Avant l’explosion Dark Souls, Bloodborne et Elden Ring, il y avait Armored Core. Une licence de jeu d’action où l’on contrôle de gros mechas surarmés.
Cette franchise, moins populaire que les souls-like d’aujourd’hui, n’a pas fait que briller au fil des années, malgré la pléthore d'épisodes qui la composent. Ça faisait même un bon moment qu’elle était tombée dans l’oubli, presque total. Une petite niche de joueurs pleurait à chaudes larmes, mais le grand public ignorait presque totalement l’existence de la licence.
Cependant, lorsque tout le monde a commencé à s'intéresser à FromSoftware, studio désormais ultra populaire depuis le succès de ses souls-like, le nom d'Armored Core est revenu d’entre les morts. Désormais devenue une véritable star, FromSoftware s’est permis de revenir à ses premiers amours pour faire (re)découvrir sa licence au plus grand nombre, et Armored Core 6 est né. Sauf qu’il y a comme un pépin dans les mécaniques. Pas facile de passer après un chef-d'œuvre comme Elden Ring.
Des robots et des vocaux
Loin, très loin dans le futur d’un univers qu’on ne connaît pas, il y a Rubicon, une planète à l’agonie et surexploitée par l’humanité. Une guerre de multinationales interstellaires plus tard, on débarque, nous, pauvres mercenaires, dans l’orbite de la dite planète. Manque de pot, on se fait descendre en plein vol et on finit notre course au sol dans une immense structure industrielle, l’une des nombreuses qui habillent toute la surface (ou presque) de la planète.
C’est donc sans visage, sans voix, sans identité et les fesses coincées dans notre mecha que l’on s’écrase sur ce gros caillou ultra convoité. Et c’est à peu de choses près tout ce qu’Armored Core 6 nous fait comprendre au lancement du jeu. En vérité, c’est aussi tout ce qu’il cherchera à nous fera comprendre tout au long du jeu et de toute façon, c’est tout ce que l’on voudra bien retenir. Là où FromSoftware nous a habitués depuis ces dernières années à des univers cryptiques, volontairement mystérieux, mais au lore profond et bien amené, avec Armored Core 6 on est sur un vide interstellaire que l’on ne pensait clairement pas trouver. Et que je ne voulais pas trouver, je vous le confesse.
Oh, il y a bien un univers, il y a bien une histoire derrière la tôle froissée et les coulures de rouille. Un monde que l'on aurait vraiment aimé découvrir de A à Z. Mais finalement, on s’en fiche et de vous à moi je pense que le jeu aussi s’en fout royalement de toute façon. Il n’y a pas de chichi, pas de mise en scène en grande pompe, de cinématiques touchantes ou de simple scène ultra classe. Non, il n’y a qu’un menu qui fait office de hub dans lequel on choisira nos missions pour faire avancer le scénario ou rejouer les anciennes missions pour se faire de l’argent. Pas de campagne réellement scénarisée, pas d’exploration ou de découverte. L’histoire d’Armored Core est catapultée via des échange vocaux plutôt plat (le ton militaire évidement), et ça ne sert que de prétexte pour nous envoyer en mission, nous, le bon mercenaire qui ne dis jamais non. Et dans la mesure où la plupart des interactions avec nos pairs se fait essentiellement par message vocal, sans même un visage numérique, on s'ennuie fermement et on décroche totalement de l’intrigue. Il faut dire que c’est extrêmement froid comme procédé et que ça n'aide clairement pas à identifier les différentes entités entrant en jeu.
Mecha, boulot, dodo
Armored Core 6 n’est qu’une succession de missions en rien excitantes dans une poignée d'environnements qu’on nous fera prendre à l’endroit, à l’envers, sur le côté ou en travers comme si on était assez idiots pour penser que l’on découvrait de nouveaux environnements, et un retour dans les menus entre deux combats. Combats que l’on aura même pas besoin de mener à bout tant que l’objectif de la mission est accompli d’ailleurs, puisque comme à l’époque sur PS3, si on vous demande d’exploser 3 tours d’artilleries, et que vous réussissez, le fait d’avoir 350 mechas surexcités autour de vous qui vous balancent encore des missiles n’est pas important. L’écran de victoire vous empêche de mourir sur la fin et le fondu noir qui suit annihilera le reste de vos adversaires comme s’ils n’avaient jamais existé. En clair, il n’y a presque aucun challenge.
