Dès son annonce, et même un peu avant ça, Assassin’s Creed Shadows a fait couler énormément d’encre. La faute à un contexte particulièrement tendu pour l’entreprise, mais également à de nombreuses tensions qui la dépassent totalement, elle, et un peu tout le monde d’ailleurs. Le jeu est la cible de très nombreuses attaques, sur pratiquement tout et tout le temps. Sans compter qu’il est le premier jeu à s'intéresser au Japon féodal, sa culture et ses mythes autour des ninjas et des samouraïs. Une époque demandée depuis des années par les fans, un rêve désormais devenu réalité. Assassin’s Creed Shadows est donc LE jeu qu’Ubisoft n’a pas le droit de louper, les attentes sont colossales aussi bien pour l’éditeur que pour les joueurs. Après de très nombreuses heures de jeu, on est forcé de constater que le titre va en faire criser plus d’un, c’est une certitude, d’autant plus qu’il est bon, bien qu’il soit imparfait.

Un petit message qui me semble très important avant d’aborder ce test au vu des très grosses tensions qui entourent sa sortie. Je n’ai pas la prétention d’être historien, loin de là. Assassin’s Creed Shadows, comme tous les autres jeux de la licence, est une œuvre de fiction qui s’inspire de faits historiques, de cultures et parfois même de personnages réels pour créer sa propre histoire qui, on le rappelle, est fictionnelle et lorgne même du côté de la science-fiction, et ce, depuis que la licence existe. Une mention qu’Ubisoft écrit en gros et en large dès le lancement de ses jeux d’ailleurs. J’ai donc abordé le jeu tel qu’il est, non pas comme une représentation historique 1:1 et comme à chaque fois que j’ai une oeuvre entre les mains, sans aucune arrière-pensée.

Assassin's Creed Shadows test PS5 Gameblog
Assassin's Creed Shadows ©KiKitoès pour Gameblog

Tout est question de liberté et de vengeance

Assassin’s Creed Shadows nous fait suivre l’histoire de deux personnages que tout oppose de prime abord et qui, par la force des choses, vont se retrouver à coopérer. Tous deux sont portés par cette même envie de liberté. Naoe, une jeune assassin, souhaite se libérer d’une promesse et du poids de la vengeance, tandis que Yasuke, ancien esclave étranger devenu samouraï pour un seigneur sanglant, vise à suivre son propre chemin, briser ses chaînes une bonne fois pour toute. C’est d’ailleurs avec ce dernier que s’ouvre le jeu dans une séquence d’introduction qui déverse rapidement des hectolitres d’hémoglobine. Shadows ne fait pas dans la dentelle, que ce soit avec sa trame ou ses séquences de jeu. C’est sombre, c’est violent. Le Japon du XVI ème siècle dépeint ici est un vrai coupe-gorge où les seigneurs se battent pour le contrôle de plusieurs régions et du pays dans son ensemble. Une guerre sanglante à laquelle participera Yasuke, là où Naoe la subira de plein fouet.

Après l’ouverture, c’est Naoe que l’on suivra de nombreuses heures durant. La jeune ninja ne connaît la guerre que par la force des choses, parce qu'on l’y a poussée. Bien qu'elle s'entraînera des années au sein de son clan, elle ne versera le sang que tardivement. Malgré cette évidente jeunesse, la petite n’a pas froid aux yeux. Si l’on aurait pu penser que le colosse d’ébène serait la brute sans cœur du duo, c’est finalement Naoe qui s'avère être la plus pragmatique, la plus froide. Yasuke, le roc, sera étrangement le plus mesuré, bien que son gameplay nous poussera clairement à être systématiquement expéditif. Comme endoctriné par cette culture qui n’est pas la sienne, le samouraï étranger se cherche. Sa quête de liberté est aussi une quête d’identité. Si une frange des joueurs continue de fustiger Ubisoft pour son choix, mais le fait est que Yasuke n’est pas là pour rien. Il n’est pas là pour alimenter un quelconque débat. Le personnage tel qu’il est écrit a ses raisons d’être. Son intérêt en tant que héros jouable en revanche, c‘est une autre histoire.

