Sur le papier, Atlas Fallen a de quoi séduire un large public avec son monde original et ses combats explosifs. Malheureusement, les bonnes idées ne font pas tout.
Deck13 Interactive est surtout connu pour avoir donné naissance à Lords of the Fallen, puis à la saga The Surge, deux licences orientées souls-like. Avec Atlas Fallen, le studio a voulu sortir de sa zone de confort en proposant une aventure dans un monde semi-ouvert à l’identité forte qui repose sur des mécaniques de déplacement originales et des affrontements frénétiques. Une proposition qui a tout pour plaire en théorie, un peu comme un certain Forspoken… Est-ce de mauvais augure ? Oui et non.
Une narration qui dessert un scénario réchauffé
Avant de vous lancer dans l’aventure, vous passerez quelques minutes dans un éditeur de personnage extrêmement sommaire et qui ne donne pas vraiment envie de s’investir tant les modèles 3D sont grossiers. Dans Atlas Fallen, vous incarnez un Sans-Nom, un esclave qui n’a presque aucun droit, mais qui va très rapidement devenir une personne hors du commun grâce au pouvoir d’un mystérieux gantelet. Avec son aide, vous devrez libérer le monde du joug d’un dieu tyrannique qui a fait d’Atlas un territoire désolé, tout en découvrant la véritable nature de l’étrange objet que vous possédez et de Nyaal, l’esprit qui l’habite. Une guerre des dieux qui s’inspire d’ailleurs clairement de God of War. En août 2022, on se souvient que le directeur Jérémy Hartvick avait déclaré sans détour qu’Atlas Fallen puisait dans les codes de la célèbre licence.
Cependant, l’histoire d’Atlas Fallen n’a clairement rien d’emballant et c’est bien dommage, car sur le papier, l’univers est profond, complexe et travaillé. Malheureusement, les premières heures de l’aventure ne font que très peu avancer le scénario et la narration chaotique du titre le pénalise. Les dialogues sont souvent très plats et leur mise en scène beaucoup trop classique rend l’immersion difficile. Les fondus noirs qui viennent trop souvent casser le rythme entre chaque scène n’aident pas non plus. Un problème que l’on pouvait déjà retrouver dans les précédentes productions du studio. Seules quelques discussions avec Nyaal, notamment aux enclumes (qui font office de points de sauvegarde) viennent apporter un peu de consistance à notre quête, mais c’est tout. Le jeu ne compte quasiment aucun moment épique, alors que le potentiel énorme du monde élaboré par Deck13 ouvrait clairement la porte à des séquences mémorables.
Jouer dans le sable, c’est vraiment bien
Si Atlas Fallen a suscité la curiosité avec ses séquences de gameplay, il le doit surtout à sa mécanique de déplacement phare, « la glissade des sables ». Concrètement, lorsque vous vous trouvez sur du sable et que vous activez la touche de sprint, votre personnage va automatiquement glisser au lieu de sprinter. Et vu les énormes étendues de sable que comprend chaque zone du jeu, vous allez user de cette mécanique très régulièrement. Se déplacer dans Atlas Fallen est particulièrement agréable non seulement avec la glissade, mais aussi et surtout grâce à la ruée, qui s’effectue avec le gantelet. Étant donné les grandes distances qu’il est possible de parcourir grâce à la ruée et au double saut, on peut très facilement atteindre des points extrêmement hauts ou se rendre rapidement d’un point à l’autre. Alors que vous ne pouvez effectuer qu’une ruée au départ, l’amélioration de votre atout vous permettra d’en effectuer trois à la suite.
Avec le pouvoir de l’élévation (qui peut aussi être amélioré), vous pouvez redresser des structures ensevelies dans le sable. Au fur et mesure de votre progression, vous pourrez élever des édifices de plus en plus grands, et explorer des endroits qui étaient autrement inaccessibles. Cette dimension metroidvania d’Atlas Fallen est particulièrement plaisante.
