Après vous avoir partagé un premier avis à chaud pour marquer la sortie d’un STALKER 2 attendu depuis 14 ans, nous sommes retournés dans la Zone pour voir ce que cache le fameux Cœur de Chornobyl. En dépit des anomalies et des dangers, nous en revenons vivants pour vous faire un retour plus complet de notre périple aussi oppressant que fascinant sur ce titre qui revient définitivement de loin. Voici donc notre test final de sa version PC.
STALKER 2 est ainsi disponible depuis le 20 novembre sur PC, Xbox Series et le Game Pass. Deux jours après sa sortie, le titre de GSC Game World dépassait déjà le million de copies écoulées. Un signe comme un autre que de très nombreux joueurs surveillaient de près le retour de cette franchise FPS post-apocalyptique unique à bien des égards. Ce malgré une réception critique plutôt sévère, présentant parfois le jeu comme une catastrophe bourrée de bugs et de problèmes techniques.
Pour la petite histoire, nous avons reçu une semaine avant sa sortie une version du jeu légèrement moins aboutie que celle arrivée le 20 novembre. Celle-ci comportait en effet son lot de bugs et soucis techniques, sans que cela soit non plus aussi apocalyptique qu’annoncé. Deux jours avant son lancement, le studio ukrainien avait par ailleurs déployé un colossal patch « Day One » qui a largement gommé les problèmes relevés dans notre build de test. C’est donc dans des conditions globalement plus agréables que nous avons pu terminer cette aventure et vous fournir notre critique plus définitive. Alors, ce STALKER 2 : véritable bombe atomique, ou pétard radioactif après tant d’années d’attente ? Voyons cela ensemble, et bienvenue dans la Zone de Chornobyl !
Retour dans la Zone de STALKER 2, et quel Skif !
Puisque 14 ans nous séparent du dernier jeu de la franchise, un petit rappel de l’histoire avant de démarrer STALKER 2 semble de mise. GSC Game World fait en effet de nombreuses références aux précédents opus, qui risquent grandement de perdre les nouveaux venus et les faire passer à côté d’importants éléments de son conséquent lore. Après l’effroyable accident de la centrale nucléaire de Chornobyl en 1986, des scientifiques s’installent dans la Zone pour mener des expériences sur une découverte qui pourrait selon eux tout changer dans la façon d’appréhender la psychée humaine : la noosphère. Tout cela mène en 2006 à une nouvelle catastrophe : la toute première émission, une tempête d’énergie radioactive dévastatrice ravageant tout sur son passage. C’est à ce moment-là que les anomalies et les artefacts bien connus de la licence font leur apparition, et que les premiers stalkers s'aventurent dans la Zone à la recherche de trésors, en dépit de l’interdiction de s’y rendre. [ATTENTION SPOILER] Dans Shadow of Chornobyl, premier jeu de la licence sorti en 2007, nous apprenons en compagnie de Strelok que lesdits scientifiques, du nombre de sept, ont fusionné pour former la Conscience-C, une entité exerçant un contrôle mental sur la Zone, que notre héros détruit dans une tentative de libérer l’humanité du danger que cela représente [FIN DU SPOILER].
Voilà un résumé assez grossier mais succinct de ce qu’il faut retenir pour plonger plus sereinement dans l’histoire de STALKER 2. Celle-ci nous place en 2020 dans la peau de Skif, un jeune ex-militaire vivant dans le Continent, à l’extérieur de la Zone. Mais son quotidien se voit chamboulé par l’apparition dans son bac de linge sale (détruisant au passage son appartement) d’un artefact. Chose normalement impossible, car ceux-ci ne sont censés apparaître qu’autour de Chornobyl. Dépourvu de son foyer, notre personnage va donc partir en quête de réponses dans l’un des endroits les plus mortels que la Terre ait jamais porté. Pour le reste de l’histoire, on vous laisse le plaisir de la découvrir, si vous osez braver les très nombreux dangers qui vous attendent. De notre côté, nous avons globalement apprécié l’aspect narratif du titre, qui va littéralement nous emporter aux quatre coins de la Zone à la recherche de ses innombrables mystères. Nous rencontrerons au fil de l’histoire divers personnages aussi contrastés qu’intéressants (dont certains que les vétérans des précédents opus reconnaîtront forcément) qui nous aideront (ou pas, selon leurs propres aspirations) à faire évoluer le récit.
