En 2021, Ubisoft créait la surprise en annonçant, tel un contrebandier, avoir contrecarré les droits d’exclusivité d’Electronic Arts pour adapter Star Wars en jeu vidéo, qui plus est dans une formule en monde ouvert qui montrait déjà des signes de faiblesse. Trois ans plus tard, Star Wars Outlaws s’apprête à nous emmener en compagnie de Kay Vess et Nix dans une belle aventure parmi les pires vauriens de cette chère galaxie lointaine, très lointaine. Le casse de l’année, et un nouvel espoir pour le géant français, une massive déception, ou un peu des deux ? On vous fait découvrir tout cela, blaster et non sabre-laser à la main, dans notre test réalisé sur PC en moins de 12 parsecs.
Le premier saut AAA vers l’hyperespace d’Ubisoft dans l’univers culte avec Star Wars Outlaws est piloté par Massive, à qui l’on doit déjà The Division, ainsi qu’Avatar Frontiers of Pandora, une autre adaptation plutôt convaincante d’une grosse licence de la science-fiction. Dans la communication autour de son nouveau jeu, le studio n’avait pas manqué d’occasions de revendiquer son profond amour pour ce monument galactique de la pop-culture. Vous pourrez voir ce que cela donne à partir du 27 août en accès anticipé (moyennant toutefois une conséquente somme de crédits, en raison d’une politique tarifaire qui a fait polémique), ou le 30 août avec la version standard, sur PC, PS5 et Xbox Series. D’ici là, voici notre ressenti après une quarantaine d’heures aux commandes de Kay Vess et son adorable compagnon Nix.
Kay Vess : A Star Wars Outlaws Story
Star Wars Outlaws place son synopsis entre les films de la trilogie originale L’Empire Contre-Attaque et le Retour du Jedi. Nous y incarnons Kay Vess, une jeune voleuse fauchée rêvant de parcourir la galaxie, mais confinée dans la ville-casino de Canto Bight (pour rappel introduite dans le controversé Le Dernier Jedi de la postlogie). Mais les étoiles vont finalement s’aligner pour elle et Nix, représentant d’une nouvelle espèce de créature spécialement créée pour le jeu, et dernière famille qui lui reste. Notre héroïne va en effet être recrutée pour participer à un casse dans la luxueuse demeure de Sliro. Il s’agit d’une figure forte parmi les syndicats du crime intergalactique, qui ont alors le vent en poupe, tandis que l’influence de l’Empire s'effrite face à l’Alliance Rebelle. Malheureusement pour notre charmant duo, le plan ne va, on s’en doute, pas se dérouler sans accrocs, et Kay verra sa tête mise à prix pour une colossale somme de crédits. Indirectement, elle réalise donc son rêve de quitter Canto Bight, mais va devoir se battre pour gagner sa liberté et se tailler une réputation dans l’impitoyable monde du crime organisé.
Voilà en substance ce qui nous attend dans Star Wars Outlaws, qui nous présente ici un cas d’école d’une histoire de contrebandiers dans cette bonne vieille galaxie lointaine, très lointaine. Si elle se montre plaisante à suivre en compagnie des attachants Kay et Nix, avec par moments d’impressionnantes fulgurances, les habitués devraient être en terrain très connu. L’ensemble se montre cela dit plus convaincant que le film centré sur la jeunesse d’Han Solo, mais le scénario reste assez convenu, et on sent venir les plot-twists à base de trahisons et de coups fourrés pour quelques crédits de plus (tant de la part de notre héroïne que de ses interlocuteurs) à des années-lumière. De même, les personnages principaux comme secondaires nous ont paru assez clichés dans leurs caractères et motivations. Autre point noir au tableau : des animations faciales (sauf chez les droïdes, évidemment) manquant sérieusement de naturel et se montrant assez en-dessous des standards actuels pour du AAA. Cela ne nous a pas vraiment aidé à nous attacher à ces protagonistes que l’on a apprécié suivre, mais sans plus. Ce qui dénote par ailleurs avec l’ambition d’Ubisoft de nous proposer l’un des jeux les plus cinématographiques de tous les temps. Un coup de blaster qui, tel un Stormtrooper, rate donc un peu sa cible, à notre goût.