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Naoe médite entre deux assassinats ©KiKitoès pour Gameblog

Une part de la licence en suspens, malgré une grosse nouveauté

Naoe, la shinobi avide de vengeance, cherche elle aussi des réponses. Nous, joueurs et fans assidus de la licence, on en a quelques-unes. On connaît la ligue et son crédo, sa création et ce pour quoi elle se bat, mais à chaque nouvel épisode on en apprend davantage et il reste beaucoup à découvrir. Malheureusement, Assassin’s Creed Shadows passe totalement à côté. On le sait, il est censé être un nouvel élan pour la licence, et ce, sur tous les plans. Si chaque jeu raconte son propre récit, tous servent une toile de fond qui construit la mythologie de la franchise depuis des années. Une histoire de catastrophes, de complots et de civilisations anciennes, qui flirte avec la science-fiction. L’arc Desmond Miles est très loin, celui de Layla Hassan aussi, bouclé avec Assassin’s Creed Valhalla. Alors que reste t-il ? Malheureusement pas grand-chose. Je ne fais pas partie de ceux qui sont fans de l’histoire qui se déroule dans le présent, mais je m’étais habitué, comme tout le monde, à la suivre et à en découvrir ses secrets. Ubisoft en a visiblement décidé autrement et, comme à l'époque d’Assassin’s Creed Black Flag, on nous sert ici un « entre-deux ».

Il est toujours question de voyage grâce à l’Animus, mais on n’aura rien de plus à se mettre sous la dent, tant que l'on ne farfouille pas dans les fichiers secondaires que l'on peut débloquer. Pourtant, on était en droit d’y croire. D’autant plus que Shadows introduit Infinity, le fameux hub de l’animus qui permet de regrouper et lancer n'importe quel jeu depuis Origins tout en brisant un peu le quatrième mur au passage. On s’attendait donc à une véritable évolution là-dessus. Il y avait matière, mais c’est un flop. Ubisoft est certainement en train de chercher un moyen de rebondir, ou de créer une autre saga, mais nous pour le moment on est surtout en train de chercher un intérêt à l’animus et tout ce qui l’entoure et il n’y en a pas. Pas avec Assassin’s Creed Shadows en tout cas. L’animus est ici surtout un prétexte pour nous planter l'équivalent deux battle pass gratuits qui nous permettent de déverrouiller des cosmétiques et autres objets en remplissant des objectifs et des défis sans aucun rapport avec le jeu. Ils apparaissent alors comme des anomalies en jeu. Du contenu superficiel sans grand intérêt. Une boutique de cosmétiques est par ailleurs opérationnelle et déjà bien chargée. Du potentiel gaché qui ne fait que disperser davantage l’attention alors que l’on peinera déjà à garder le fil du jeu lui-même.

Petite balade sur les rivières ©KiKitoès pour Gameblog

Une liberté à double tranchant

Sur le papier, oublier un peu ce qu’il se passe dans le présent est censé nous permettre de nous focaliser davantage sur ce qu’il se passe avec Naoe et Yasuke, de s’y attacher réellement. Sauf que ça tombe quelque peu à plat malgré d’excellentes idées et des séquences marquantes. Ce n’est pas la trame en elle-même qui pose problème, puisqu’elle a beaucoup de choses à raconter. Complots, trahisons, assassinats, traditions… on est en plein Japon féodal, en tout cas celui que l’on fantasme et que l’on retrouve dans les livres, les films et les séries que l’on aime depuis des années. Le vrai problème d’Assassin’s Creed Shadows, c’est sa construction narrative, sa volonté d’offrir toujours plus de contenus et de liberté. Le jeu éteint sa propre flamme, il se cannibalise, part dans tous les sens, et nous laisse le loisir de recoller les morceaux. Le souci dans ce puzzle, c’est que les pièces ne s’imbriquent pas vraiment bien ensemble. Cette liberté, suivant la manière dont vous abordez le jeu, peut carrément tuer le rythme, au point de rendre Assassin’s Creed Shadows complètement décousu et peu intéressant, alors qu’il ne le mérite pas.

Le choix a été fait de tout axer sur la liberté, d’en faire un vrai bac-à-sable dans lequel on pourra aller et venir à sa guise en remplissant nos missions presque sans aucune condition. L’objectif principal, comme les précédents opus, est d’éliminer plusieurs cibles importantes pour mettre fin à leur règne de terreur. À côté de ça, Naoe et Yasuke ont leurs propres histoires personnelles, évidemment très importantes et capitales pour terminer le jeu, comprendre tous les enjeux et découvrir la vérité. Sans compter les quelques fragments narratifs offerts par l’animus qui entassent plusieurs informations essentielles pour venir compléter le tableau. Enfin, quelques personnages secondaires s'avèrent aussi être plus ou moins importants, pouvant aller jusqu’à vous prêter main forte si vous complétez leurs quêtes.

