Lors de sa première présentation en 2020, Black Myth Wukong avait impressionné par sa belle plastique et son hommage grandiloquent au mythique Voyage vers l’Ouest. Mais une certaine méfiance couvait malgré tout vis-à-vis du studio chinois Game Science, dont il s’agit du premier jeu d’une envergure aussi ambitieuse. Le titre est-il capable de balayer ces doutes de son bâton extensible ? On vous invite de notre patte poilue à nous suivre dans notre test de l’épopée que propose cette interprétation d’un des contes les plus emblématiques de l’Empire du Milieu.
Alors que Black Myth Wukong recevait le fameux statut Gold dix jours auparavant, nous avons en effet pu accompagner le singe qui fait office de héros de cette histoire, bâton en main (ou dans une oreille, selon les besoins) face aux colosses de la mythologie chinoise, peu de temps après. Ce périple mêlant Action-RPG et Souls-like sortira pour rappel le 20 août sur PC et PS5, et a priori plus tard sur Xbox Series. D’ici là, découvrons ensemble si le titre de Game Science n’est pas juste une sublime carte postale du folklore chinois (ou une contrefaçon).
Le sublime hommage au Voyage vers l’Ouest de Black Myth Wukong
L’aventure de Black Myth Wukong débute avec un jeune singe muet, mais doté d’un grand courage et d’une maîtrise du bâton de combat peu commune. À tel point qu’un vieux sage de son espèce le juge Prédestiné à un voyage initiatique (on vous le donne en mille) vers l’ouest. C’est donc par ce titre que se fait appeler notre protagoniste, et non par le nom d’un autre singe bien connu dans le folklore chinois. En préface de ce test, nous préférons signaler que nous n’avons hélas pas lu le Voyage vers l’Ouest, un conte qui a su marquer de sa mythique influence la culture populaire au-delà des frontières de l’Empire du Milieu, comme dans un certain Dragon Ball. Nous avons cela dit quelques vagues notions de ses personnages et enjeux, mais bien insuffisantes pour saisir à sa juste valeur l’interprétation de Game Science de cette œuvre pourtant si emblématique.
Nous nous sommes ainsi sentis quelque peu comme un simple passager de cette fantastique épopée au cœur de la mythologie chinoise, à l’instar du Prédestiné, qui nous a plutôt donné l’impression d’être davantage un spectateur dépassé par des événements d’une échelle proprement titanesque que le héros qu’il est destiné à devenir. Car oui, comme nous l’avons vu dans ses différents trailers, Black Myth Wukong était pour son studio l’occasion d’entrer dans la cour des ambitieux AAA en sortant le (très) grand jeu, et le bâton extensible qui va avec. On sentait que le titre s’annonçait magnifique, mais le résultat final manette en main nous a proprement bluffé.
Black Myth Wukong respire en effet le gigantisme mâtiné de poésie. Les décors, voire même certains personnages et yaoguai (monstres en chinois) nous écrasent littéralement par leur majesté. C’est bien simple : il s’agit probablement de l’un, si ce n’est LE plus bel Action-RPG qu’il nous ait été donné de contempler. Au fil des nombreux chapitres qui constituent notre aventure, nous avons été gâtés par des panoramas aussi somptueux que variés dans leur level design qui nous ont décroché la mâchoire. Le titre est une véritable claque visuelle, et Game Science nous régale la rétine d’un travail d’orfèvre grâce à un Unreal Engine 5 savamment exploité, en tout cas sur PC. Fort d’une RTX 4080 SUPER, d’un Ryzen 7 7800X3D, de 32 Go de RAM et d’un véloce SSD, nous avons ainsi pu en profiter tous les potards graphiques à fond en dépassant largement les 60 FPS constants en 1440p. À condition toutefois de garder le Ray Tracing en qualité basse, au risque de voir la fluidité d’ensemble méchamment en pâtir, sans non plus une amélioration visuelle notable. Espérons qu’un peu d’optimisation (car nous avons tout de même sporadiquement relevé de petites saccades) sera apportée à ce niveau à la sortie ou au-delà, et que la version PS5 saura tenir cette lourde charge.
Pour rester sur la direction artistique, faisons une halte dans ce voyage afin d’en mentionner l’enrobage sonore. Sur ce terrain, Black Myth Wukong est convaincant, avec un sound design de solide facture, et une belle bande-son rendant naturellement hommage à la musique chinoise, alternant entre morceaux propices à la contemplation, et d’autres à des combats épiques. S’agissant du doublage, quelques regrets sont toutefois à signaler. N’ayant hélas pas pris mandarin en LV2 au collège, nous avons préféré opter pour des voix en anglais, afin de pouvoir suivre les dialogues tout en dévorant des yeux les superbes cinématiques du jeu (même si nous estimons que certaines en font des caisses juste par un plaisir visiblement assumé de « m’as-tu-vuisme » de la part de Game Science). Sauf que la synchronisation labiale plus qu’approximative dans ces conditions nous a un poil rebuté. Rien qui ne viendra gâcher ceci dit complètement le plaisir visuel et auditif global. Pour plus d’immersion, vous pourrez dans tous les cas sélectionner les voix chinoises. À noter d’ailleurs que, dans notre version de test, certains dialogues n’étaient pas encore doublés en anglais. Même constat pour quelques textes non traduits en français, voire pas traduits du tout. Gageons que cela sera corrigé d’ici la sortie.