Une mission est difficile ? Pas bien grave, foncez comme un dératé aux objectifs en parcourant la carte à toute vitesse, ça fonctionne dans plus de la moitié des cas, surtout dans toutes les missions secondaires. Alors pour la rigolade, vous pouvez vous amuser à la jouer rôleplay et liquider le plus de menaces possible, ça vous permettra de gagner un peu d’argent et fera grandir votre score en plus de gonfler artificiellement la durée de vie du jeu. Mais comme on se tape des missions clonées, dans les mêmes environnements et parfois même plusieurs fois à la suite, on aura vite fait d’arrêter. « Va détruire 2 mechas et 3 hélicos, nettoie la zone, détruis ce mecha combattant, récupère les données…» des missions sans âme qui se torchent à vitesse lumière.
Armored Core 6 étant totalement différent des souls-like, je ne m’attendais donc pas nécessairement à y retrouver leur exigence. Mais je n’aurais pas dit non à un peu de challenge et surtout à un peu d’équilibrage. Parce que le fait est que dans ce jeu, les missions contre la friture, on les enchaîne sans même regarder l’écran. On tombe parfois sur un robot surpuissant et intuable qui brandira un panneau « hey, je suis là pour te forcer à refaire la mission et débloquer un journal audio, t’inquiète pas, je suis le capital rejouabilité », mais c’est tout. On retournera alors dans les stand pour booster sa machine et c'est on retournera sur le terrain dans la foulée. Pour le reste, on tirera des missiles en voltigeant dans les airs sans même trop savoir sur quoi on tape tant la lisibilité de l’action est souvent médiocre à cause de la grande quantité d'effet à l'écran et d'une camera parfois complètement dans les choux.
Et puis à un moment donné, on tombe sur un boss qui, lui, nous démonte façon puzzle sans que l'on ait le temps de dire ouf. Certains boss, souvent les plus grosses machines, ne sont pas bien dangereux, longs à tuer tout au plus, mais d’autres vous éclatent la carrosserie à vitesse grand V, vous balancent des nuées de projectiles en se déplaçant rapidement et vous font surtout rêver d’un jeu qui pourrait proposer ce genre de sensations bien plus souvent. C'est là que l'on prend son pied, lorsque le jeu nous fais suer et nous montre à quel point il est bon et dynamique. Manque de chance, c'est bien trop rarement le cas. Et lorsque les pics de difficultés se font sentir, ils sont parfois un poil trop énervés.
Armored Core 6 n'en a pas tant que ça sous le capot
Malheureusement, Armored Core 6 n’a rien du jeu qu'il aurait pu et dû être. Pourtant, tout n’est pas à jeter, à commencer par une partie du gameplay. Alors ok, l’assistance à la visée qui vise automatiquement les ennemis, ou les jette sur le plus proche dès que l’on passe au corps-à-corps, c’est pas bien grisant. C'est même parfois frustrant et on s'y perd. Mais contrôler un mecha destructeur surarmé, faire pleuvoir des dizaines de missiles sur les ennemis, tout faire péter comme un gamin. Ça c'est hautement plus exaltant. En tout cas, ça amuse toujours l’ado de 15 ans en moi qui jouait à Armored Core sur sa PS3 à l’époque. Et je pense que ça parlera aux fans. Par contre, pour les néophytes, c’est une autre histoire.