Là où Star Wars Outlaws nous a en revanche impressionnés, c’est dans la magnifique représentation de son univers. Porté par le très solide moteur Snowdrop, le titre d’Ubisoft Massive est clairement l’un des plus beaux jeux s’inspirant de la cultissime licence. La poussée de Force visuelle est bluffante, avec des panoramas à couper le souffle, et des décors édifiants de crédibilité. Chaque monde à explorer (grossièrement au nombre de cinq, avec des biomes radicalement différents) et l’espace les entourant est un chatoyant bonbon pour les yeux, et le tout s’affiche avec une fluidité globalement constante, en tout cas sur notre puissant PC. Le travail sur l’immersion force également le respect tant celle-ci est aboutie. Rarement dans un jeu Star Wars nous sommes-nous sentis autant dans la peau d’un véritable habitant de cette galaxie hétéroclite. Le film Rogue One et les séries Andor et Mandalorian l’ont bien prouvé : pas forcément besoin de Jedi et de sabre-laser à toutes les sauces pour marquer les esprits, la simple représentation convaincante de la vie quotidienne dans cet univers unique peut faire des merveilles. Sur ce terrain, Star Wars Outlaws est une belle réussite, et on prend vraiment plaisir à simplement se balader et s’imprégner d’une ambiance qui transpire l’amour et le respect de la licence.
Plus qu’une superbe performance visuelle, Star Wars Outlaws nous régale également les oreilles grâce à un sound design d’excellente facture, reprenant avec une habile fidélité les bruitages iconiques de la franchise. La bande-son n’est pas en reste, avec des musiques rendant un vibrant hommage aux légendaires compositions de John Williams. Enfin, même si les personnages manquent un peu d'expressivité faciale, la qualité du doublage (en tout cas en anglais), rattrape plutôt bien cet écueil, avec des comédiens convaincants. Mention spéciale sur ce point à Humberly Gonzalez, qui incarne avec classe et charme Kay Vess, Dee Bradley Baker, qui nous a fait fondre avec les bruitages beaucoup trop mignons de Nix, et Jay Rincon pour l'intimidante voix du charismatique droïde commando ND-5.
Toujours par deux ils vont
Dans leur fuite éperdue à bord du vaisseau Trailblazer volé en catastrophe, Kay et Nix s’écrasent sur Toshara, une planète totalement nouvelle, imaginée, comme notre compagnon, spécifiquement pour les besoins de Star Wars Outlaws. C’est ainsi que commence la quête de la jeune voleuse pour grimper les échelons du crime organisé intergalactique et recouvrer sa liberté. Profitons du fait qu’elle se remette de ses émotions pour s’intéresser plus avant à, selon nous, l’un des autres points forts du jeu : son gameplay mêlant de manière réussie action-aventure et infiltration. Apprentie contrebandière oblige, Kay se montre autant habile dans des fusillades au blaster que pour se faufiler là où elle n’est pas la bienvenue. Dans un cas comme dans l’autre, elle répond de manière impeccable à nos commandes, et le tout se montre satisfaisant de fluidité et de réactivité, tant clavier/souris que manette en main.
Mais tout cela n’aurait pas eu la même saveur sans la véritable mascotte de Star Wars Outlaws : Nix. En plus d’avoir une adorable bouille, cette petite bête est un véritable couteau suisse qui ajoute une solide plus-value au gameplay, dans toutes ses strates. Il nous servira en effet à débloquer des accès dans l’exploration, à distraire par bien des manières nos adversaires dans les phases d’infiltration, et à nous protéger avec les mêmes tours durant les combats. En soi, le titre d’Ubisoft Massive aurait pu être taxé d’une simple mais convaincante inspiration du gameplay d’autres jeux similaires. Grâce à Nix, il arrive toutefois à agréablement se démarquer. Le duo forme ainsi une fine équipe qu’on a pris plaisir à contrôler en tandem à tous les stades de leur aventure.