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A défaut d'être 100% fidèle à toutes ses représentations, le jeu nous sert de très beaux environnements ©KiKitoès pour Gameblog

Toutes nos missions nous sont présentées sur une vaste toile sur laquelle viendront se dessiner les portraits des personnages et cibles prioritaires avec leur lot d'informations. C’est à partir d’ici que l’on choisira quoi faire et où aller. Pour chaque mission, on devra enquêter et utiliser des éclaireurs pour nous aider à localiser nos objectifs sur la carte, ou au moins une zone à explorer. Pas d’obligation, vous faites comme bon vous semble. Seul le niveau de vos héros pourra peser dans la balance puisque si vous êtes trop faible, vous ne pourrez tout simplement pas abattre vos adversaires. La liberté est donc quasi totale et au bout de quelques heures, vous n’aurez même plus aucune limite. Sauf qu’en l’état, on a surtout l’impression qu’on a tout un tas d'idées étalées sur une table, et que la personne chargée de coller les morceaux pour en faire une histoire solide et rythmée est partie en vacances.

Une rencontre avec un personnage peut ainsi faire apparaître plusieurs missions différentes, parfois, il faut faire une action spécifique pour faire avancer différentes quêtes en même temps et si on salue la volonté de s'émanciper des carcans habituels tels que les menus déroulants et les suites de quêtes linéaires, on a du mal à s’y faire. Certains s’y feront peut-être même jamais d’ailleurs. Il est très facile de s’y perdre et le fil narratif en prend forcément un coup puisque morcelé et surtout éparpillé.

Résultat, suivant votre profil de joueur, vous pouvez littéralement passer à côté de choses très importantes, mais pire que ça, ça peut complètement altérer votre façon de percevoir le jeu. Vous pouvez vous lasser ou le trouver terriblement mou et lent, alors qu’en réalité, c’est juste que vous ne le faites pas correctement. Sauf qu’à aucun moment nous ne sommes aiguillés. Tout juste un effet de surbrillance que l’on peut facilement rater pour nous indiquer les objectifs prioritaires. Si vous avez le malheur de trop prendre votre temps ou de trop foncer tête baissée, vous risquez de vous saboter l’expérience et l’ensemble paraîtra décousu au possible. C’est valable dès le départ puisque Yasuke par exemple, ne rejoindra Naoe qu’à un moment précis de l’aventure, et ce moment peut arriver en quelques heures tout comme en plus d’une vingtaine. Ça dépend de vous, sauf que de prime abord, rien ni personne ne vous l’indique. Du coup, il arrive trop tardivement, on s’est déjà attaché à Naoe et son gameplay, au point que l’on se demande si un second personnage jouable était utile. C’est une question que je me pose toujours même après plus de soixante heures. Qu’on se le dise, Yasuke est intéressant et il a toute sa place ici, ne serait-ce que pour son histoire. Mais paradoxalement, c’est en faire un personnage jouable et d’essayer même d’en faire un protagoniste principal qui semble totalement anecdotique, il aurait tout à fait pu ne jamais être jouable, nous n’aurions rien perdu.

Deux personnages… mais pourquoi faire ?

Une fois réunis, nos protagonistes évoluent ensemble pratiquement tout le temps. Pas une cinématique ne se passe sans que l’autre ne soit là. Paradoxalement, on ne joue jamais les deux personnages en même temps. La seule fois où ils participent au même combat en même temps, ils se passent le relais d’une bien piètre façon. Pour le reste c’est du service minimum. On doit passer par le menu du jeu pour changer de personnage, qui apparaît comme par magie à l’endroit exact où l’on était avec le précédent, et ils n’interagissent jamais ensemble hors cinématique. On ne développe aucun sentiment à l'égard de leur partenariat et de leur prétendue relation qui paraît alors artificiellement mise en scène lorsque l’histoire les met tous les deux à l’écran en même temps. Pourquoi s’enliser à nous proposer deux personnages, se compliquer la tâche pour faire rentrer les deux dans le cadre, obliger les joueurs à gérer deux fois plus d’équipement et de compétences, alors qu’en définitive ça n’apporte pas grand-chose ? Excellente question.

Yasuke arrive tardivement, heureusement pas comme un cheveu sur la soupe, mais plusieurs pans narratifs nous font presque penser que celui-ci n’a pas été pensé pour être jouable dès le départ. La relation entre les deux personnages est même parfois très étrange. S’ils partagent le même but, leurs croyances et leur passé les opposent beaucoup trop et rien ne vient les lier réellement. Si bien que l’alchimie ne prend jamais vraiment entre eux, alors qu’ils évoluent curieusement très bien chacun de leur côté lorsqu’on ne doit incarner qu’eux pour leurs histoires personnelles par exemple. Trop différents, leur comportement est parfois tellement à contre-courant l’un de l’autre que ça dessert le récit, on a du mal à y croire, on ne comprend pas les réactions de chacun. On retrouvera très souvent d’ailleurs cette formule à de multiples reprises. Les ennemis deviennent amis, et tout le monde a tendance à se pardonner du pire. Affaire de culture et/ou de croyance autour du pardon, ou non, la façon dont c’est amené dans le jeu est très étrange et ça ne fonctionne pas vraiment.