On ne peut pas dire que les sensations sont mauvaises, ce serait être mauvaise langue. Les mechas ont beau faire 18 tonnes, ils peuvent se déplacer très rapidement, utiliser des propulseurs pour carburer à fond et même voler, et ce, peu importe le poids de votre machine. Les sensations de shoot sont également plutôt bonnes, c'est très dynamique et explosif à souhait. Le problème c'est surtout que le jeu est très rébarbatif. Dans la mesure où le challenge n’est pas vraiment plaisant, puisqu'en dent de scie, et comme on a pas besoin de bien viser puisque tout est automatique de ce côté-ci, on se contente de valser un peu partout en pressant deux gâchettes et en attendant que les barres de vie disparaissent. Tout en faisant attention à la notre dans la foulée, ça va de soit. La redondance des objectifs de missions et des environnements que l’on se tapera plusieurs fois sous tous les angles n’aide pas non plus. Les missions secondaires n'ont rien de fun et les missions libres ne proposent en réalité que de revenir faire des contrats déjà terminés.
Quelques séquences sortent un peu du lot, comme les assauts de forteresse, à faire seul ou en équipe avec des copains IA, très grisants, ou encore les énormes machines à détruire et les boss, parfois assez exceptionnels dans leur genre. Mais c’est bien trop rare et surtout, noyé dans un amas de missions et de combats clonés. Le bestiaire, composé essentiellement de méchas, de véhicules et / ou d'engins de guerre (ou industriels) n’aide pas non plus. Au bout d'un moment, tout se ressemble finalement, au même titre que les environnements dont les biomes différents (espaces gelés, déserts poussiéreux, villes détruites ou encore structures métalliques titanesques...) se comptent finalement sur les doigts d’une main
Pour enfoncer le clou, Armored Core 6 n’est pas beau. Il est propre, techniquement réussi, mais c’est tout. Le jeu est ultra fluide, tout le temps, quitte a sacrifier quelques texture et la modélisation du décor en route. Oui, les environnements sont grossiers, la physique déglinguée (suffit de voir les objet se casser sous notre poids) et ça paraît rapidement vide. En revanche, la modélisation des mechas, très réussie, sort du lot, et fait même tâche dans le décor. Proposer des cartes hyper grandes est une chose, les rendre agréables en est une autre. FromSoftware n’a jamais vraiment fait de prouesses avec la technique de ses jeux, on aurait même tendance à dire le contraire, mais le studio s’est toujours rattrapé sur sa capacité à nous vendre du rêve avec une direction artistique inspirée et un level design aux petits oignons. Encore une fois, Armored Core 6 est aux antipodes de tout ça. C’est générique. Les maps ne sont finalement que de grandes arènes, bloquées par des murs « holographiques », dans lesquelles ont file en ligne droite la plupart du temps.
Malheureusement, la direction artistique ne sauvera pas les meubles cette fois. Difficile de toute façon de faire dans le séduisant lorsque l’on dépeint un univers majoritairement grisâtre, glacial et parfois poussiéreux voire même post-apocalyptique, et surtout bourré d'éléments mécaniques et industriels. Usines, ferrailles, immeubles, bâtiments militaires, structures diverses et variées, voilà notre quotidien dans Armored Core 6. On est très loin de l'invitation au voyage, même si certains arrière-plans nous vendent un peu de rêve avec de vastes panoramas, plutôt jolis d'ailleurs, sur de grandes étendues désertiques ou d’immenses structures dans le ciel. Mais ne rêvez pas trop, vous n'en profiterez qu'avec les yeux.
Mon mecha à moi
Finalement, on ne retiendra que le côté à la fois fun et old school des affrontements. C’est peu, mais c’est toujours ça. Notre mecha, c’est tout ce qui compte et ça tombe bien puisque si le studio ne s’est pas raté sur un point, c’est bien sur la personnalisation de notre robot, tout bonnement incroyable. On pourra en effet customiser chaque pièce de notre machine. Tête, buste, jambes et bras pourront être modifiés et non seulement elles changeront le visuel de notre engin, mais aussi ses statistiques. Il ne faudra pas négliger ces dernières puisqu’elles seront essentielles à votre survie. Comme dans n'importe quel RPG qui vous demandera de gérer votre équipement, Armored Core 6 propose la même chose, mais à la sauce mecha.
