C’est un cap que passent les Mario & Luigi ! La licence à la sauce RPG mettant en avant les deux plombiers-phares s’apprête à réapparaître avec un sixième épisode sur Nintendo Switch. L’épopée fraternelle arrive 21 ans après la sortie de Superstar Saga, l’opus avec lequel tout a commencé. Les deux frangins ont vécu de belles aventures tous les deux sur les consoles portables de Nintendo, de la GameBoy Advance à la 3DS. Mais, depuis, leur retour en binôme s’est fait largement attendre. Cela faisait 9 ans qu’un nouveau titre n’était pas paru. En ce sens, ce nouveau volet s’annonce comme une belle occasion de faire découvrir la série à un tout nouveau public. Cependant, les fans de la première heure l’accueilleront certainement avec un regard plus critique, d’autant qu’il s’agit là du premier opus qui n’est pas développé par AlphaDream, le studio ayant fermé ses portes en 2019. À la place, Nintendo a confié le projet aux équipes d’Acquire, particulièrement connues pour les Octopath Traveler. Alors, Mario & Luigi L’épopée fraternelle va-t-il marquer le renouveau qui remettra la licence sous le feu des projecteurs ?

Une connexion sans faille entre Mario et Luigi

Tout allait bien au Royaume Champignon, Mario et Luigi profitaient des beaux jours en compagnie de leurs amis. Mais ça, c’était jusqu’à ce qu’une faille s’ouvre soudainement et avale littéralement la fratrie. Nos deux héros sont ainsi projetés dans un monde inconnu, appelé Connexia. C’est un nom des plus symboliques ici, puisqu’il représente tout l’enjeu de Mario & Luigi L’épopée fraternelle : relier toutes les îles de la région. Celles-ci ont été séparées à la suite d’une catastrophe mystérieuse. À leur arrivée, ils apprennent en effet qu’il n’y avait autrefois qu’un vaste continent, alimenté en énergie par un grand arbre, l’Unicéa. Puis, le territoire s’est trouvé fragmenté en îlots éparses, coupés des ressources de l’arbre. Par conséquent, les différentes populations ont perdu contact entre elles et le désordre menace. Heureusement, Mario et Luigi sont là maintenant ! Où qu’ils aillent, nos deux frères (plus ou moins) téméraires font figure de héros. Agiles, ingénieux et dotés d’une belle force physique, ils sont tous désignés par les habitants de Connexia pour assurer le raccordement entre toutes ces îles.

Mais, notre duo ne sera pas seul pour accomplir cette tâche ! Ils ont la chance de pouvoir compter sur deux précieux amis qui connaissent bien la région, l’Unicéa et son énergie. Ainsi, les deux plombiers sont accompagnés tout au long de l’aventure par Couchomb. Ce petit cochon (qui se défend d’en être un) est un allié de choix, puisqu’il leur procure tout un  tas de conseils pratiques. Pour faire simple : il fait office de guide, informant les protagonistes sur le fonctionnement de ce monde et la mise en application de leurs compétences personnelles, notamment en combat. Les deux frères font également la connaissance d’Ampéria. Cette jeune fille est ce qu’on appelle une volticultrice : elle est chargée de prendre soin de l’Unicéa… et a justement décidé d’en faire pousser un nouveau après la fragmentation du continent. Pour sa part, elle fait voyager notre binôme de choc à bord du Navisthme. Il s’agit d’une île où le nouvel arbre s’épanouit, mais celle-ci peut se déplacer à la manière d’un navire, permettant de voguer à travers la région pour mener à bien la grande quête qui incombe aux deux frères. Au fil des rencontres, d’autres alliés vont leur prêter main forte, chacun mettant ses compétences au service de cette grande cause commune qui doit réunifier Connexia.

Nos héros voyagent ainsi avec toute l’allégresse qu’on leur connaît dans ce monde scindé. Toujours prompts à venir en aide aux personnes qu’ils croisent, ils mettent la main à la pâte à plus d’un titre. En plus de leur grande mission, une tonne de petites quêtes annexes leur sont proposées. Voilà qui prolonge le plaisir de l’aventure. D’autant plus que nous sommes là face à un véritable RPG, comme la licence nous y a habitué. Dès lors, toute occasion de gagner de l’expérience et de récolter des récompenses est bonne à prendre. Et ils vont en avoir besoin ! De fait, de nombreux défis les attendent en chemin. Non seulement il leur faut retrouver les points de connexion de chaque île, mais aussi venir à bout des ennemis qui se dressent sur leur chemin. Or, une bande de trouble-fête est bien décidée à les empêcher de mener leur tâche à bien, mais les deux frères pourront compter sur leurs nouveaux alliés (et quelques figures familières) pour se sortir de toutes les situations.