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Assassin's Creed Shadows ©KiKitoès pour Gameblog

Au lancement de l'aventure, on peut choisir de jouer en ayant des choix à effectuer, et ainsi créer sa propre histoire, ou au contraire de laisser le jeu le faire à notre place. C’est ce qui sera considéré comme étant l’histoire canonique. Pour ce test, j’ai choisi de prendre mes propres décisions. Les choix sont donc plutôt nombreux finalement, et certains ont un impact direct, mais c'est tout. Rien ne viendra bousculer ce que le destin a d’ores et déjà prévu. Ca ne semble pas vraiment non plus trop secouer nos personnages alors qu’il arrive pourtant parfois qu’ils soient en désaccord total sur des choses très importantes.

En revanche, peu importe ce que vous choisirez en début de jeu, lorsque le duo sera réuni, vous pourrez de temps à autre choisir de faire intervenir l’un ou l’autre des personnages lors des missions. Là encore, rien ne viendra réellement impacter le dénouement, mais plus le déroulé. Là où Naoe préfèrera l’infiltration, Yasuke lui enfoncera des portes et cassera des bouches. À vous de voir ce que vous préférez comme approche. Assassin’s Creed à l’ancienne ou une version exacerbée de ce qu’on nous sert depuis Odyssey et Valhalla ?

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Assassin's Creed Shadows ©KiKitoès pour Gameblog

Assassin’s Creed Shadows a le meilleur gameplay d’infiltration de la licence, c’est dit

Assassin’s Creed, tout est dans le nom. D’aussi loin qu’on se souvienne, Altaïr Ezio ou encore Connor étaient plutôt du genre à être discrets même s’ils savaient tous jouer de la lame, les affrontements étant parfois inévitables. Depuis 2017, la série a pris un virage à 180° et lorgne davantage du côté de l’action RPG. Assassin’s Creed Shadows ne sait pas vraiment quoi faire, il a le cul entre deux chaises. Comme pour tout ce qui touche à son animus, il nous propose un gameplay « entre-deux », littéralement divisé avec Naoe d’un côté et Yasuke de l’autre. Deux héros que tout oppose.La jeune ninja est assurément la plus agréable à jouer. C’est même elle qui tire la couette. Il n’y aurait pu avoir qu’elle. Peut-être même qu’il n’y aurait dû avoir qu’elle.

Naoe représente tout ce que l’on aime d’Assassin’s Creed, tout ce que la licence devrait être. La shinobi excelle en infiltration, elle peut se faufiler absolument partout en plus d’être une acrobate aguerrie très douée au parkour, en témoignent ses animations très détaillées et vraiment réussies. Le coup de foudre est immédiat. Déjà lors de ma preview j’étais sous le charme, le jeu complet m’a définitivement convaincu. De l’écriture au gameplay, Naoe porte tout Assassin’s Creed Shadows sur ses petites épaules. Elle seule profite réellement de tous les ajouts de ce nouvel opus que l’on n’imagine même plus disparaître de la licence tant ce serait une régression. Le simple fait de pouvoir s’allonger au sol permet de profiter de l’environnement différemment. De l’herbe moyennement haute, l’inclinaison d’un toit ou ramper dans des eaux peu profondes peuvent désormais nous servir de cachette. Chose impossible auparavant. Naoe est également la seule à pouvoir utiliser la Vision de l’Aigle, une capacité qui lui permet de sentir les ennemis à travers les murs pour prévenir le danger. Un poil trop puissante, cette compétence reste toutefois hyper utile et remplace surtout les oiseaux que l’on avait comme compagnon depuis Origins.

La prise en compte de l’ombre et de la lumière joue également beaucoup dans l’infiltration puisque l’on peut profiter de la nuit, ou des zones ombragées pour se camoufler, voire même d’en créer en étouffant les sources de lumière nous-même. À cela s’ajoute tout l’attirail du ninja accompli comme le grappin, les shurikens ou encore les kunais et les bombes fumigènes. Des gadgets extrêmement utiles et parfaitement équilibrés pour le coup. Non, vous ne pouvez plus décimer des rangs entiers d’ennemis en lançant des fumigènes dans tous les sens, mais on peut tout de même faire le ménage dans la limite du raisonnable. Le grappin quant à lui est surtout là pour nous permettre d’atteindre des zones autrement inaccessibles.