Star Wars Outlaws n’est donc pas un action-RPG, genre bien établi chez le géant français depuis notamment Assassin’s Creed Origins et surtout Odyssey, mais bien à son cœur un jeu d’action-aventure de plutôt solide facture, selon nous. Pas question ici de montée en niveau afin d’acquérir des compétences ou statistiques. Pour évoluer dans ce domaine, il faudra rencontrer divers experts qui permettront à Kay d’apprendre de nouvelles techniques. Ce tant dans l’infiltration que dans les combats, ou encore dans le piratage, une activité bien pratique pour tout voleur intergalactique qui se respecte. À ce sujet, profitons-en pour dire tout ce que l’on pense du crochetage, prenant la forme d’un mini-jeu de rythme, et probablement l’une des pires et frustrantes représentations qu’il nous ait été donné de voir. Heureusement, Nix est là pour nous apaiser avec des papouilles de réconfort. Outre l’acquisition de ces compétences auprès d’experts dans leurs domaines, notre héroïne peut également s’équiper de tenues et breloques venant renforcer différents styles de gameplay. Dans notre cas, nous avons favorisé des bonus relatifs à l’infiltration. Il est par ailleurs tout à fait possible d’en faire une combattante hors-pair, ou une spécialiste des explosifs, entre autres. Même chose pour Nix, qui peut apprendre de nouveaux tours grâce à nos contacts.
L’expérience de gameplay, qu’on a globalement bien apprécié, est hélas sérieusement entachée par une IA toujours aussi stupide. Un boulet que se traînent les productions Ubisoft depuis des années, et qui n’a visiblement pas profité de son premier jeu d'envergure dans l’univers Star Wars pour bénéficier d’une amélioration désespérément demandée. Elle est en effet tristement facile à berner dans les phases d’infiltration, et se contente souvent de rester plantée comme un poteau à découvert dans les combats (et est à peu près aussi précise qu’un Stormtrooper). Le sentiment de défi de la colossale tâche qu’entreprend Kay pour gagner sa liberté prend donc ici un sérieux coup. Ce alors que nous avons fait tout le jeu dans l’avant-dernier niveau de difficulté, qui est globalement resté une promenade de santé relativement tranquille, sauf lorsque les absurdes réactions et subites manifestations d’omniscience de l’IA nous ont pris au dépourvu.
Une galaxie ouverte aux opportunités pour se faire des crédits
Jeu Ubisoft oblige, Star Wars Outlaws était pour Massive l’occasion d’apporter sa vision du monde ouvert dans sa première adaptation vidéoludique grand format de la licence. Sur ce point, la crainte et la méfiance pouvaient être légitimes, alors que cela fait des années que la formule s’est sérieusement essoufflée. Avatar Frontiers of Pandora était l’ébauche d’une amélioration en ce sens, et ce nouveau jeu a, selon nous, entériné la chose. Avec des cartes d’une taille bien plus mesurée, et surtout sans quelconque tour ou point de synchronisation pour nous gâcher le plaisir de l’exploration, nous avons franchement apprécié la découverte de ce monde ouvert qui ne fait pas dans la surenchère excessive.
Puisque chaque planète propose un terrain de jeu à l'échelle plus digeste, le profond ennui inhérent aux traditionnels « mondes ouverts à la Ubisoft » se trouve bien moins présent, avec des environnements appréciablement garnis, et surtout vivants. Il s’agit d’ailleurs là d’un point qui nous a beaucoup plu dans Star Wars Outlaws, et qui va de paire avec l’énorme travail d’immersion réalisé par Massive : c’est uniquement en laissant traîner ses oreilles et ses yeux un peu partout que nous serons en mesure d’en apprendre plus sur les nombreux mystères que cache le jeu. En débarquant sur une nouvelle planète, se rendre dans la ville la plus proche s’avérera ainsi être une riche mine de crédits et d’informations pour découvrir quêtes, activités annexes et trésors.
Ces quêtes auront d’ailleurs une double importance dans Star Wars Outlaws. Pour faire grandir sa réputation, Kay doit travailler avec les syndicats du crime majeurs en présence, comme les Pykes, les Hutts, ou encore l’Aube Écarlate, dirigée par l’ex d’Han dans le film Solo : Qi’ra. Chaque mission nous proposera donc un pseudo choix moral (qui n’aura hélas pratiquement aucun impact sur l’histoire, le sort de Kay ou le reste du monde), qui améliorera notre relation auprès d’une faction, tout en la diminuant chez sa concurrente. Il est toutefois crucial de bien s’entendre avec chacune, cela nous permettant d’accéder à de belles récompenses, mais aussi aux territoires sous leur contrôle. Ce afin de contracter et commercer avec chaque syndicat, ou à l’inverse les doubler en pillant leurs coffres forts. Le titre réussit donc avec une certaine maîtrise à nous mettre dans la peau d’un vaurien dans l’univers de Star Wars, où tous les coups sont permis pour se faire un maximum de crédits et développer son réseau criminel.