Spectacle de cirque à coups de bâtons et yaogu-AÏEUH !
Reprenons maintenant notre périple en se penchant sur ce dans quoi notre Prédestiné de singe excelle : la bastonnade. Dans ses différents trailers, Black Myth Wukong présentait un gameplay sur le papier de haute voltige, spectaculaire et avec une panoplie de coups et compétences particulièrement complète. Le doute demeurait toutefois quant à l’intuitivité de l’ensemble. Là encore, notre expérience manette en main (on vous déconseille le combo clavier/souris, peu adapté pour des titres de ce genre) nous a agréablement surpris. Notre personnage se déplace avec grâce et style, et répond au doigt et à l'œil à nos commandes, qui se montrent par ailleurs d’une plaisante ergonomie. Après un temps d’adaptation finalement assez court, nous alternons de manière instinctive entre coups de bâton rapides, lourds, attaques sautées, esquives, utilisations de sorts et autres possibilités dont nous vous laissons la surprise, avec des résultats aussi agréables visuellement que satisfaisants dans leur impact et utilisation. À noter que tout cela coûtera de l’endurance, de la mana, ou de la concentration, ressources avec lesquelles il faudra naturellement composer. L’ensemble est en tout cas beau, fluide et réactif. On se sent vraiment comme un héros simiesque de la mythologie chinoise, et on prend un certain pied à tabasser tout ce qui bouge… quand ce n’est pas notre singe qui subit un violent passage à tabac pour lui faire payer l’arrogance de sa primate jeunesse.
Game Science avait en effet annoncé la couleur : aucun compromis sur la difficulté n’a été fait avec Black Myth Wukong. Comme dans les Souls-like dont il s’inspire de manière assez flagrante, il faut donc prendre le titre tel qu’il est. Cela et les vilaines fessées que vont nous asséner certains boss dont on se souvient encore très douloureusement, le derrière aussi rouge que celui des babouins. Car oui, vous risquez régulièrement de vous casser les dents sur quelques-uns d’entre eux (surtout ceux de fin de chapitre). À l’instar de notre personnage, ceux-ci peuvent se montrer diablement agiles. On sent encore dans ces combats dantesques cette envie du studio chinois d’aller dans la démesure et montrer au monde ce qu’il a dans le ventre. Sauf que cela se traduit dans de nombreux cas par des attaques tout simplement illisibles, où l’on ne sait pas à quel moment lancer une esquive (la parade s’avérant quant à elle très limitée, puisque prenant la forme d’un sort particulier). Comme tout joueur de Souls-like manquant de skill qui se respecte, on spamme donc la roulade, en priant pour ne pas se prendre une magistrale gifle au milieu d’un maelstrom de son et lumière un peu trop tape-à-l’œil, qui pourra allègrement nous enlever la moitié de notre précieuse barre de vie (nous pouvons bien évidemment se soigner grâce à des charges limitées de notre fidèle fiole d’Est… gourde). À noter que, contrairement à un Souls-like, la mort n’est pas très punitive dans Black Myth Wukong. Nous ne perdrons en effet aucune ressource, seulement du temps en retournant tenter notre chance contre notre tortionnaire.
Autre grief avec cette volonté de nous en mettre plein la vue : les boss souvent titanesques virevoltant dans tous les sens donnent visiblement le tournis à la caméra. Celle-ci part alors dans son propre voyage vers l’ouest, en nous laissant en plan pour deviner si la prochaine baffe hors-champ nous tuera ou non. Même constat au niveau du verrouillage, qui s’échine à viser la masse centrale de notre adversaire. Sauf que, dans de nombreux cas, nos coups ne touchent alors pas notre opposant. Il nous faut donc le « délocker » pour le frapper plus librement, au risque de le perdre de vue lorsqu’il se lance dans un numéro de break-dance au sein de l’arène. Avec la bagatelle d’environ 80 boss, ces frustrations sont hélas arrivées bien trop souvent à notre goût. Un constat surtout marquant dans les premiers chapitres, avec un Prédestiné manquant encore cruellement de puissance et de vitalité, mais pas seulement. La faute probablement à un excès d’enthousiasme manifeste pour le premier jeu AAA de Game Science, mais ici maladroitement employé.
