Sommaire
François "Bliss" de la Boissière
2015, l'année de la maturité ? En se focalisant d'abord sur le jeu vidéo entre les mains du consommateur, sa réalisation, son gameplay, ses finitions, 2015 restera sans doute comme une année de consolidation, voire peut-être de maturité. Les open world de qualité ne sont désormais plus l'apanage du seul Rockstar comme en ont fait la démonstration de l'époustouflant The Witcher 3 de CD Projekt Red, le doublé même inégal Mad Max / Just Cause 3, d'Avalanche Studios, le rescapé made in Japan Metal Gear Solid V, le bien sombre et un peu trop américain Batman : Arkham Knight, et le dernier Assassin's Creed Syndicate nettement plus contrôlé (et plus lisse) que son prédécesseur Unity.
Les jeux dits indépendants ont peut-être moins fait parler d'eux en tant que tel mais la qualité de production de certains d'entre eux a rejoint celle des blockbusters financés par des gros éditeurs. Sans le préméditer, ce top constitué de The Witcher 3, Ori et SOMA en témoigne. Ces trois lettres d'amour au jeu vidéo ont été conçus jusqu'au bout en toute indépendance artistique et financière par des développeurs n'ayant pas d'autres comptes à rendre qu'à leur propre vision et ambition (Ori a été soutenu par Microsoft mais l'équipe dispersée de Moon Studios a bien créé avec amour et sans compromission le jeu qu'elle a voulu, et cela se voit et se ressent au bout des doigts). Parce qu'ils sont initiés par des auteurs et mis en oeuvre par des équipes concentrées et concernées, ces trois jeux là en particulier, ces trois oeuvres, fusionnent le fond (sujet, thème, message(s)) et la forme (univers, game design, gameplay). Idéalement, tous les jeux devraient trouver cette cohérence.
Du côté des réussites inattendues, outre, encore une fois, le niveau qualitatif imprévisible atteint par The Witcher 3, l'aboutissement technique et artistique de Mad Max doit aussi surprendre. Depuis quand une adaptation de licence de film a-t-elle été traitée comme un vrai jeu AAA et avec autant de respect ? En se "corrompant" et surtout en passant à sa version 2.0, Destiny se rapproche enfin du projet fantasmé par tous (même si repasser à la caisse fait mal). La qualité exceptionnelle de Rise of The Tomb Raider confirme que l'excellent reboot de 2013 n'était pas un accident et que Crystal Dynamics maîtrise parfaitement son sujet. Avec l'insaisissable The Vanishing of Ethan Carter et quelques autres, le "walking simulator" tellement moqué, devient, petit pas par petit pas, un vrai et très sérieux genre. À son sommet, l'incroyablement intense et hyper maitrisé SOMA de Frictional Games est à ce titre le meilleur indice du potentiel d'un style de jeu sensoriel et émotionnel en vue subjective qui va inévitablement exploser en réalité virtuelle. Oui celle qui arrive pour de vrai pour de bon dès l'année prochaine.
TOP
J'ai également aimé...
Budget mis à part, avouons sans snobisme, et à destination des primo arrivants sur les consoles concernées, un très gros faible pour toutes les remasterisations de qualité qui mettent si bien en valeur et les décors et le gameplay d'incontournables du jeu vidéo : Zelda Majora's Mask (3DS), Uncharted : The Nathan Drake Collection (PS4), Rare Replay (Xbox One), Gears of War : Ultimate Edition (Xbox One), DmC : Devil May Cry Definitive Edition (PS4, Xbox One), Dishonored Definitive Edition (PS4, Xbox One), Journey (PS4)... Quelques coups de coeur pour finir qui n'ont peut-être pas eu le retentissement médiatique ou commercial qu'ils méritaient. Il est toujours temps. : Tearaway Unfolded (PS4), King's Quest (PS4, Xbox One, saison 1), Affordable Space Adventures (eShop Wii U)
FLOP
Commençons par épingler ces trois jeux là, avant de gratter un peu la surface d'une industrie du glam autant que du drame.
La bande annonce (CGI certes) si réussie et le concept petite équipe coop complémentaire vs big monsters de Evolve n'a pas tenu ses belles promesses. Confus, pas très jouable à moins de s'échiner, Evolve le jeu ne ressemble pas à ce qu'il voulait être. Le concept réalisation façon série TV pour Battlefield Hardline était une bonne idée, totalement tendance, mais le gameplay et la narration accumulent l'un et l'autre les clichés et gaspillent la belle enseigne Battlefield. Il est toujours délicat et mal vu de venir dire du mal de séries chéries par un public spécialisé capable de rentrer dans leur univers favori même dans des conditions techniques discutables (ainsi Fallout 4 et son moteur graphique hors d'âge qui ne décourage pas une foultitude de gamers conquis d'avance), mais dans le cas de cette réédition complétée de The Elder Scrolls OnLine, la liste des défauts techniques et de game design est si longue et si irrecevable que ne pas la signaler à un public non averti serait une faute professionnelle pour un critique de jeu vidéo.
Il y a bien sûr encore eu en 2015 d'autres bizarreries, voire des accidents industriels incompréhensibles et des controverses inexplicables dans cette décidément bien étrange industrie de "loisirs". Sans ses hauts et ses bas, le jeu vidéo ne serait pas cet excitant et toujours incontrôlable train fou sur montagnes russes capable de susciter tant de commentaires amateurs et professionnels, n'est-ce pas ?
Passons rapidement sur les dossiers brûlants encore cours tels le Kojima/Konamigate (le retrait de P.T. qu'on n'excusera jamais, et l'annulation de Silent Hills qu'on ne pardonnera pas non plus), ou l'OPA hostile de Vivendi sur Ubisoft (là aussi il faudrait sortir les drapeaux tricolores de la résistance) dont les coûteuses fâcheries VIP ont remplacé en 2015 celles des gamergates mesquins de 2014, et revenons à des choses plus tangibles : nos manettes.
Comment comprendre que l'ambitieux Batman : Arkham Knight porté par le géant Warner Bros Interactive sorte tellement cassé sur PC qu'il doive être retiré de la vente ? Que penser du crash technique et critique de Tony Hawk Pro Skater 5 pourtant couvé par l'éditeur que l'on croyait perfectionniste Activision ? Et faut-il s'inquiéter des productions Electronic Arts à venir quand celui-ci n'arrive plus à maintenir un seuil de qualité acceptable à sa série automobile phare Need for Speed où gaspille pour des raisons purement commerciales les talents à sa disposition dans des productions à la réussite discutable : Battlefield Hardline (qui n'avait pas besoin d'utiliser la licence Battlefield pour ce résultat) et Star Wars : Battlefront (qui se vend comme des petits pains malgré un gameplay très essoufflé). Mais à quoi sert donc que la critique s'indigne encore et toujours devant son vide existentiel ? À pas grand chose devant les tsunamis médiatiques et... Star Wars.
Précisions : Je n'ai pas "terminé" mais joué assidûment à TOUS les jeux cités ci-dessus évidemment, et bien d'autres, à l'exception de Tony Hawk et Need of Speed dont l'avis général négatif ne laisse aucun doute.