On peut donc facilement profiter de la verticalité de l’architecture en grimpant au sommet des pagodes ou des temples avec aisance. Le parkour est excellent, Naoe sait se mouvoir avec facilité, légèreté et élégance. Le level design aide beaucoup, sans pour autant nous dessiner des cheminements bien visibles à l’instar d’Assassin’s Creed Mirage. Ici, c’est bien plus naturel, même si on pestera sur les arbres bourrés de planches bien jaunes ou d’ancres à grappin. Ce n’est pas vraiment crédible et en prime ça dénote avec tout le reste. Il n'empêche que seule Naoe profitera réellement de tout ça, des forteresses immenses, très détaillées à l’architecture toujours aussi soignée et à la conception crédible, tortueuse et bien fichue.

C'est le grand retour des doubles exécutions, et avec classe siouplaît ©KiKiToès pour Gameblog

Yasuke, la partie sauvage, brutale et dispensable d'Assassin's Creed Shadows

Yasuke quant à lui, n’est malheureusement qu’un buffle. Le guerrier pèse son poids et ne porte pas le surnom du géant pour rien. Bien plus grand et robuste que la plupart des habitants du coup, il se déplace beaucoup plus lentement que Naoe et s’avère beaucoup moins souple. Il compensera avec une force brute colossale lui permettant de combattre les ennemis par groupe de 10 sans broncher, là où Naoe transpirera s’ils sont en nombre. Il représente la partie agressive du gameplay, celui dont les derniers épisodes Origins, Odyssey et Valhalla nous ont habitués. Sauf qu’ici, il ne sait faire que ça. Enfoncer des portes, exploser des mâchoires, catapulter les pauvres bougres comme un Spartiate. Lorsqu’on voit que sur ses six arbres de compétences, cinq d’entre eux sont dédiés à des armes, on a compris.

Il a toutefois un gameplay intéressant, totalement axé sur le combat donc, mais qui rend extrêmement bien. Sa surpuissance est nettement marquée par l’impact de ses coups et ses capacités martiales. Dommage que ça n’aille pas plus loin, puisque hormis faire office de défouloir, Yasuke n’a rien de plus à nous offrir lorsqu’on l’incarne. Il ne dispose que d’un fusil et d’un arc pour se démarquer à distance, mais c’est tout. Pour le reste, seuls sa force brute et son penchant pour la baston lui donnent de la consistance. À n’en pas douter le gameplay de Yasuke est là pour faire échos aux derniers jeux de la franchise, comme pour ne pas couper le cordon trop tôt.

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Yasuke ne rigole pas... ©KiKitoès pour Gameblog

Heureusement, le système de combat est intéressant et dynamique. En difficulté normale ou supérieure, il pourra même se montrer parfois exigeant. Comme depuis Origins, on se bat avec des attaques légères et lourdes, on esquive et on pare. En revanche, cette fois les attaques adverses ont des propriétés qui peuvent nous aider à renverser la vapeur. Grâce à des scintillements de couleur, on peut en effet connaitre la nature de l’attaque. Une légère (blanc), une normale ou un combo (bleu) et une attaque lourde ou mortelle (rouge). Les deux premières peuvent être parées pour contre-attaquer, même si un combo vous demandera de bloquer l’intégralité (ou une bonne partie) des coups pour vous créer une ouverture. Les assauts lourds et mortels devront en revanche être esquivés sous peine de prendre de violents dégâts. Une esquive parfaite vous permettra là aussi de prendre l'avantage efficacement. Yasuke pourra contre-attaquer avec des dégâts colossaux là où Naoe, elle, repose plutôt sur l’esquive et la dextérité avec des attaques extrêmement rapides ou de nombreux contrôles lui permettant de mettre des coups critiques.

Là encore, même si c’est Yasuke le plus efficace, la plus grisante à jouer en combat reste Naoe. Elle est plus fragile et agile, ce qui rend les affrontements plus intenses et tendus que jamais, mais surtout il se dégage un sentiment d’accomplissement lorsqu’on a décimé, avec classe, plusieurs ennemis avec la shinobi.

Ces gars là débarquent si vous êtes recherchés dans une région. On est content d'avoir Yasuke dans ces cas là. ©KiKiToès pour Gameblog

Naoe porte Assassin’s Creed Shadows à elle seule

La reine reste Naoe, l’avenir d’Assassin’s Creed c’est bien elle et on espère que les nouveautés incorporées avec Shadows continueront à être utilisées et même développées. Ça faisait bien longtemps qu’un jeu de la licence n’avait pas autant bien mis en valeur son aspect infiltration et opération secrète. Même Mirage qui se voulait pourtant être un retour aux sources, est en dessous sur plusieurs point.

