Cette année, Noël débarque un mois en avance et Papa Ubi nous gratifie de deux Assassin's Creed différents ! Si l'un fait la Une depuis quelques temps, car développé exclusivement sur les nouvelles consoles et mettant en scène notre belle capitale (mais pas que), l'autre fera peut-être parler de lui autrement en nous permettant d'incarner un Templier...
Shay Patrick Cormac est un Assassin. L'un des meilleurs de sa confrérie. Ses compagnons d'armes et lui se battent pour la liberté, mènent la vie dure aux pires ennemis du peuple et passent le reste du temps à se lancer des vannes entre deux meurtres ou deux balades en mer. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, donc. Jusqu'au jour où notre fougueux héros, bouleversé après une mission ayant entraîné de lourdes pertes civiles, va demander des comptes à ses frères et soeurs de galère. Pour cette blague de trop, il récoltera purement et simplement une balle dans le buffet avant d'aller faire un tour dans l'océan. Eh ouais, il ne fallait pas plaisanter avec la famille ! Recueilli, soigné et soutenu par les Templiers, il va rapidement oublier tout ce qu'il était jusqu'ici et devenir l'un des leurs. S'ensuit alors une succession d'événements durant lesquels il croisera et affrontera ses anciens camarades. C'est sur ce twist, au potentiel certain mais au traitement un poil maladroit et incohérent, que débuteront véritablement vos aventures. Si le scénario peut sembler léger au vu de ces quelques lignes, il ne l'est pourtant pas tant que ça. Il se révèle même plutôt intéressant sur de nombreux aspects, éclairant notre lanterne sur les différents épisodes et faisant le lien entre Black Flag et Assassin's Creed III. Pour peu que l'on soit amoureux de la série, les références ne nous échapperont pas, et la présence de certains personnages traités auparavant finit presque par légitimer l'existence de cette suite (ou préquelle, au choix). De quoi satisfaire tout fan qui se respecte.
Un air de déjà-bu
Prenant place peu avant la Guerre de Sept Ans, Assassin's Creed : Rogue vous fera voir du pays. Un peu. En fait, seuls deux environnements se démarquent réellement et trustent les deux tiers de l'histoire : River Valley et l'Atlantique Nord. Tandis que le premier s'avère assez classique avec ses villages et verts pâturages, le second vous fera découvrir un univers plus austère, avec son lot de tempêtes de neige et autres icebergs. Et qui dit icebergs dit inévitablement passages sur l'eau. Comme les titres qu'il est censé relier, Rogue propose en effet une partie sur la mer. Introduite durant les péripéties de Connor dans ACIII puis occupant une place de premier choix dans le gameplay de Black Flag, celle-ci constitue ici aussi le poumon de vos aventures. Vous aurez en effet besoin de vous déplacer énormément entre les différents lieux proposés. Au programme : batailles navales, attaques de forts et gestion de votre vaisseau, le Morrigan, ainsi que de votre flotte personnelle. Comme dans Black Flag quoi... Et malgré le fait qu'elles restent assez réussies et efficaces, il ne vaut mieux pas être allergique à ces phases, parce que vous allez en boire. Attention à l'asphyxie ! Concernant vos virées pédestres au beau milieu de la nature hostile, il sera possible de vous la jouer Man versus Wild en améliorant votre équipement via le dépeçage des deux-trois animaux sauvages qui passaient par là. Comme dans Black Flag quoi...
Plus jamais je ne boirai...
C'est là que se situe le principal défaut de Rogue, il n'apporte strictement rien de nouveau à la saga. En termes de gameplay j'entends. A part une ou deux armes inédites pour votre navire et autant dans votre arsenal personnel, on a l'impression de jouer à Black Flag... en moins ambitieux ! Je ne vous ferai pas l'affront d'aborder le sujet de la palette de mouvements mise à disposition de Shay : on a exactement droit aux mêmes commandes, animations et possibilités. Toujours dans le registre des choses qui fâchent, il faudra relever qu'au niveau de la réalisation, ce Rogue accuse les mêmes impairs que ses prédécesseurs... en plus prononcé ! Alors que les décors bénéficient d'un moteur rôdé et d'une patte visuelle propre à Assassin's Creed, poussant à la contemplation, il est regrettable d'être les témoins d'indigents défauts techniques qui gâchent un peu l'expérience. Le framerate déclare souvent forfait, et le comportement chaotique des personnages finit par nous mettre K.O., justement. Pendant et après des joutes endiablées, il n'est ainsi pas rare d'assister à de véritables séances d'exorcisme : les ennemis sont tour à tour pris de spasmes, flottent dans les airs, traversent les décors, etc. Ce manque de finition flagrant se ressent jusque dans la partie sonore, où l'on a droit parfois à d'inexplicables brouhahas, sans compter les dialogues qui alternent l'anglais et le français sans aucune raison valable. Non, non, ce n'est malheureusement pas pour faire plus authentique. Dernier point particulièrement irritant : les séquences de jeu se déroulant dans le présent. L'exploration dans les bureaux d'Abstergo est tout simplement lourdingue et guère sexy. On croise des PNJ à l'apparence fruste, on décrypte des noyaux d'ordinateurs en résolvant quelques puzzles, et c'est tout. Heureusement que ces interludes ne constituent pas le sel du périple et permettent tout de même d'en découvrir davantage sur ce qui se trame vraiment derrière ces histoires d'Animus.
... Bon allez, un dernier verre pour la route !
Malgré cette flopée d'imperfections, on y revient pourtant avec un certain plaisir. Peut-être que la volonté de percer les nombreux secrets et de comprendre toutes les ramifications autour des principaux protagonistes est suffisamment forte pour avoir envie de fermer les yeux sur ces travers. Peut-être que la multitude de quêtes annexes et d'objets à collectionner nous fait oublier le manque de nouveautés. Peut-être qu'au fond de nous, « freerunner » au milieu de la jungle ou les rues de New York (seule ville du jeu où l'on aura à rénover les infrastructures et développer nos relations avec les autres Templiers) est notre péché mignon et que l'on n'a que faire de ce mini-bâclage. Peut-être... Et puis, il faut reconnaître que l'infiltration, plus présente ici, offre des passages plutôt palpitants. Le fait de devoir débusquer des rôdeurs dissimulés dans le décor en activant la Vision d'Aigle (qui se comportera alors comme un sonar) quand on entend des murmures apporte pas mal à cette ambiance. Quant à la confrontation avec les autres Assassins, elle donnera lieu à quelques moments épiques. Nous n'en dirons pas plus pour que vous puissiez profiter de ces événements le moment venu. Bref, un opus en demi-teinte certes, mais que l'on appréciera pour ce qu'il est : un « add-on » venant enrichir, clarifier, la mythologie Assassin's Creed. Il ne faudrait toutefois pas abuser de ce genre de procédés pour justifier d'autres épisodes à venir !
Si Unity semble cultiver l'ire de certains par rapport à ses bugs techniques (quand d'autres s'évertuent à chipoter sur son contexte historique...), Rogue risque, lui, de s'attirer les foudres du public pour la mollesse de son traitement général. Néanmoins, grâce notamment au combat naval - héritage de Black Flag - particulièrement prenant, il parvient à faire le job tout au long de sa courte aventure. Comptez en effet une dizaine d'heures en ligne droite pour en venir à bout. L'utilisation du terme « add-on » n'est pas si exagérée après tout...