À noter que GSC Game World a voulu proposer un côté plus « cinématique » à cette partie du jeu, par l’entremise de plusieurs scènes filmées en motion-capture. Ces passages se montrent globalement impactants, forts en rebondissements et révélations. C’est d’ailleurs dans ces moments-là que le titre nous demandera de faire des choix cornéliens, qui façonneront la suite de l’histoire, voire le sort même de la Zone. Comme ses aînés, STALKER 2 présente en effet plusieurs fins entièrement dictées par nos décisions. Et il le fait selon nous de manière plutôt convaincante. On peut cependant reprocher le fait qu’il est préférable de se renseigner sur le lore de la licence pour mieux comprendre les tenants et aboutissants du récit. On relèvera également qu’en dehors des cinématiques, nos discussions avec des PNJ prennent une forme assez « à l’ancienne », nos deux personnages restant plantés comme des poteaux avec des animations un brin robotiques. Rien qui ne gâchera cependant totalement l’expérience, qu’il s’agisse de suivre la quête principale ou les nombreuses (et globalement plutôt bien écrites) missions annexes du jeu. Pour une meilleure immersion, on vous conseille d’ailleurs de mettre les voix en ukrainien. Cela forcera toutefois à lire les sous-titres pour comprendre ce qui est dit. Vous pouvez également opter pour un doublage anglais (la seule autre option existante), qui ne nous a personnellement pas paru aussi pertinent, nonobstant le très bon travail des comédiens vocaux.
Tout au long de notre progression, STALKER 2 nous a en tout cas impressionné au niveau de sa direction artistique. GSC Game World nous propose une Zone plus belle que jamais grâce à l’Unreal Engine 5. Ce notamment au travers d’effets de lumière, météorologiques et volumétriques franchement bluffants, tant de jour que de nuit ou par mauvais temps. Mention toute particulière aux fameuses et terrifiantes émissions, qui nous présentent un tableau mortellement magnifique, au sens littéral du terme. On relèvera cela dit quelques textures un peu baveuses quand on les regarde de trop près. Sur notre PC équipé d’une RTX 4080 SUPER, Ryzen 7 7800X3D et 32 Go de RAM, le titre s’affiche quoi qu’il en soit dans toute sa splendeur en Ultra/1440p en dépassant généralement allègrement les 100 FPS. Une plutôt belle prouesse, surtout en sachant que le jeu ne dispose quasiment d’aucun temps de chargement. Malheureusement, tous les stalkers ne disposent pas d’un équipement aussi puissant, et les configurations plus modestes pourraient potentiellement avoir plus de mal. Mention spéciale enfin au sound design, d’une excellente facture et nous immergeant totalement dans l’ambiance oppressante au possible qui fait la marque de fabrique de la licence.
Chornobyl, ton univers impitoyable
À son cœur, STALKER 2 est donc un FPS dans un monde ouvert post-apocalyptique avec des éléments de survie et d’horreur. Sur ce point, il reprend à la lettre ce qui a fait le succès de la franchise lancée en 2007, pour en proposer la formule, selon nous, la plus aboutie possible. À noter qu’il supporte pleinement les mods, qui permettront certainement à terme de transcender encore plus l’expérience. Dès les premières minutes de l’aventure, GSC Game World nous plonge en tout cas directement dans une Zone terriblement oppressante qui ne va clairement pas nous faire de cadeaux et ne nous prendra jamais par la main. Ce qui représente pour nous un des points les plus forts et rafraîchissants du jeu. Durant nos pérégrinations, tout ou presque veut notre peau. Qu’il s’agisse de bandits ou membres d’une faction adverse, d’un mutant qui veut faire de nous son dîner, ou des anomalies que l’on aborde sans faire preuve de prudence, notre carrière de stalker peut se terminer de manière aussi atroce qu’expéditive. Même en difficulté « Normale », il ne faut pas prendre le jeu à la légère. Si vous recherchez la quintessence de l’expérience STALKER, on vous recommande cependant la difficulté maximale, baptisée assez justement « Vétéran ». Nous l’avons essayée dans une seconde partie, et vous nous en direz des nouvelles. Paradoxalement, cela rendra l’exploration de la Zone encore plus prenante.