Il faudra donc veiller à votre robustesse (les points de vie, l’armure, etc.) et à l'énergie, l'endurance maison. La force et le poids entrent aussi en jeu. La première vous permettra de porter de l’équipement de plus en plus lourd et donc, de plus en plus puissant tandis que le second est une conséquence de tout l'attirail que vous portez, et impactera vos déplacements. De ce côté-là, Armored Core 6 surprend. On savait déjà qu’il y aurait de la personnalisation, mais je ne m’attendais certainement pas à ce qu’elle soit aussi poussée et utile pour le coup. Les armures, il en existe des tas et elles peuvent être mélangées afin que l’on puisse se créer des mechas qui collent parfaitement à notre style de jeu.
L’armement n’est pas en reste puisque l’on pourra équiper une arme dans chaque main, et une sur chaque épaule. Fusils, mitrailleuses, lance-roquettes, lasers et autres canons pour les mains, lance-missiles, artilleries lourdes, canons EMP, boucliers sur les épaules… Oui, on peut se créer de véritables machines de guerre et en ça, Armored Core 6 est extrêmement jouissif. En prime on pourra changer les couleurs, les matériaux utilisés ou mettre quelques stickers. Du tunning de robots en somme, mais du très, très bon.
Spectacle de son et lumière
La montée en puissance se fait ressentir à défaut d’être vraiment significative. On voit bien que l’on a une puissance de feu totalement aberrante (surtout si vous optez pour de l'armement lourd) après une petite dizaine d’heures de jeu, mais le fait est que l’on est déjà très puissant dès le départ. En revanche, balancer autant de projectiles va littéralement transformer votre écran en un festival de son et lumière. Un beau bordel qui va croître si en prime vous cherchez l’affrontement au corps-à-corps. La caméra part parfois en sucette , pour ne pas dire souvent, et les effets sont très (trop) nombreux à l’écran. Et c’est sans parler de l’ATH d’un autre âge qui prend quand même pas mal de place. En gros, c’est un foutoir, voulu peut-être, mais très bordélique quand même.
On aime ou l’on aime pas, c’est selon. Ça reste curieusement jubilatoire et on a tendance à en faire volontairement des caisses pour tout faire péter comme un grand gamin, mais de là à dire que l’on passera des heures à aimer ça… c’est une autre affaire.
On notera au passage qu’Armored Core 6 dispose d’un mode multijoueur que je n’ai pas eu la chance d’essayer durant la session de test malheureusement. Je reviendrai ultérieurement en parler lorsque j’aurai pu tâter la bête mais en l’état, ça ne changera pas le ressenti global de l’expérience, principalement centrée sur la partie solo.
Pour conclure, je voudrais revenir brièvement sur l’OST, quelque chose de plutôt important d’autant plus lorsque le studio s’appelle FromSoftware. Studio à qui l’on doit tout de même des OST, disons le franchement, excellentes sur Bloodborne, Dark Souls ou encore Elden Ring. L’OST d’Armored Core 6, à quelques morceaux près, n'a rien de mémorable.
Alors vous allez certainement me dire d’arrêter de comparer l’incomparable et que le jeu n’a rien à voir avec les souls. Oui, AC6 n'est pas un souls, c'est évident. Mais le fait est que c’est terriblement frustrant de savoir que le studio a un talent fou pour proposer des univers grandioses, des combats extrêmement intenses, tout en nous en mettant plein la vue et qu’Armored Core 6 ne profite de presque rien du tout en cela. Avec chacune de ses œuvres, FromSoftware a, jusqu'ici, toujours su apporter quelque chose dans ses jeux vidéo, et dans l'industrie plus généralement. Ici, avec AC6, ce n'est pas le cas.
Donc malheureusement oui, en plus d’être un jeu pas particulièrement séduisant à l'oeil, c’est une déception.