Fin du suspense. Treyarch a passé le cap, c'est désormais un fait, et livre avec Call of Duty : Black Ops son meilleur CoD, et son meilleur jeu. L'Infinity Ward en débâcle ne sera peut-être plus la tête de proue de la série, mais une nouvelle a pris la place du studio créateur de la série. Le traditionnel Call Of de fin d'année est un bon cru, les amis, et peut-être même plus ! Débouchez le champagne, et faites chauffer les headshots.
Les versions étant similaires, les tests le sont aussi.
Depuis le temps qu'on le dit et qu'on l'écrit, je n'ai pas pu m'empêcher de poser la question aux développeurs : "vous n'en avez pas marre qu'on vous compare toujours à Infinity Ward en disant que vous n'arrivez pas à faire aussi bien ?" - loin d'être gêné, le léger sourire qu'on m'adresse en réponse semble plutôt trahir la confiance. A cet instant, avant d'avoir gobé la campagne solo, et exploré la richesse du multijoueurs de CoD : Black Ops, j'avoue que comme beaucoup, je m'attendais à un bon crû, sans oser croire qu'il pourrait surpasser le travail d'Infinity Ward.
J'avais tort
Treyarch a bel et bien tout donné. Depuis l'ouverture dans cette chambre de torture bardée d'écrans cathodiques bombés des années 60, qui précède le début de cette nouvelle histoire s'ouvrant à Cuba, jusqu'à la fin épique en haute mer, en passant par une multitude de petits moments typiques de ce qu'on attend d'un Call of Duty à grand spectacle, l'éternel cadet semble avoir rejoint l'aîné, en déployant une énergie phénoménale. Certes, il y a bien quelques douleurs de croissance au passage pour en arriver là, mais impossible de ne pas prendre Black Ops comme l'entrée de Treyarch dans l'âge adulte. À tous les étages, en solo comme en multi, il apparaît clair qu'avec Call of Duty : Black Ops, Treyarch n'a renoncé qu'à peu de choses pour tenir la dragée haute à tous ses détracteurs.
Une guerre pas si froide
1961. Le débarquement de la Baie des Cochons, à Cuba : un échec retentissant pour les américains tentant de renverser le jeune régime de Fidel Castro, et qui a bien failli déboucher sur une guerre nucléaire l'année suivante avec la crise des missiles de Cuba. C'est dans ce contexte instable qu'on incarnera le Capitaine Alex Mason (principalement), tout au long de la campagne solo de Black Ops. Narrée sous forme de flashbacks des différentes opérations vécues par ce soldat d'élite et connectées entre elles par une conspiration globale, cette campagne n'est peut-être pas surprenante scénaristiquement, mais elle a le mérite d'être claire, habilement contée, rythmée, et exécutée. On passe de Cuba au goulag de Vorkuta, aux montagnes de l'Oural, l'Arctique, le Vietnam, et même le Pentagone, en découvrant petit à petit personnages principaux et pièces du puzzle. Castro, Kennedy, le programme Soyuz, les premiers lavages de cerveau, la tension entre bloc communiste et bloc capitaliste, le Vietnam en 68, les anciens scientifiques nazis récupérés par des intérêts terroristes... il y avait de quoi s'y perdre, mais le scénario, efficace, évite d'en faire trop et se laisse digérer tout en proposant une variété soutenue de bout en bout.
De la grande aventure
À pieds, en infiltration ou en assaut, fuyant à moto ou plongeant dans les eaux troubles en pleine jungle, aux commandes d'un hélicoptère ou sautant de toit en toit à Hong-Kong, entouré de personnages auxquels on s'attache vite, impossible de s'ennuyer un seul instant. Pas deux fois, a-t-on l'impression de revivre un même passage, et au contraire d'un World at War qui voulait trop en faire tout le temps, Black Ops sait s'accorder des moments de respiration bienvenus, tant en termes de gameplay qu'en termes de narration. Mason est humanisé, il parle pendant le jeu et les cinématiques, et incarne le coeur de l'histoire comme aucun autre héros ne l'avait fait auparavant dans la série. Ça fonctionne bien. A ses côtés, les personnages secondaires ne sont ni trop nombreux ni trop effacés, et l'émulsion globale est dépourvue de grumeaux gênants. Certes, on pourra reprocher à Treyarch de ne pas s'être autant mouillé qu'IW avec sa scène de l'aéroport, en ne laissant pas de choix au joueur lors de ses passages les plus violents (notamment une torture à base de verre pilé qu'on ne peut pas choisir de ne pas conduire), mais au moins, l'ensemble se tient très bien. Est-ce l'aide apportée par David Goyer (Batman Begins et The Dark Knight) qu'il faut créditer à ce succès ? Peut-être. Toujours est-il que la campagne de Black Ops est dépourvue de grosses fausses notes - exception faite de petits soucis d'ordre technique.