À travers un immense monde ouvert entièrement conçu à la main, GSC Game World tente de se donner des airs de FromSoftware avec Elden Ring. En suivant la quête principale comme un fil rouge de l’aventure, on s’abandonne en effet aisément au papillonnage lorsqu’on aperçoit une quelconque structure au loin. Dans la majeure partie des cas, ces lieux toujours uniques (malgré d’évidents recyclages d’assets) renferment de précieux trésors comme de nouvelles armes, de l’équipement, ou les fameux artefacts, qui nous octroient d’importants bienfaits, mais nous irradient dans le processus (à moins d’avoir des moyens de s’en prémunir). De manière plutôt habile, le jeu nous encourage donc à braver nos peurs et les dangers, pour agréablement récompenser notre courage. Malgré un terrain de jeu gigantesque, on a donc toujours quelque chose à faire dans la Zone, et on ne voit presque pas les heures défiler à l’explorer. On peut cependant reprocher le fait qu’en dehors de ces lieux donnés, le jeu peut se montrer un brin vide. Ceci serait cependant dû à un bug au niveau de l’intelligence artificielle développée par GSC Game World pour STALKER 2. Celle-ci est en effet censée générer procéduralement des PNJ ou mutants, ainsi que des événements aléatoires à la Skyrim. Pour l’heure, tout ce dont elle est hélas capable est de faire apparaître « comme par magie » des adversaires, systématiquement dans notre dos. Un petit point en moins pour l’immersion autrement impressionnante du jeu, qu’on espère cela dit bientôt corrigé.
Au-delà de l’exploration, un autre point sur lequel STALKER 2 nous a convaincu, à condition toutefois d’aimer un style assez « old-school » en la matière, c’est dans son gameplay exigeant avec des soupçons de survie. À travers pléthore d’armes différentes et grandement personnalisables, les sensations de jeu se montrent globalement très prenantes, surtout lors des engagements contre d’autres humains. On se sent alors comme dans un FPS à la Arma, à se pencher à chaque recoin ou à passer de couverture en couverture pour tâcher de coller une balle entre les deux yeux de notre opposant. Outre des adversaires lourdement protégés et des boss disposant de technologies ou capacités spécifiques, pas question en effet ici d’énormes sacs à PV (on laisse ce douteux privilège aux effroyables mutants…). Le jeu récompense ainsi agréablement ce que les PGM appellent le « skill », ou notre maîtrise de ses mécaniques, pour les profanes. Important bémol cependant à ce sujet : une IA en dents-de-scie, qui devrait également recevoir prochainement des correctifs bienvenus. En l’état, celle-ci peut autant se montrer diablement précise et nous abattre à plusieurs mètres sans qu’on en ait conscience, ou inversement se comporter comme un mollusque décérébré oubliant des comportements fondamentaux comme se mettre à couvert. Sauf quand on veut exploiter ses faiblesses en se positionnant en hauteur afin d’éviter de prendre des coups. Elle aura dans ce cas la fâcheuse tendance à se planquer pour nous forcer à descendre...
Le titre se présente ainsi à plusieurs égards comme un FPS qui pourrait passer aujourd’hui quelque peu comme « archaïque » pour les non-initiés. Notre personnage n’est pas un surhomme à l’agilité confondante. Nos déplacements sont résolument lourds, les fonctionnalités d’autres homologues modernes comme la glissade, se plaquer au sol ou passer par-dessus n’importe quel élément du décor sont ici proscrits. Côté survie, STALKER 2 se montre également relativement exigeant, sans que cela soit non plus trop forcé. Partir en expédition dans la Zone demande malgré tout un certain degré de préparation. Il faut en effet emporter plusieurs éléments essentiels dans son paquetage, comme des bandages pour endiguer des saignements pouvant être rapidement mortels, des soins, mais également de quoi boire, manger et se protéger des radiations. Enfin, il faut compter sur un certain stock de munitions pour ne pas tomber à sec au beau milieu de nulle part. Même si on trouve assez facilement ces ressources dans la nature, les rares campements sûrs sont très peu nombreux, et souvent bien éloignés les uns des autres.