En fait, même concernant son exploration, Atlas Fallen montre une première limite à cause des barrières invisibles qui vous empêchent trop souvent d’atteindre un endroit qui semblait tout à fait à votre portée. Malheureusement, quand le jeu a décidé qu’une zone était impraticable ou que seul un chemin est le bon, il n’y a rien à faire et c’est très frustrant. On regrette aussi que les environnements semi-ouverts se ressemblent tous : de grandes étendues de sable avec quelques zones boisées et de petits villages disséminés çà et là. Une ou deux cités pleines de vie et d’animation sortent un peu du lot, mais on attendait quand même plus de diversité dans les biomes, surtout que c'est ce que le studio promettait.
Au-delà des combats, le jeu propose peu de contenus annexes intéressants. Les quêtes secondaires sont non seulement peu passionnantes, mais aussi pas vraiment récompensantes. La plupart du temps, on gagne seulement de l’expérience et quasiment jamais de nouveaux objets puissants comme des armures ou des pierres par exemple. Il y a tout de même quelques activités à faire ici et là. Dans le monde ouvert par exemple, vous trouverez quelques boss élites contre qui la victoire est bien plus fructueuse, des statues à détruire pour gagner de l’expérience ou encore les chemins oubliés, qui dressent des structures éphémères dans les airs pour vous mener à des coffres cachés. Vous trouverez également des cartes au trésor qui vous mèneront à des récompenses plus ou moins intéressantes.
Un jeu qui ne manque pas de bonnes idées
En combat, Atlas Fallen souffle le chaud et le froid. Pourtant, le jeu se repose sur des mécaniques intéressantes ici aussi. Votre personnage peut équiper une arme principale et une arme secondaire. Chacune possède son propre set de mouvements et comme dans beaucoup de beat’em all, vous pouvez alterner entre les deux pour créer des combos. Atlas Fallen inclut aussi une parade absolument essentielle à la survie, “La peau de sable”. Cette mécanique vous permet, lorsqu’un ennemi est sur le point de vous frapper (symbolisé par une lumière rouge, sachant que les attaques bleues ne peuvent pas être contrées), de déployer votre peau de sable pour parer le coup et cristalliser votre adversaire pendant quelques secondes. Il faut impérativement maîtriser cette parade, qui rappelle d'ailleurs un peu le durcissement de Mortal Shell, pour s’en sortir au combat.
Mais tout le sel des affrontements réside dans la jauge de ferveur, une excellente idée. Concrètement, il s’agit d’une jauge divisée en trois niveaux. À chaque palier franchi, vos armes changent de forme (l’Ascension) et vous infligez plus de dégâts. Mais attention, car les attaques adversaires vous font également plus mal. Quand une des sections de la jauge est pleine, vous pouvez déclencher une attaque surpuissante qui vide toute votre barre. Libre à vous de l’utiliser quand bon vous semble, mais évidemment, l’utiliser avec une jauge de ferveur complète inflige des dégâts colossaux. En plus de cela, vous pouvez placer à différents intervalles des capacités actives et passives (les pierres d’essence). Une fois que votre jauge de ferveur monte suffisamment pour atteindre son emplacement (les endroits où vous pouvez les positionner sont fixes), celui-ci s’active. Il peut s’agir d’une nouvelle attaque à utiliser ou d’un bonus passif qui augmente la défense, par exemple.
Les meilleures pierres d’essence sont logiquement réservées au dernier palier de la jauge de ferveur. Pour arriver jusque-là, il vaut donc mieux être sûr de savoir gérer la parade comme un dieu, car une seule attaque peut causer la mort. Atlas Fallen vous demande donc de prendre des risques, mais les compétences surpuissantes que vous pouvez utiliser quand votre jauge de ferveur atteint des sommets vous récompense de votre témérité.
Il existe un très grand nombre de pierres d’essence aux effets très divers et on prend donc beaucoup de plaisir à rechercher la meilleure synergie, à les améliorer et à les utiliser en combat. Lors des affrontements, il faut toujours surveiller sa jauge de ferveur et faire preuve d’un grand sens tactique pour adapter notre façon de jouer en fonction des pierres actives et juger du meilleur moment pour utiliser notre Dévastation.
