Western spatial post-apocalyptique, Borderlands mélange sans complexe des genres radicalement différents. Avec son allure de jeu de tir coloré façon comics book, il se révèle en fait un jeu de rôle action gore et extrêmement addictif. Seul ou sur le live, le joyeux fourre-tout bien bordélique de Gearbox Software défoule, et on a très envie de lui pardonner ses petites maladresses.
Oui, un cailloux aride et inhospitalier perdu dans l'immensité de l'espace et peuplé de rednecks aussi violents que puants peut être beau. Des camaïeux d'ocre chauds et poussiéreux, le crayonné des carcasses de bagnoles depuis longtemps abandonnées, une galerie de trognes aussi improbables que leur hygiène doit être douteuse, Borderlands est un vrai comic book animé. Dessiné à la main, il hérite d'une patte graphique indéniable, et aussi des petites maladresses inhérentes à ce genre. Et il faut dire que ça le rend vachement vivant. On ressent très nettement la personnalité derrière le jeu. À croire qu'un mec qui a maté Mad Max, a lu La Tour Sombre, a ingéré une quantité monstrueuse de bande-dessinées, s'est mis à redessiner tout Borderlands - même s'il n'avait pas encore tout parfaitement digéré. Parce que le titre de Gearbox Software n'avait pas du tout cette gueule il y a encore moins d'un an. Et on peut dire que le ravalement de façade est carrément réussi. Plus éclatant et plus crasseux, il se paie le luxe de textures artisanales pour exprimer la misère de Pandore, terre promise des chasseurs de trésor et véritable trou à rats. Du coup, on pourra lui reprocher une mise en scène un peu molle, qui tranche d'autant plus que le visuel est maîtrisé. L'image s'attarde trop sur la beauté des décors, les cinématiques manquent du rythme nécessaire à l'expression de leur humour. Impertinent mais encore trop jeune, pourrait-on dire. Les hectolitres de sang et les blagues potache-crades c'est sympa, mais on aimerait bien en prendre plein la figure, la prochaine fois.
The Fab Four
Du côté de nos quatre impitoyables
chasseurs de trésor, par contre, ça rigole moins. Ils sont cruels,
létaux et désespérément cupides. Quatre classes, quatre tempéraments avec les capacités spéciales qui vont avec, et le même total désintérêt pour la vie d'autrui. Mordecai le sniper accompagné de son oiseau de proie, Roland le soldat qui peut déployer une tourelle et un bouclier, Bricks la brute épaisse et son mode berserker et Lilith la Sirène capable de se rendre invisible, attendent sagement de descendre du bus pour explorer les
étendues désertes de Pandore. Dans ce hack'n slash moderne pur jus, les
armes à feu ont remplacé les armes blanches. Et l'espérance de vie
des ennemis rencontrés diminue toujours à mesure que la promesse de
points d'expérience et d'armes puissantes se fait plus précise.
L'apparition d'une femme mystérieuse, façon prise de vue réelle
pour accentuer le décalage avec l'aspect général du jeu, n'est
qu'un prétexte ; si la belle inconnue promet de nous mettre sur la
piste de l'Arche, un artefact alien, elle nous annonce surtout qu'il
va falloir prendre des quêtes. Descendre des bandits, éliminer leur
chef, retrouver des objets perdus, dégommer la faune locale, toutes
les missions se ressemblent.
Sous les douilles, l'XP
Ne vous y trompez pas, la prise en
main très FPS est tout ce que le jeu emprunte au genre. La
localisation des dégâts se résume au diptyque corps/tête, et les
tirs en pleine caboche n'entrainent jamais la mort immédiate de la cible.
De même, la dextérité seule ne suffit pas à se défaire des
adversaires les plus coriaces. Comme dans tout jeu de rôle, car Borderlands en est un, des
paramètres aussi nombreux que le niveau de votre personnage et celui
de votre ennemi, ou encore l'état de son bouclier et l'élément de
votre arme, influent sur les affrontements. Il
faut souvent vider son chargeur sur un unique bandit, et courir
autours des boss pour espérer tenir suffisamment longtemps et les
voir tomber avant soi. Passé la surprise du genre qui en
cache un autre, on prend un pied fou à semer la mort. Car Pandore la
dangereuse offre un plaisir souverain, celui de la puissance. La
course à l'armement débute dès lors que les premières pièces
tombent. Et quelles armes ! Marques, améliorations diverses à base de pourcentages barbares... là encore on retrouve l'esprit du jeu de rôle dans ce qu'il a de plus pointu.
Seul...
Et si l'attirail de guerre prend vite des proportions épiques et un look résolument punk (couleurs criardes et designs réussis), il ne rend pas pour autant tout puissant. En solo, l'aventure Borderlands est marquée par de longues balades dans les terres désolées de Pandore, à pied ou en véhicule. Les dangers qui se tapissent au fond des grottes ou derrière les bâtiments de tôle invitent à la prudence et à la contemplation. Les autoroutes abandonnées sont un plaisir pour les caisses locales aux looks emprunts de futurisme complètement années 80, sans direction assistée, qu'il va falloir dompter. Pour le pistolero solitaire, lancer son pouvoir spécial au bon moment (chacun des 4 a le sien) et battre en retraite pour recharger son bouclier constitueront la base. Et le plaisir de jouer récompensera une grande discipline et des choix de spécialisation stratégiques. Un système d'arbre de compétences bien fichu offre trois voies pour chaque héros. Il révèle toute sa saveur en mode multi-joueurs, via le Live uniquement. Car l'écran splitté est une vraie honte. Aucune adaptation de l'interface n'a été réalisée, les messages d'aide gênent les deux parties de l'écran, c'est une option à oublier d'office, pour se tourner vers la solution multi-console ou internet.
... à plusieurs
À plusieurs, l'action devient plus nerveuse, les ennemis gagnent en résistance, et l'accent est mis sur l'entraide. Celle-ci devient obligatoire dès lors qu'il faut vider plus d'un chargeur de mitraillette pour faire tomber le premier animal venu. La possibilité de réanimer son collègue à terre, mais surtout la complémentarité des personnages rend les actions coordonnées excitantes. Le commando de la mort ainsi formé pourra accueillir plusieurs fois la même classe de personnage grâce à la personnalisation des couleurs, mais tout l'intérêt réside dans la variété des spécialités. On pourra ainsi imaginer un commando furtif redoutable composé de Lilith et Mordecai, ou bien des configurations beaucoup plus équilibrées dès lors que Bricks vient jouer le rôle de tank... car Bordelands emprunte aussi très largement aux MMO (jusque dans le code couleur décrivant la rareté de son butin).
Malgré un début très mollasson et des missions très répétitives, Borderlands est un titre qui joue intelligemment sur les contrastes, pour se trouver là où on ne l'attend pas. Un solo de prime abord ennuyeux mais très vite prenant, un multi efficace et équilibré réservé au Live... Et surtout une vue à la première personne qui annonce un FPS et cache en réalité un système d'évolution typique du jeu de rôle et un déroulement calqué sur le hack'n slash. La sauce ne prendra pas pour tout le monde. Mais Borderlands est un jeu couillu, enthousiaste et entier, qui mérite assurément qu'on s'y attarde.