Comme les précédents opus, L’épopée fraternelle est un titre qui donne l’impression qu’il ne se prend pas au sérieux. La mise en scène regorge de gags, tout est propice à faire rire, même dans les moments les plus “dramatiques” de l’histoire. Pour autant, il ne manque pas de densité. Bien que très accessible dans son écriture, avec des personnages qui amuseront petits et grands, il est riche en contenus dans le sens où de nombreuses interactions sont possibles. Par exemple, on a beaucoup de monde avec qui discuter, peut-être un peu trop d’ailleurs tant le jeu se veut bavard, parfois à l’excès. On note aussi que l’environnement cache quelques secrets, ce qui nous invite à l’exploration pour se remplir les poches. Même si nous sommes face à un titre très familial, tout est pensé avec minutie en coulisses pour nous encourager à relancer la partie et continuer d’avancer dans notre grande quête.

Le jeu Mario dans Mario & Luigi L'épopée fraternelle regorge de gags.
Luigi est toujours aussi maladroit dans L'épopée fraternelle. © AUR pour Gameblog

Enfin, vous aurez saisi la métaphore : Nintendo a pensé un monde fictif qui repose sur toute une imagerie autour de l’électricité. L’idée est simple, mais efficace. L’utilisation de l’arbre comme outil de connexion par courant électrique est particulièrement parlante. Seule l’idée du bateau détonne un peu au premier abord. Mais, rapidement, on se rend compte qu’il correspond bien, lui aussi, à cette idée de mise en relation des individus entre eux. À chaque fois que nos héros parviennent à relier l’Unicéa du Navisthme à une nouvelle île, des habitants de celle-ci montent à bord et profitent du “navire” pour voyager vers d’autres contrées. Ainsi, derrière ses airs légers et enfantins, Mario & Luigi L’Épopée fraternelle n’est pas dénué de sens. C’est une ôde à la rencontre avec l’autre et au lien entre les peuples qui se dessine en filigrane, portée par une histoire drôle et joyeuse.

Une Épopée fraternelle qui fait du zèle visuellement

Plus que par son histoire, Mario & Luigi L’Épopée fraternelle surprend par son esthétique et sa maîtrise de l’animation. Dès son trailer, le ton était donné : exit le style en pixel art auquel la licence nous avait habitués dans ses premiers temps, ainsi que la 3D empruntée aux autres jeux Mario de l’époque 3DS. Cette fois, les équipes d’Acquire adoptent un style entièrement en cel shading. C’est un choix parlant sur plusieurs aspects. D’abord, on se dit que cet opus ne veillera pas, ou peu, visuellement. C’est un constat qu’on a déjà pu faire avec d’autres exclusivités Nintendo, à l’image de The Legend of Zelda: Wind Waker, qui n’a quasiment pas pris une ride plus de vingt ans après sa sortie. Ensuite, on se rappellera que la Nintendo Switch a fait ses débuts avec le portage de Zelda Breath of the Wild, un titre en toon shading, un style graphique proche du cel shading. Alors, avec ses atours graphiques, ce nouveau Mario & Luigi vient en quelque sorte boucler la boucle sur la dernière console en date de Big N.

Mario dans Mario & Luigi L'épopée fraternelle.
Le cel shading sied bien à Mario. © AUR pour Gameblog

Et qu’on se le dise, au-delà des bandes-annonces, le jeu est véritablement beau. L’esthétique colle très bien avec l’univers coloré des jeux Mario. Le titre profite qui plus est de la maîtrise complète de la Nintendo Switch. De fait, tout comme Zelda Echoes of Wisdom juste avant lui, on s’aperçoit que même des titres cartoonesques peuvent adopter des jeux de lumières qui en jettent et nous émerveiller avec des plans de caméras qui cassent la routine de la vue de dessus. En effet, L’épopée fraternelle profite régulièrement des cinématiques pour offrir d’autres points de vue. Il sort ainsi du carcan visuel des phases de gameplay pour donner à voir les décors à visiter avec plus de recul. La sensation de liberté et de dépaysement n’est pas aussi intense que dans un Breath of the Wild ou un Tears of the Kingdom, mais Acquire est parvenu à donner plus d’ampleur à la formule Mario & Luigi en atterrissant sur la console hybride de Nintendo.