Rester dans les rails
D'une durée habituelle (comprenez similaire à Modern Warfare 2), la campagne de Black Ops s'avère donc assez passionnante. Côté réalisation, là encore, Treyarch a mis les petits plats dans les grands. À l'exception de quelques textures manquant de finesse çà et là, tout est à niveau. Ça tourne vite et bien, avec quelques passages assez impressionnants. Un poil moins convaincant au niveau bruitages qu'un Medal of Honor (dont c'est bien le seul point sur lequel il s'en tire mieux), il assure en revanche côté musiques, avec quelques surprises qui ne manqueront pas de déclencher de large sourires pendant le Vietnam. Le seul aspect sur lequel le bât blesse parfois, ce sont les scripts. Evidemment, le jeu en est truffé (c'est un Call of Duty), mais il arrive parfois qu'ils se déclenchent mal, soit parce qu'on est allés trop vite, soit parce qu'un ennemi mal fini retient les personnages secondaires, soit encore parce qu'on n'a pas fait exactement ce qui était voulu. Rien d'handicapant au point de devoir recommencer une mission entièrement, mais de quoi briser l'immersion autrement bien installée par Black Ops. Malgré ces petits défauts, de l'ouverture à Cuba jusqu'au clin d'oeil post-générique final, le solo de Black Ops assure le spectacle attendu, et plus encore, avec une histoire plus claire et mieux narrée encore que celle d'un Modern Warfare 2. Enfin, pour boucler le chapitre technique, signalons que sur 360 comme sur PS3, le jeu en 3D relief fonctionne très bien - le seul véritable faux-pas à signaler de ce point de vue étant le réticule en hélicoptère qui n'est pas en profondeur, et perturbe donc la visée (une erreur qui sera peut-être corrigée).
Multi, mon ami
Solo : Check. Je passerai vite fait sur le mode Zombie, jouable à 4, qui est agréable mais n'égale pas le mythique mode SpecOps de MW2 en matière d'expérience coop', pour me jeter directement dans le vif du deuxième gros sujet : le multijoueurs compétitif. Avec l'héritage de la série, on n'imaginait pas Treyarch faire beaucoup mieux. Et pourtant. C'est non seulement un bijou que nous livre le studio, mais aussi un écrin qu'on n'en finissait plus d'attendre : des fonctions communautaires égalant celles d'un Halo. C'est désormais chose faite avec le mode Theater : la possibilité de sauvegarder tous les replays, les revoir, naviguer de joueur en joueur, en caméra libre, prendre des captures d'écran, partager ces vidéos sur un espace en ligne prévu à cet effet, tout y est. Evidemment, tout cela ne serait rien si le multi en lui-même n'était pas bon, et si j'ai peur de certains légers déséquilibres (la voiture R/C explosive dans les modes à capture, par exemple), il ne fait aucun doute que dans l'ensemble, c'est peut-être le meilleur multi de la série. Les 14 maps, étonnantes d'inspiration, varient les plaisirs visuels autant que stratégiques, et se prêtent aussi bien aux modes les plus classiques (free for all, domination ou team deathmatch), qu'aux autres. Citons par exemple headquarters (capture d'une base pour marquer des points, l'équipe capturant ne respawnant pas tant que sa base n'est pas détruite par l'autre équipe) ou Demolition (attaque et défense de deux sites en alternance). Mais ce n'est pas tout : c'est toute la progression qui a été revue, et des nouveautés de taille introduites.
Call of Poker
Le coeur de la progression, c'est-à-dire les points d'expérience accumulés avec chaque partie pour grimper en niveau et débloquer l'accès à de nouvelles choses, reste le même. En revanche, pour acheter armes, attachements, killstreaks ou perks, il faudra à présent dépenser des COD Points, une monnaie virtuelle. Si on en gagne en jouant normalement, tout comme les XP, la distinction des deux a permis à Treyarch d'introduire des nouveautés majeures au système, à commencer par les "Wager Matchs" : des matchs à base de paris. On investit un certain montant de COD Points (suivant trois catégories de paris plus ou moins gros), dans l'espoir, en finissant dans les trois premiers, de récupérer sa mise plus un bénéfice. On peut aussi ajouter à ces parties des "contrats" : des objectifs supplémentaires (réussir un killstreak de 7, faire 5 headshots avec telle arme, etc.) à accomplir pendant une partie. Quatre types de Wager Matchs existent, tous absolument géniaux : One in the Chamber (un pistolet, une balle, trois vies par joueur. Un kill au couteau permet d'obtenir une balle de plus), Sticks and Stones (une arbalète à carreaux explosifs, un couteau pneumatique, et remise à zéro des frags du malheureux qui mourra par un lancer de tomahawk - mais tomahawk unique à ramasser après un lancer), Gun Game (chaque frag permet d'améliorer son arme, 20 niveaux d'armes à passer, une mort par coup de couteau "rétrograde" à l'arme précédente la victime), et Sharpshooter (tout le monde a la même arme, elle change au hasard toutes les 45 secondes). Délicieusement retors, fendards et rafraîchissants, ces quatre types de matches sont idéaux pour les parties entre potes.
Bravo Treyarch, l'examen est réussi. Black Ops conserve quelques défauts techniques (certains scripts capricieux), mais il ne manque ni d'ambition, ni de variété, ni de fraîcheur. Sa campagne solo en pleine guerre froide propose un scénario réussi, et son multijoueurs plus complet et solide que jamais, révise certaines bases tout en proposant de nouveaux modes particulièrement séduisants, et des fonctions communautaires que seuls les derniers Halo offraient jusqu'à présent. Il y a encore de quoi faire mieux, sans doute, mais le Call of cuvée 2010 parvient sans peine à remplir son contrat - et on ne pourra plus dire que les volets Treyarch ne sont pas à niveau...