Lorsqu’on se faufile de toit en toit, que l’on écoute les gardes discrètement, qu’on traîne un corps dans une cachette ou quand on se pend au plafond pour éliminer une cible dans l’ombre, il y a comme une bonne odeur de Splinter Cell, d’infiltration pur sang. Les opportunités sont très nombreuses et paraissent surtout très naturelles, pas du tout forcées la plupart du temps, ce qui renforce l’immersion et le sentiment d’avoir réfléchi soi-même à une stratégie. Les développeurs nous donnent les outils, mais c’est à nous de trouver les solutions. Ça nous permet enfin de réellement vider un camp ou une forteresse discrètement sans jamais faire couler le sang, ou au contraire de décimer tout le monde sans déclencher la moindre alerte. On planifie nos approches et on se surprendra même parfois à passer plusieurs dizaines de minutes à examiner l’environnement et à expérimenter.

©KiKitoès pour Gameblog

La météo dynamique, une réussite incroyable

Un autre élément très important joue aussi un rôle capital là-dedans, tout en faisant le lien avec le côté artistique du soft : sa météo dynamique et son système de saison. Autant vous le dire tout de suite, c’est impressionnant, du jamais vu. La météo dynamique fait un travail monstrueux sur l’ambiance générale du titre en enrobant la direction artistique, absolument sublime, et en offrant également tout un tas d'opportunités de gameplay. Chaque saison apporte son lot d'événements climatiques et tout influence les mécaniques de jeu. Par exemple l’hiver, l’eau est gelée et peut ainsi bloquer des passages sous-marins ou des cachettes potentielles. Certains buissons, suivant les espèces, perdent aussi leur feuillage et ne peuvent plus être utilisés pour se camoufler, et des stalactites tombent lorsqu’on marche sur les toits ou que l’on se pend à un rebord. Ça fait du bruit, alerte les gardes et peut même les blesser voire les tuer si ça leur tombe sur la tronche. Le printemps au contraire, offre une végétation bien plus généreuse et donc plus de cachettes. Chaque saison a ses avantages et inconvénients sans compter la météo en elle-même et le cycle jour / nuit. On peut profiter de la nuit pour s’infiltrer discrètement, ou d’une tempête de neige pour disparaître dans le blizzard. A contrario, les éclairs d’un violent orage peuvent révéler votre position une fois la nuit tombée. Tout ça, on le découvre en jouant et en expérimentant.

Artistiquement et techniquement, c’est également très impressionnant. On tient là la nouvelle génération de jeux Assassin's Creed. L’automne, les couleurs ocre et doré subliment les forêts, les feuilles tapissent le sol et se lèvent par la force du vent dont la gestion est d’ailleurs bluffante et extrêmement crédible. Elle est par exemple capable de lever la poussière et de secouer les arbres en faisant virevolter branches et feuilles. La pluie a elle aussi un rendu assez incroyable, créant des flaques ruisselant depuis les toits… La transition entre beau et mauvais temps n’est pas immédiate non plus, les couleurs changent, le sol sèche petit à petit. On pourrait en parler des heures et même y trouver une certaine poésie.

Assassin’s Creed Shadows est artistiquement sublime

Ces effets météo ajoutent un vrai plus à l’expérience, mais pas qu’en termes de gameplay. La direction artistique est également sublimée par ces évènements climatiques. C'est bien simple, on pourrait prendre des photos presque partout, tout le temps. Le moindre panorama ou une simple marche au cœur d'un village typique est prétexte à dégainer le mode photo. Les cerisiers qui fleurissent, les arbres qui se couvrent de couleurs cuivrées à perte de vue, le soleil qui passe à travers la brume matinale.. c’est somptueux. La direction artistique est absolument magnifique. Alors non, ce n’est pas une représentation historique encore une fois, comme pour tout, Ubisoft s’inspire du réel pour le retranscrire à sa sauce en y incorporant ses propres idées avec un rapport à l’échelle plus réaliste que d’habitude. Le fait est que le subterfuge fonctionne à merveille. De l’imposante ville de Kyoto, immense, aux petits villages nichés entre les montagnes, on découvre de vraies merveilles durant nos voyages. Les temples et autres sanctuaires sont également très nombreux et sont en prime souvent très utiles.