Comme une ombre du monde ouvert d’Elden Ring dans Black Myth Wukong
Heureusement, la situation est plus gérable (à quelques exceptions près) durant notre exploration des différents niveaux qui constituent Black Myth Wukong. Nous sommes dans ce cas face à un Action-RPG plus mesuré, avec cela dit un bestiaire d’ennemis communs et autres forces d’élite plutôt convaincant de diversité. Chaque chapitre est l’occasion de rencontrer de nouveaux yaoguai thématiques, aux designs et patterns variés (mais aussi forcément un peu de recyclage par-ci par-là). Une fois de plus, nous avons été assez impressionnés par la générosité du jeu sur ce plan, tout en proposant des adversaires cohérents avec leur environnement et plaisants à affronter. D’autant que l’exploration des biomes qui jalonnent le périple du Prédestiné sont de véritables aventures en soi, qui récompensent agréablement notre curiosité en trésors en tous genres qui nous aideront grandement pour la suite.
Sans parler d’un monde ouvert gargantuesque à la Elden Ring, on peut dire sans trop se mouiller les poils que chaque niveau rivalise aisément en taille avec de gros morceaux du chef d’œuvre de FromSoftware. Même constat avec certains passages et pièges vicieux qui nous ont (parfois littéralement) rendus fous. L’influence de ce titre est donc manifeste, d’autant qu’aucun marqueur, boussole ou carte ne sont là pour nous aiguiller. Tout au plus avons-nous droit à des liserés dorés nous indiquant la proximité d’un Autel (l’équivalent des « feux » dans les Souls-like) auprès duquel se reposer et restaurer les charges de sa gourde après une longue et éreintante route en se perdant dans les labyrinthiques (mais toujours magnifiques) biomes du jeu. Une telle halte fera cependant, vous l’aurez deviné, réapparaître les ennemis jusqu’alors occis.
Encore à l’image des productions de FromSoftware, chaque chapitre de Black Myth Wukong dispose par ailleurs de quêtes assez cryptiques. Nous rencontrons régulièrement des PNJ amicaux qui, tout en nous bassinant de considérations philosophiques bouddhistes, nous proposeront des sortes de missions secondaires. Il faudra cependant se creuser pas mal la tête en fouillant dans nos souvenirs et les énormes biomes de chaque chapitre (voire même dans les suivants) pour les compléter. L’effort de recherche nous récompensera toutefois d’inestimables objets, sorts, voire même de niveaux secrets (eux-mêmes gigantesques, avec leurs propres butins d’une énorme valeur et boss) auprès desquels nous aurions pu passer complètement à côté en traçant l’aventure en ligne droite. Quoique par moments étourdissante, l’exploration est donc satisfaisante par les nombreux bienfaits qu’elle nous procure. Les complétionnistes en auront ainsi largement pour leur argent (et leur matière grise), avec une durée de vie pouvant allègrement dépasser la cinquantaine d’heures.
Apprendre à un jeune singe de nouvelles grimaces
Action-RPG oblige, Black Myth Wukong propose de nombreux systèmes pour faire évoluer notre Prédestiné. En battant des yaoguai, nous obtenons en premier lieu des points d’expérience, que nous pourrons investir dans un arbre de compétences particulièrement fouillé. Des fondamentaux comme de meilleures statistiques défensives et offensives aux différentes techniques pour notre bâton en passant par les sorts et d’autres options, nous avons à notre disposition un large champ de possibilités pour créer notre propre « build ». Cela sera surtout important au début du jeu, où nous n’avons que peu de points à notre disposition. Nous vous conseillons d’ailleurs pour bien débuter de les investir rapidement dans la vie, l’endurance et l’attaque, puis dans une spécialisation particulière, au lieu de vous éparpiller et de n’exceller nulle part. Cela vous évitera peut-être de vous faire ridiculiser comme nous par les premiers boss du jeu, qui ne vous feront vraiment pas de cadeau.
En plus de cette expérience, nous récupérerons également des âmes… de la Volonté, qui servira de monnaie pour acheter divers objets et consommables, mais aussi pour forger de l’équipement. Le Prédestiné dispose grossièrement en ce sens de quatre emplacements (tête, torse, bras et jambes), ainsi que de son fidèle bâton. Sur ce point toutefois, nous avons encore un petit reproche à faire. La chose prend en effet la forme de sets, avec différents bienfaits en fonction du nombre de pièces équipées. Ceux-ci proposent alors de puissants bonus pour un élément particulier de notre kit. Black Myth Wukong nous encourage donc de manière assez forcée à nous respécialiser (heureusement gratuitement auprès d’un Autel), pour aller vers le style de jeu imposé par notre présent set. Cela s’arrange par la suite, même s’il faudra parfois sacrifier un build puissant avec lequel nous nous sentions à l’aise pour privilégier des meilleures statistiques d’attaque ou de défense. D’autant qu’il n’est pas possible d’améliorer notre équipement pour qu’il reste pertinent au fil de l’aventure. Un autre petit point noir, selon nous, dans cet autrement superbe tableau que nous propose l’Action-RPG de Game Science.