Dans Atlas Fallen, vous passerez donc beaucoup de temps dans les menus. En plus des pierres d’essence, il faudra impérativement améliorer vos armures, car ce sont elles qui font augmenter votre niveau d'équipement global. Chaque amélioration donne aussi droit à un point de don, que vous pouvez utiliser sur un arbre de compétences un peu déséquilibré étant donné que certains attributs paraissent complètement anecdotiques.
Des combats approximatifs
Malgré toutes ses bonnes idées, Atlas Fallen arrive à se prendre les pieds dans le tapis à cause d’un gameplay qui pêche par un grand manque de précision. Le pire vient du verrouillage des ennemis, totalement à la rue. Bon courage pour cibler l’adversaire de votre choix lorsqu’ils sont nombreux. On se retrouve donc souvent en grande difficulté quand ce n’est tout simplement pas à cause des attaques qui tapent dans le vide. En effet, on ne sait jamais vraiment à quelle distance se mettre d’un ennemi pour être sûr de le toucher, quelle que soit l’arme. Même quand on est convaincu d’être bien positionné, certains coups passent au travers de notre adversaire sans aucune raison.
En plus, le ciblage est très important, car seules certaines zones sur les ennemis (celles qui ne sont pas recouvertes de sables) sont vulnérables aux attaques. Comme elles sont parfois très petites, notamment pour les boss, il y a réellement de quoi s’arracher les cheveux. Atlas Fallen offre donc des sensations mitigées en combat, mais lorsque tout se passe bien et qu’aucun souci d’imprécision ne vient tout gâcher, les victoires sont satisfaisantes. Mais trop souvent, l’échec et même la réussite tiennent d’un concours de circonstances à cause de ces soucis ou simplement de bugs.D’ailleurs, on regrette aussi que le pouvoir de l’élévation du Gantelet ne serve absolument pas en combat.
Pour ne rien arranger, le bestiaire d’Atlas Fallen est d’une grande pauvreté. Il n’existe qu’une poignée de monstres différents qui sont identiques dans toutes les zones du jeu. Les mini-boss se comptent aussi en petit nombre et à de rares exceptions, on fait presque entièrement le tour du bestiaire en 5 ou 6 heures.
Attention les yeux…
Malheureusement, nous n’avons pas pu tester le mode multijoueur d’Atlas Fallen, qui ne fera certainement pas disparaître ses défauts d’un coup de baguette magique. Malgré tout, cette fonctionnalité qui permet d’inviter un ami à rejoindre sa session grâce au matchmaking devrait les amateurs de coop.
Enfin, ne comptez pas sur la partie graphique du titre pour vous consoler. Atlas Fallen est vraiment vilain. Au-delà des modèles de personnages, les textures ramènent au début de l’ère PS4. Même les ennemis, très peu détaillés, font peine à voir. Mais il y a pire que cela. Atlas Fallen enchaîne les errements et les bugs gênants, voire carrément bloquants. Nous avons presque tout vécu au cours de notre partie d’une quinzaine d’heures : les musiques qui se coupent en plein combat, les boss qui deviennent totalement inertes et se laissent achever (l’un d’eux est même resté bloqué plusieurs mètres sous terre), le jeu qui freeze… bref, ce fut une véritable catastrophe qu’on peut difficilement pardonner. Espérons que des mises à jour viennent rapidement corriger tout cela, mais en l’état, impossible de fermer les yeux sur ces énormes problèmes techniques.
On comprend pourquoi le jeu a été reporté plusieurs fois, mais il aurait certainement eu besoin de quelques semaines d’ajustements supplémentaires. Ne parlons pas non plus du clipping, notamment sur la végétation pourtant pas si dense que cela. Sur PS5, les chargements sont aussi particulièrement longs. Comptez au moins une quinzaine de secondes pour recharger une partie après avoir péri. Lors des combats de boss les plus ardus en mode difficile, c’est vraiment agaçant.
Heureusement, même si les environnements n’offrent que peu de variété, la direction artistique d’Atlas Fallen sauve un peu la mise. Les tons chauds qui se dégagent grâce au sable et au soleil omniprésent font lui donnent une identité forte et une ambiance agréable. Le jeu nous en met plein la vue lorsqu’il nous permet d’observer ses très beaux panoramas grâce aux hauteurs vertigineuses.