Le nouveau jeu de Tetsuya Mizuguchi s'adresse tellement à tout le monde qu'il se veut la figure de proue d'un Kinect ambitieux, cette caméra magique censée aussi faire jouer ceux qu'une manette effraie. Mais voyons les choses en face, on doute que le grand public se jette en masse sur ce titre, plutôt destiné aux joueurs avisés qui pour la plupart, ont vibré avec Rez, l'ancêtre spirituel de Child of Eden, sorti en 2002 sur Dreamcast. Mais l'expérience Kinect vaut-elle le coup (et son coût) pour les joueurs, les "vrais", ceux-là même qui n'ont sûrement pas jugé nécessaire de se procurer le périphérique Microsoft en même temps que Kinectimals et Kinect Sports ? Oui, l'interface Kinect de CoE est réussie, la meilleure de ce que l'on pourrait qualifier comme "gamer" (y a-t-il vraiment concurrence ?) mais elle n'est en rien indispensable, car ce n'est pas la manière de jouer optimale, comme nous le verrons plus avant.

L'Internet Supra Moderne

Passons sur les bribes de scénario qui introduisent la muse Lumi, lors d'une vidéo d'intro assez niaise (qui ferait certes un beau spot pour Yves Rocher). L'intérêt du titre dont nous parlons en ce moment est d'ordre sensoriel et la pseudo réflexion écolo-humaniste est prétexte à introduire plein de jolies choses à l'écran. Ainsi dans Eden, ce réseau du futur, Internet tel que le connaîtront les arrière arrière arrière petits enfants de Poufy Julo, on envoie des jets de lumières sur des octets à l'apparence de pieuvres translucides, sur des bancs de bits poissons, on fait la course avec des géants faits de feu et de plasma ou encore, on plane avec des baleines numériques et un phénix digital. Onirique. Le réseau Eden est divisé en cinq planètes plus une débloquée une fois le jeu terminé. Cette dernière n'est pas sans évoquer Rez, alors que les autres possèdent chacune leur identité, végétale pour l'une, cosmico-aquatique pour l'autre, le tout étant toujours gorgé de couleurs, d'effets visuels psychédéliques, de flashs hypnotiques, comme le sont les rythmes électroniques qui dictent l'action et que vous façonnez également par votre jeu. La bande-son est signée Genki Rockets, le groupe virtuel de Tetsuya Mizuguchi et les amateurs de Heavenly Star, dans un registre tout de même bien plus techno, seront au paradis en Eden.

Rezurrection

Child of Eden aurait pu s'appeler Rez 2 que cela n'aurait choqué personne. Si Rez possède un univers bien plus cybernétique que CoE, ce dernier étant beaucoup plus bucolique, et doté d'une bande son bien plus électro-pop que son aîné sorti sur Dreamcast, les mécaniques de jeu des deux titres sont les mêmes. A ceci près que l'on rajoute un tir de visée dans CoE, en plus du lock et du super pouvoir qui vide l'écran, appelé désormais Euphoria. L'autre nouveauté, c'est évidemment les possibilites qu'offrent Kinect. Ainsi, votre main droite gère le lock (de couleur bleue) alors que votre mimine gauche sert au tir de visée (de couleur violette) et que c'est en balançant les deux en l'air d'un geste vif qu'on déclenche le feu d'artifice ! Ce pouvoir est limité, comme dans Rez, il faut ramasser des disques de couleurs pour en bénéficier. Cette manière de jouer est vraiment prenante pour peu que l'on s'investisse vraiment et que l'on réussisse à réfréner son envie de danser. Mais il a beau s'être passé huit ans depuis Rez et son jeu à la manette (vibrante de préférence et accompagnée du Transvibrator pour une immersion accrue), on a beau être habitué à gesticuler devant sa télé, la manière de jeu optimale pour Rez demeure celle à la manette. Pas de réactionnisme dans ces propos, juste une question de feeling comme dirait l'autre. Car en effet, l'expérience Child of Eden n'est pas seulement visuelle ou sonore, elle est également physique. Ainsi les vibrations extrêmement fidèles à l'action et à la musique font partie intégrante du trip et elles sont tellement bien rendues qu'on se doute qu'elles ont bénéficié d'un soin particulier. Sachez que vous pouvez aussi brancher trois autres manettes qui vibreront au rythme de celle que vous avez entre les mains, pour un massage tantrique des plus surprenants. De plus, dans Child of Eden, il est question de score, de jouer avec le rythme, en ciblant en groupe tout un escadron par exemple, ce qui vous aidera à multiplier ce score. Mais pour ça, il faut être dans le bon tempo, une chose bien plus simple lorsque qu'on peut se servir du "cliquetis" de notre curseur, à chaque pression du bouton de lock. C'est sans aucun doute à la manette (et avec un bon casque sur les oreilles) que Child of Eden a la faculté de nous emporter.

Descente de trip bien trop rapide

Cependant, et c'est le seul défaut majeur que l'on trouve au titre édité par Ubisoft, il est très court ! Jugez plutôt : il m'a fallu 2h30 pour arriver au générique de fin, en mourant environ six, sept fois, chaque planète se bouclant en une dizaine de minutes. "Se bouclant" est tout de même relatif, car finir le jeu avec le maximum d'étoiles pour chaque planète (le grade qui prouve votre valeur), des taux de purification de zone à 100 %, ainsi que la collecte de tous les bonus (clips, illustrations) vous prendra bien le double. Disons que pour 45€ (prix public conseillé, si vous n'achetez pas Kinect en plus), vous aurez le droit, en retournant le jeu dans tous les sens, à cinq heures de jeu. Mais juge-t-on un titre sur son prix ou sur son expérience ? Sur ce point, les choses sont claires : Child of Eden m'a transporté pendant 2h30, me filant la chair de poule et de bons frissons d'émotion. Ce n'est finalement qu'un shoot, certes, mais l'effet est garanti et le voyage en vaut la chandelle. Enfin, pour ceux qui ne sauraient se décider, je les invite à s'essayer à Rez HD, disponible sur XBLA pour 800 points Microsoft, le coeur du jeu étant le même. Child of Eden reste tout de même bien plus impressionnant, lumineux, bucolique, dans ses environnements.

Child of Eden tient toutes ses promesses : il est le digne héritier de Rez, son univers tout aussi onirique qu'hypnotique offre une aventure sensorielle remarquable et en plus de ça, il donne à Kinect une autre ampleur. Cependant, on ne saurait que trop vous conseiller d'y jouer à la manette, celle-ci restant l'outil optimal pour plonger rythmiquement en Eden. Enfin, sachez que le plaisir, aussi intense soit-il, sera de courte durée, le jeu pouvant être terminé en totalité en environ cinq heures... Cependant, si vous aimez la musique électronique, les expériences différentes et que Jeff Minter est à votre sens un grand nom du jeu vidéo, vous devez vivre ce voyage psychédélique.