masse ni comme repaire d'otaku, tout du moins au Japon. Comme beaucoup d'éditeurs, la PSP profite en plus d'une nostalgie hybride PsOne/Two. Elle est devenue une valeur refuge, un asile où les développements ne coûtent pas un bras, où même les jeux HD viennent s'échouer comme dans un cimetière des éléphants à la Valkyria Chronicles 2 & 3. C'est avec la certitude de pouvoir y faire les jeux "d'avant" que Namco Bandai n'offre à la console portable une aventure majeure. Enfin !
Plein les yeux
Il faudrait faire des présentations pour les néophytes, expliquer le miracle purement japonais de ce wargame cross-over de dizaines de séries de super robots géants des années 70 à aujourd'hui qui n'ont pourtant rien à voir entre elles. Mais le visionnage d'une seule de ces PV, ces promotional videos, que l'éditeur balance pour allécher les fans, fera l'affaire. Ce défilé permet de saisir le concept de ce royal rumble cosmogonique, son côté jouissif. De comprendre que chacune de ces attaques démentielles peut provoquer des râles de fanboys, prêts à scander en même temps le nom des techniques de leurs héros préférés. Ces séquences sont justes folles. Storyboardées avec les techniques robotiques d'aujourd'hui, piétinant tous les us et coutumes du traitement du S.D. (super deformed), ces attaques complètement Airwolf sont devenues le principal argument de vente des Super Robot Taisen. Impossible de résister à l'offre aguichante de revoir les séries que l'on aime, revues et corrigées par la crème des artistes de la 2D du moment. Il n'y a plus guère que dans les productions Vanillaware que l'on trouve une telle saveur à l'ancienne, qu'on croirait tirée d'une vieille recette qu'on aurait oubliée depuis des années. Bluffant.
Un casting de folie
Autrefois, la série des Super Robot Taisen était principalement axée sur le catalogue des années super robotiques des 70's (celui où les robots explosaient avec jet d'huile et de boulons) et des années 80 (généralement plus militaires et réalistes), mais s'est petit à petit engouffrée dans les séries modernes. Chaque casting a son lot de nouveautés, ses divas, ses invités d'honneur et parfois quelques séries dont on se demande comment elles ont atterri dans ce conflit galactique. Les énumérer toutes ici serait sans doute trop long, mais hé, 2011, Google est assurément l'ami de tous. On pourra donc parfaire ses connaissances à coup de YouTube et de DVD commandés en toute légalité, histoire de faire marcher l'industrie. Les nouvelles stars du fulguroblastage, ce sont Gurren Lagann, Code Geass, Gundam 00, Votoms, Dai Guard et même la nouvelle série Shin Mazinger qui vient faire un tour remarqué. Du sang frais à gogo, à faire pâlir de jalousie le peloton de tête du tour de France. Et puis il y a les anciens, les boss du quartier comme Z Gundam, Macross (F comme faiblard), Shin Getter Robo, et tant d'autres univers encore. Séries et long métrages inclus, on arrive à 34 shows différents, un record toutes catégories. Et c'est sans compter les robots originaux dont un nouveau héros plus endetté que Bernard Madoff. Le pire, c'est qu'il y a presque trop de robots. Entre les revenants, les nouveaux arrivants, difficile de faire une place au soleil à tous ces héros métalliques qui se bousculent sur la rampe de lancement. Et vu la quantité de troupes limitées sur le champ de bataille, les places seront chères.
Chapitre de la destruction
Dai 2 Ji Super Robot Taisen Z, ou "la deuxième guerre des super robots" appartient à la saga siglée de la lettre Z. Cela fait quelques années que l'on était sans nouvelles de cet arc majeur, très différent des épisodes de remplissage, moins intéressants et moins ambitieux. Il est question de ces épisodes sur DS, sans voix digit, sans grandeur, et que les fans se tapaient plus comme un réflexe pavlovien, comme d'autres truandent la galère. Oublié tout ça. Avec son casting grand angle, l'histoire pourtant prétexte au combat viril devient plus subtile. Et puis cet épisode ne pouvait qu'être gargantuesque. Cette cinquantaine de cartes (en ne jouant qu'un seul run en ligne droite, sans compter les différentes bifurcations) dont la durée s'allongera progressivement avec la difficulté, ça ne se passe pas tout seul. SRT Z2 prend le temps de bien développer les séries présentes, mettant d'abord l'accent sur les nouveaux avant de basculer à la moitié du jeu sur les revenants. Et ce n'est pas un luxe tant il y a d'unités qui ne sortiront pas du hangar (mais qu'on pourra heureusement faire progresser grâce à une option dans le menu intermission ; finies les corvées de ménage pour les pilotes inutiles, ils pourront désormais rapporter de l'argent ! Gratuit !). Faut pouvoir encaisser un wargame comme ça, d'autant plus que l'audacieux sous-titre en cette terrible crise nippone, à savoir "Chapitre de la Destruction", nous spoile une ultime information d'importance : il s'agit d'une aventure scindée en deux parties, qui se poursuivra logiquement dans un épisode à paraître dans un avenir proche. Mais malgré cette longueur et ce titre agressif, les héros ne baissent pas les bras, tsunami galactique des envahisseurs de l'espace ou pas. "Gambare !", l'univers.