Plus que n'importe quel autre Assassin's Creed, Shadows nous invite au voyage. Son immense carte crédible et sa réalisation artistique aux petits oignons sont des atouts indiscutables. Heureusement que c’est une réussite visuelle d'ailleurs, puisqu’on va énormément marcher. Shadows nous fait voyager aux quatre coins de sa carte, parfois pendant de longues minutes. Il prend alors des airs de jeu contemplatif, d’autant qu’il n’y a pas grand monde sur les routes et qu’on ne peut plus chasser d’animaux sauvages. On ne peut plus les tuer du tout, ces derniers sont invincibles. Certainement dû là encore à une affaire de culture.

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Réalisé sans aucun trucage, c'est juste en se baladant (j'étais même poursuivi, j'ai pris la pause) ©KiKitoès pour Gameblog

Heureusement, il y a une tonne de points d'intérêt à découvrir : temples, sanctuaires, ruines anciennes, forteresses, petits coins de méditation… On pourra d'ailleurs les repéré depuis les fameux perchoirs, toujours présents, qui fonctionnent toutefois différemment. Shadows repend ce qui a été fait avec Immortals Fenyx Rising. Une fois sur un point en hauteur, vous pouvez scruter l'horizon pour mettre en valeur les points d'intérêts importants, et il y en a un paquet. Autant de lieux qui offrent des activités annexes indispensables à notre évolution. Trouver des parchemins, des trésors, ou prier va certainement devenir routinier, mais ça a le mérite d'être très rapide à faire et donc pas spécialement rébarbatif. Assassin’s Creed Shadows nous pousse plus que nul autre épisode avant lui à papillonner pour gagner des rangs de connaissance, qui font office de palier pour nous permettre ensuite d'apprendre des compétences dans pas moins de six arbres de maîtrise pour chaque personnage. C’est là-dedans que l’on ira chercher des capacités passives pour améliorer nos aptitudes au combat, mais aussi des coups spéciaux qui donnent lieu à de superbes animations. Ces dernières sont mises en scène en un style graphique qui n’est pas sans rappeler l’art à l’encre ou les effets de style manga et comics faits de noir et blanc avec le sang rouge vif pour seule couleur. Les capacités et les statistiques que l’on ira débloquer sont également puissantes et indispensables pour se défaire des menaces que l’on rencontrera tout au long de notre voyage. C’est pour cette raison que l’on aura vite fait de se ruer sur le moindre objectif secondaire ou point d'intérêt. D’autant qu’on peut parfois y trouver de précieuses ressources, que ce soit des équipements (armes et armures) ou des matériaux précieux à revendre ou à utiliser à notre base.

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Une base pour une nouvelle famille

Naoe reprenant le flambeau de son clan, cette dernière se met en tête de créer une base d'opérations nichée dans une vallée secrète. À l’instar du village d’Assassin’s Creed Valhalla, on pourra gérer notre base et y construire divers bâtiments qui nous offriront des services utiles comme la forge ou encore des bonus variés. La particularité ici, c’est que pour la première fois dans la licence, on est libre de construire ce qu’on veut, où on veut, en décorant le tout comme bon nous semble. Positionnement des bâtiments, aménagement du terrain, déco des jardins… la liberté est totale encore une fois. On pourra acheter et trouver une multitude d’objets pour venir agrémenter nos bases au fil du temps, ainsi que quelques âmes qui viendront y vivre. Il est seulement dommage de voir que cet aspect est au final assez peu exploité. Il est utile, on y passera de temps en temps, mais on aurait clairement pu en avoir plus. Il donne finalement l’impression de n’être exploré qu’en surface. Cependant, il est certain qu’on va avoir le droit à un nombre incalculable de partages de créations à la sortie, tant les possibilités de personnalisation sont nombreuses et qu'il est possible de faire de très belles choses.

Rien que la personnalisation de notre base peut prendre plusieurs heures. Sur bien des aspects, Assassin’s Creed Shadows est chronophage. En ligne droite, tête dans le guidon, il est envisageable de finir le scénario principal en 35 heures environ, à condition d’accepter de passer à côté de presque tout. Il y a une myriade de choses à faire, un très grand nombre de cibles à abattre (ou non), des enquêtes et pléthore d’autres choses à découvrir. Tout n’est pas passionnant, mais Assassin’s Creed Shadows sait tout de même captiver notre curiosité. A vu de nez, compter près de 70-80 heures facilement pour tout compléter.

Oui, c'est ma petite base ©KiKitoès pour Gameblog

Des airs de jeu PS4 dans un jeu PS5 ?