C’est là que se trouve selon nous l’un des plus gros défauts du jeu. Au fil de notre exploration, nous allons récupérer du butin qu’on ne veut pas abandonner, mais qui nous alourdit énormément, et rend donc nos déplacements encore plus lents. Pire encore, notre équipement se détériore rapidement à cause des combats et des anomalies mortelles sous bien des formes, et risque donc à terme de nous prendre en défaut dans des moments critiques si on n'en prend pas soin. Il n’est donc pas rare de devoir faire un retour forcé à la base la plus proche, qui se trouve souvent à des dizaines de minutes de marche (il faudra probablement attendre des mods pour que des véhicules puissent circuler dans la Zone). Cela vient alors rallonger de manière artificielle et assez poussive la durée de vie déjà colossale du jeu. Finir la quête principale en ligne droite vous demandera en effet une quarantaine d’heures. Comptez très facilement le double de ce montant si vous comptez explorer plus extensivement la Zone, allers-retours en ville pour stocker/réparer son équipement inclus. D’autant que tout cela coûte très cher, et que l’argent est rare. Pour difficilement couvrir ses frais, il faut alors amasser du matériel et des artefacts à vendre, généralement pour une maigre bouchée de pain. Cet élément devrait d’ailleurs être également rééquilibré dans un prochain patch.
Les pires ennemis des stalkers : les bugs ?
Maintenant que nous avons dégrossi tout ce qui fait selon nous le sel de STALKER 2 et rend l’expérience aussi prenante, malgré quelques défauts gênants en attendant des correctifs ou équilibrages, reste à s’appesantir sur ce qui a fait couler beaucoup d’encre à sa sortie : s’agit-il vraiment d’un nid à bugs le rendant proprement injouable ? Pour répondre de manière directe, en tout cas d’après notre expérience personnelle : non. Le titre souffre bien de plusieurs bugs, mais pas non plus au point de totalement détruire le plaisir de jeu. Une absence totale de ce genre de couac est par ailleurs statistiquement impossible dans un monde ouvert aussi vaste. On pourra en effet relever des comportements étranges de l’IA, des problèmes de collision, des PNJ en T-pose ou encore de l’équipement qui disparaît ou apparaît de notre inventaire sans raison. Malgré tout l’amour que GSC Game World porte à son dernier bébé, de nombreux éléments ont hélas échappé à sa vigilance. Difficile cependant de les blâmer et de les porter au pilori, compte tenu de l’énorme ambition du projet, et surtout d’un développement à la gestation extrêmement compliquée, 14 ans après son annonce initiale.
De notre côté, nous n’avons en tout cas pas rencontré de bugs bloquants nous empêchant totalement d’aller au bout de l’histoire. Nous avons ceci dit bien fait face à des problèmes de script ou de « soft-lock ». Ceux-ci prenaient par exemple la forme d’une discussion pour faire avancer une quête ne se déclenchant pas, ou encore un endroit fermé duquel nous ne pouvions plus entrer ou sortir. La seule solution était dans ce cas de charger une partie antérieure. On peut heureusement sur ce point saluer un système de sauvegarde automatique efficace et relativement régulier. Dans le pire des cas, n’oubliez pas de spammer la touche F5 sur PC ou de sauvegarder manuellement votre partie à chaque fois que vous approchez d’un lieu d’où proviennent des sons particulièrement inquiétants ou autre situation qui pourrait capoter. Quoi qu’il en soit, en dépit de bugs plus ou moins gênants mais en réalité assez peu fréquents, STALKER 2 n’en est finalement pas plus criblé que d’autres jeux en monde ouvert d’envergure similaire.
D’un point de vue technique et optimisation, le constat de notre côté s’est globalement présenté comme un quasi sans-faute, grâce à notre robuste configuration. On croise cependant les doigts pour que GSC Game World se fende rapidement de correctifs et mises à jour pour apporter plus de stabilité à cette Zone qu’on a adoré explorer, malgré quelques soucis en soi réparables, même si cela demandera fatalement un peu de patience. Le Cœur de Chornobyl en lui-même que sont l’histoire, le gameplay exigeant et l’aspect monde ouvert de STALKER 2 sont quant à eux de très solide facture. Ce qui représente en soi un miracle, quand on connaît le véritable parcours du combattant qu’a traversé le studio ukrainien pour en arriver là. Pour cela et pour le retour en plus grande forme que jamais d’une franchise vraiment à part dans la noosphère vidéoludique, le travail abattu mérite selon nous son lot de respect et de considération.