Toutefois, l’héritage de la 2D n’est jamais loin. Le jeu s’amuse constamment à jouer sur les codes de la bande-dessinée pour apporter un petit plus à l’expérience. Par exemple, un plan va reprendre le découpage d’une planche de BD, ou bien des éléments iconographiques vont apparaître à l’écran pour appuyer les émotions des personnages. Celles-ci sont d’ailleurs toujours très vivantes, dans un ton très cartoon comme on le disait. C’est un vrai régal pour les yeux et aussi une belle façon de nous maintenir attentif à ce qu’il se passe à l’écran. Aussi, pour continuer de nous en mettre plein les yeux, les moments narratifs relatant des événements passés sont proposés sous forme d’illustrations fixes généralement somptueuses, comme si nous étions face à un livre d’images. À titre de comparaison, on reconnaîtra un certain savoir-faire artistique déployé sur les Octopath Traveler. On regrettera cependant qu’il n’y ait pas davantage d’unité graphique entre elles. En effet, les styles sont parfois trop différents les uns des autres, ce qui ne crée par d’harmonie entre eux.

En fait, on peut le dire : tout ne convainc pas dans les choix artistiques d’Acquire. Dans un titre pourtant rempli d’idées visuelles, c’est dommage de voir que certains éléments sont fades. C’est notamment le cas de la carte, qui comporte quelques indications de localisation mais ne profite pas de couleur ou de tracés pour rendre le tout plus beau. De même, les PNJ font pâle figure dans l’ensemble. On sent l’envie de caractériser les habitants de Connexia selon l’île où ils résident, comme cette communauté plus verdoyante sur l’île fleurie par exemple. Pour autant, le character design laisse de marbre. Même si les personnages sont sympathiques, ils ont une personnalité trop peu marquée pour rester dans les mémoires. Seuls les ennemis, en particulier les boss, se démarquent véritablement. Toutefois, il y a un souci : ils donnent davantage l’impression de sortir d’un jeu Sonic que d’un Mario, par leur silhouette élancée assortie de détails plus arrondis. Pour ces raisons, ce Mario & Luigi ne sera pas forcément le jeu dont on se souviendra le mieux.

En plus, il faut également relever des ralentissements très réguliers en jeu, principalement en mode nomade, même s’ils se ressentent aussi en docké. Le titre peine souvent à rester parfaitement stable. Bien qu'elles ne soient pas handicapantes, ces chutes de framerate irritent rapidement, car elles se répètent trop souvent, peu importe l’environnement où on se trouve. Aussi, les plus impatients devront prendre leur mal en patience. Les temps de chargement sont également très fréquents. Que ce soit pour entrer en combat ou changer de lieu, attendez-vous à quelques secondes d’attente. À force, on se dit que la future “Switch 2” sera vraiment bienvenue si elle peut faire gagner les jeux Nintendo en performance.

Mario & Luigi tiennent la cadence sur Nintendo Switch

Malgré ses légères faiblesses techniques, ce nouveau Mario & Luigi prolonge comme il se doit la formule. On contrôle donc les deux frères à la fois tout au long de l’aventure. Ou, plutôt, on contrôle principalement Mario et on peut inciter Luigi à faire des actions spécifiques. De ce point de vue-là, on retrouve les habituelles mécaniques qui impliquent de les faire collaborer comme il faut pour accéder à certaines zones ou récupérer des objets inaccessibles autrement. De petits casse-têtes environnementaux, simples au possible rythmeront votre progression pour vous inviter à faire travailler ensemble les deux frangins pour passer les obstacles. Ensemble, ils peuvent par exemple tournoyer dans les airs. Parfois, comme par hasard, ils tomberont aussi  sur des plateformes ou des boutons verts et rouges estampillés “L” et “M”, chaque frère devant alors interagir avec l’initiale qui lui correspond. Mais, le petit plus de cet opus, c’est vraiment l’éclair de « génie » dont peut faire preuve Luigi dans toutes sortes d’occasions. Suivant ce qui se trouve dans l’environnement, le plus grand de la fratrie peut être soudainement inspiré. Il suffit alors d’appuyer sur la touche qui lui est attribuée pour l’envoyer accomplir une tâche précise. Ce principe est même l’occasion de mini-duels entre les deux frangins, pour savoir par exemple lequel sera le plus rapide ou récoltera le plus de pièces en un temps donné. On dit alors que plus que pour n’importe quel autre épisode, grâce à la possibilité de jouer sur la télévision, L’épopée fraternelle aurait vraiment mérité un mode coopératif. L’alchimie entre les deux héros aurait eu encore plus de sens en vivant l’expérience avec un autre joueur.