Assassin’s Creed Shadows est extrêmement généreux et lorsqu’on se balade, c’est absolument sublime. Pourtant, tout n’est pas rose, loin de là. Outre le choix étrange d’exploser sa narration, le jeu a beaucoup du mal à la mettre en valeur et plus globalement à se mettre en valeur. Si l’écriture est bonne, la mise en scène de la plupart des séquences marquantes du jeu est entachée par une technique en dents de scie qui nous ramène directement à l’ère PS4, en dessous de ce que proposent Origins, Valhalla et même Odyssey. La modélisation et les expressions des visages ne sont absolument pas réalistes, très souvent exagérées. Yasuke est tourné au ridicule dès qu’il sourit, Naoe louche au lieu de menacer du regard… Nos héros ont beaucoup de charisme, la shinobi est belle comme tout et le samuraï en impose sérieusement, mais ils se font massacrer pratiquement à chaque cinématique. À cela s’ajoutent les éternels champs-contrechamps interminables lors des discussions. Pour un jeu bavard, c’est problématique, tant ça manque cruellement de modernité.

Sans compter que le doublage français n’est franchement pas à la hauteur des attentes d’une production de ce calibre. Ça sonne souvent faux, même si quelques interprétations sortent du lot, notamment Naoe et Yasuke, heureusement suffisamment convaincants. Je ne peux que vous conseiller de vous tourner vers le doublage immersif qui, comme pour Ghost of Tsushima, permet aux personnages de s’exprimer dans leur langues respectives. L’immersion y gagne énormément, sauf que ça ne fait pas tout puisque lorsqu’on doit passer dans le feu de l’action ou qu’une cinématique nous envoie enfin du rêve, c’est l’OST qui tape complètement à côté avec des musiques hors sujet. Des drums, des bass, des kicks ou un homme qui s’enflamme en chantant comme un fou n’ont strictement rien à faire là et pas besoin d’avoir l’oreille absolue pour voir que ça ne colle pas. Heureusement, le jeu offre tout de même de sacrées belles séquences et d'excellentes idées scénaristiques. Je pourrais pinailler en disant que les meilleures d’entre-elles sont malheureusement sous-exploitées, mais je pense que ça suffit déjà. C’est franchement dommage puisque mis bout à bout, l’histoire est bonne et aurait certainement mérité un meilleur traitement. Là, avec les soucis de mise en scène, un récit et des missions éparpillés et un tableau de progression difficile à appréhender, il faut parfois s’accrocher.

Les forêts sont hyper denses, parfois carrément impraticables ©KiKitoès pour Gameblog

La technique du jeu tousse parfois, que ce soit sur PS5 fat ou PS5 Pro. Sur la plus grosse des consoles de Sony, on profite simplement d’une meilleure fluidité et d’effets de lumière plus doux et réalistes grâce à quelques touches de ray tracing. Pour le reste, Assassin’s Creed Shadows est globalement beau de loin, les vêtements notamment sont incroyablement bien détaillés, très classes aussi, et les environnements sont à se péter la mâchoire. L’ambiance générale est incroyable, on aime s’y perdre, flâner, profiter du paysage et du sound design, lui aussi très réussi. Mais quand on commence à creuser, ce n'est pas la même chanson. Les bugs sont encore nombreux, bien qu’ils n’ont rien de très graves dans la mesure où ils n’empêchent pas de jouer. Il n’est pas rare de voir Naoe prendre ses propres décisions lorsqu’on dévale les toits, en faisant des sauts là où elle l’entend ou en décidant de s’accrocher à des endroits que l’on ne souhaitait pas.

C’est la routine chez Assassin’s Creed, au même titre que les bugs de collision ou des scripts qui partent en sucette à l'occasion, créant des situations plus drôles qu’autre chose. L’un des vrais points noirs du jeu concerne l’IA, juste bête à manger du foin. Si l’infiltration est vraiment géniale, les adversaires sont vraiment idiots, peut importe si l'on augmente la difficulté ou non. Souvent, ils semblent porter des œillères, incapables de surveiller leur flanc si bien qu’il est possible de les assassiner de côté. Ils ne réagissent pas vraiment à la disparition de leurs camarades, ne discutent pas entre eux, n’échangent pas… En d'autres termes, les ennemis sont simplement de la chair à canon. Ils représentent tout de même une menace compte tenu des dégâts qu’ils infligent, mais c’est tout. Il serait vraiment temps que des efforts soient faits là-dessus depuis le temps, d’autant que la concurrence nous a déjà prouvé qu’il était tout à fait possible de faire beaucoup mieux. Assassin’s Creed Shadows est capable du meilleur, comme du pire.