Le dur est l'ami du bien
"T'es real ou super ?" C'est la question que se posent deux amateurs de Super Robot Taisen qui se rencontrent. Plus puissant que le clivage gauche / droite, il détermine véritablement une attitude de gamer. Le joueur de Real, adepte des robots "réalistes", préfèrera sniper à bonne distance du danger, à coup de canons à méga-particules. Le super robot, ira, au péril de sa vie, tête baissée, au corps-à-corps, en criant le nom de son coup spécial. D'ailleurs à quelques exceptions près, les robots "real" prennent d'ailleurs assez cher dans cet épisode, surtout quand les ennemis balancent les armadas, surtout en mode "hard". Quel que soit le chemin vers la victoire, ces amateurs s'accorderont tous à dire que SRT Z 2 est du genre subtil et résistant, même pour les tricheurs utilisant abusivement de la sauvegarde temporaire au moindre faux pas. Plus que la domination sur les adversaires, les SR Points, (un par carte) sont devenus ce trophée ultime à récupérer. Paradoxe intéressant du gameplay : détenus en quantité suffisante, ces SR Points feront basculer la partie en "hard", avec des upgrades plus chers, plus d'ennemis, plus d'agent à gagner, etc. En gros, on va devoir lutter pour que le jeu reste réglé sur difficile, avec comme carotte une hypothétique fin encore plus cataclysmique lorsque le deuxième volet sortira (ça ne change apparemment rien sur celui-ci). Car si le ratio entre les niveaux joués et ceux où vous aurez récupéré le SR descend en-dessous d'un certain seuil, retour à la difficulté normale. Et ce n'est pas tant la difficulté propre imposée par les armées ennemies qui donnera du fil à retordre, que les conditions à remplir pour récupérer ce satané point. Rien de plus pénible qu'une flotte renégate qui vous apparait entre les pattes au dernier moment, telle l'opération kamikaze pour nous rendre la vie pénible. C'est du sadisme qui repousse souvent le joueur dans ses derniers retranchements. Héros, ce n'est pas de tout repos.
L'immobilisme tranquille
Les détracteurs de SRT, il y en a, ironiseront sur le fait que tous les progrès techniques, tout le budget, passe dans les séquences d'animation intermédiaires somptueuses et dans l'étude des mouvements de seins lors des gros plans sur les héroïnes. Certes, la dynamique mammaire d'une pilote de robots géants confrontée à la gravité vaut bien tout ce mal. On ironise souvent sur l'immobilisme de l'industrie japonaise et de ses produits de consommation internes, mais conceptuellement, la non-évolution des Super Robot Taisen défonce même les légendaires Dynasty Warriors dans le registre "même joueur, joue encore". À tel point que, pour ne pas bouleverser les fans, SRTZ 2 s'allume encore avec le "label" Banpresto, la société éditrice historique de la série mais désormais coquille vide depuis son absorption totale par Namco Bandai. Plus question non plus de parler de créativité. Ca fait une quinzaine d'années qu'on est dans le calibrage et que le système change comme lorsqu'on fait ses premiers pas à Photoshop, clic et ctrl-Z, reclic et ctrl-Z. Pire, en vertu du retour à la case "console portable", SRTZ 2 se permet de retirer le sacro-saint système des "platoon" qui permettait d'unir ses robots en escadrons (histoire de faire sortir 10 fois plus d'unités !). Mais cet abandon est un choix logique pour supprimer cette trop longue étape de customisation, pour éviter tout syndrome "Tactics Ogre" où l'on passe 4 fois plus de temps à customiser 8 guerriers qu'à se battre, en vrai. Heureusement, certaines séries gardent des systèmes spécifiques assez cools et on appréciera le nouveau système des robots qui s'assemblent : on n'utilise que le robot central du héros et une fois assez de moral en stock, on pourra le transformer dans sa forme définitive par simple commande de menu. Agréable ! En simplifiant ses à-côtés, SRTZ 2 marque un retour aux combats qui ont la patate, ceux qui nous font croire que l'issue du combat peut basculer à tout moment. On voit également apparaitre de nouveaux raccourcis améliorant la maniabilité sur ces cartes 2D toujours aussi désespérément ternes mais qui font leur taf. Et puis, à chaque fois que l'on débute un nouveau Super Robot Taisen, on retrouve un peu ses vieux réflexes. On invoque avec soin ses magies dès le début de son tour de jeu, on passe en revue les troupes adverses, on augmente méthodiquement son moral de combativité... Un peu comme recoucher avec son ex, SRTZ 2 se joue avec aisance et une certaine dose de confort. Pas sans risques, mais tranquille.
Il n'y a jamais de hasard. Dans les années 90, au moment de l'éclosion de la saga des Super Robot Taisen, une tentative de "président du vrai changement" échouait. Comme si le temps s'était arrêté là, cette série aujourd'hui vingtenaire s'est figée dans une espèce d'idéal peinard. Mais SRT Z 2 allie à un casting aussi hétéroclite que que réussi des moments si palpitants, qu'on lui pardonne cet immobilisme envoûtant, en criant ses techniques par pur plaisir, en montrant les anim' de ses attaques préférées à des amis éberlués mais réceptifs. Respect du passé contre fougue de la modernité, comme avec ses sprites 2D magnifiques hésitant entre le pastiche et l'hyper-réalisme explosif, Super Robot Taisen Z 2, bien plus qu'un vulgaire jeu "à licence", s'engouffre dans une nouvelle voie, celle d'une néo-nostalgie flamboyante, sans regarder dans le rétro mais droit devant. Un épisode assurément "Over 9000".