Qu’importe, on doit se faire une raison et profiter pleinement du gameplay seul. Ainsi, on expérimente en solo la cohésion des deux plombiers, et cela avec encore plus de plaisir dans les phases de combat ! Celles-ci se vivent toujours au tour par tour et requièrent à nouveau toute votre attention pour agir en rythme. De fait, leur particularité dans les Mario & Luigi est qu’elles demandent d’attaquer, d’esquiver ou de riposter en adoptant le bon timing. Ainsi, nous restons constamment actifs à chaque tour. Qui plus est, l’apparente facilité des débuts demandera d’être davantage attentifs face à des ennemis plus hardus. Alors, si les débuts sont un peu longs et rébarbatifs, les affrontements se savourent bien mieux au bout de 3-4 heures de jeu. Une fois que la fratrie débloque de nouveaux coups et obtient des armes supplémentaires, ils gagnent en densité et de petites subtilités stratégiques entrent en jeu. Au fur et à mesure, ils témoignent d’aptitudes plus redoutables ou présentent des attributs qui les immunisent contre certaines attaques. À ce titre, il faut trouver les bons coups à placer pour faire des dégâts suffisants. En ce sens, les attaques combinées de Mario et Luigi sont un atout puissant, d’autant qu’elles sont encore plus variées que dans les précédents opus. En outre, là aussi, le plombier tout de vert vêtu peut faire appel à son « génie » pour faire la différence tout simplement en tirant profit de son environnement. Le système de combat est donc encore plus agréable et riche qu’auparavant.

Ce n’est pas tout ce qui s’améliore dans ce Mario & Luigi. On retrouve également le système de quêtes à remplir. Mais, il a été étoffé ! Désormais, on peut notamment remplir des missions temporaires, ce qui apporte une nouvelle dynamique à la licence. À chacun de savoir s’il préfère tout compléter et prendre son temps pour accomplir chaque tâche possible, ou bien avancer essentiellement dans la quête principale et aviser au fil de l’eau selon ce qui lui tombe sous la main, quitte à passer à côté de récompenses supplémentaires. Dans le même temps, ce principe nous encourage à revisiter les îles qui ont été raccordées à l’Unicéa. Bien que les îles ne proposent pas une grande exploration, de nouvelles zones s’ouvrent après leur reconnexion. Ainsi, on est tenté d’y retourner pour remplir des missions ou, tout simplement, pour découvrir ce qui se cachait derrière un élément de décor qui va avoir disparu ou être démolissable grâce à des compétences apprises en cours de route.

C’est le dernier point qu’on pourra relever du côté du gameplay : Mario et Luigi L’Épopée fraternelle nous donne une sensation de progression au fil de l’aventure. Grâce aux missions accomplies, on récupère de nouveaux équipements, essentiellement des vêtements qui améliorent les caractéristiques de nos deux personnages, que ce soit leur force, leur vitesse, leurs points de vie ou encore leur chance. Chacun à sa propre tenue, si bien qu’on peut adapter leur atouts à chacun de façon distincte. Là encore, c’est du détail, mais ça ajoute une dimension tactique au jeu. Cependant, c’est surtout le marteau qui marque un vrai pas en avant dans la sensation de pouvoir agir sur son environnement. Un fois le maillet en main, il nous sert aussi bien en combat que pour briser des obstacles dans le décor. Cette double utilité rend le gameplay encore plus organique, ne limitant pas un item à un seul aspect du jeu. On prend ainsi plaisir à explorer l’ensemble et à voir nos deux compères interagir et progresser pendant la bonne trentaine d’heures de jeu qui les attend.