Outre les quêtes principales, secondaires et autres contrats au nom des syndicats du crime, Star Wars Outlaws regorge d’activités annexes et mini-jeux collant très bien avec l’univers dont il s’inspire. Entre parier sur des courses de fathiers (les espèces de chiens-chevaux également introduits dans Le Dernier Jedi), jouer sur des bornes d’arcade habilement adaptées à l’ambiance Star Wars, ou encore s’adonner au fameux jeu de cartes Sabacc, équivalent de notre poker (et au passage diablement addictif), Kay ne manque clairement pas de distractions (et d’opportunités d’arnaquer son monde pour amasser encore quelques crédits). Malgré une appréciable diversité dans tout ce contenu annexe, l’ensemble devient ceci dit fatalement assez répétitif à la longue, mais heureusement pas autant que dans les mondes ouverts beaucoup trop grands et vides d’un Assassin’s Creed Valhalla, par exemple. Ce notamment grâce à une durée de vie plutôt sage pour un jeu de cette envergure. En ayant fait une grande partie du contenu secondaire (mais sans non plus chercher le 100%), nous avons de notre côté bouclé le jeu en une quarantaine d’heures.
Tour de l’espace de Star Wars Outlaws en moins de 12 parsecs
Pour explorer cette vaste (mais pas trop) galaxie qui s’ouvre à nous dans Star Wars Outlaws, nous pouvons compter sur deux moyens de locomotion. Nous avons d’un côté notre speeder sur terre, et de l’autre notre vaisseau dans l’espace. L’un comme l’autre pourra être amélioré auprès de marchands assermentés, et Kay pourra mieux en maîtriser l’utilisation grâce aux techniques apprises auprès des experts précédemment mentionnés. Au début, la maniabilité des deux véhicules laisse assez à désirer. Mais, après quelques réparations et une meilleure prise en main, on prend plaisir à évoluer à toute vitesse sur le plancher des banthas ou parmi les étoiles. Une fois encore, le travail d’Ubisoft sur la partie visuelle du titre est un régal, qui rend nos déplacements particulièrement agréables.
S’agissant de l’exploration spatiale, les pilotes émérites de vaisseaux dans Starfield ne devraient pas être trop dépaysés. Le Trailblazer fonctionne en effet peu ou prou de la même manière. Star Wars Outlaws fait toutefois, d’après notre ressenti, mieux que le titre de Bethesda, avec un appareil beaucoup plus maniable, notamment grâce à des manœuvres telles que des loopings à enclencher d’une simple touche, une fois cette compétence apprise. Ubisoft Massive met également un pied de nez au jeu édité par Microsoft, en nous proposant cette fois véritablement de nous déplacer en orbite autour d’une planète, et d’y atterrir, au lieu d’avoir droit à un triste enchaînement de temps de chargement.
À noter d’ailleurs que Star Wars Outlaws a le mérite de proposer une aventure globalement dépourvue de tels écrans d’attente. Nous pouvons en effet aller d’un bout à l’autre du monde ouvert d’une planète, rentrer dans n’importe quel bâtiment, puis décoller vers l’orbite et effectuer un saut dans l'hyperespace, tout cela sans presque aucune interruption. Et ce avec un jeu pesant le relativement modeste poids d’une soixantaine de Go sur notre SSD. Il convient toutefois de signaler que le titre d’Ubisoft Massive n’est pas vierge de tous bugs. Assez loin de là, même si cela ne nous a causé de frustrantes déconvenues qu’assez rarement. Il nous est en effet arrivé de devoir charger une partie antérieure (parfois plusieurs dizaines de minutes avant, la faute à un système de sauvegarde automatique parfois facétieux…) en raison d’un bug bloquant, de l’absence d’un déclenchement de script nécessaire à la progression, et de relever divers problèmes d’affichage. Sans parler d’un véritable festival comme l’a été encore une fois Starfield à son lancement, Star Wars Outlaws risque par moments de vous réserver quelques désagréables surprises à ce niveau.