La situation au sein d'Ubisoft devient de plus en compliqué avec des employés qui n'hésitent plus à montrer leur mécontentement. Et il y a plusieurs raisons à cela, mais la principale, c'est que l'éditeur souhaite revenir sur le télétravail en imposant au moins trois jours par semaine en présentiel. « Ubisoft ne reviendra pas en présentiel à 100%, indique-t-elle dans un communiqué. Mais nous envisageons de modifier notre approche afin que les équipes soient au bureau au moins trois jours par semaine » a déclaré la direction à ses salariés à la mi-septembre.

Une grève en cours à Ubisoft

Si vous avez traîné sur Gameblog ces dernières semaines, vous êtes certainement au courant qu'Ubisoft traverse une période difficile. On reviendra dessus plus bas, mais pour l'heure, le sujet d'actualité est la grève à l'appel du Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo les 15, 16 et 17 octobre. Depuis quarante huit heures, plusieurs antennes en France, comme à Castelnau-le-Lez dans l'Hérault, ont installé des piquets de grève. L'une des principales raisons qui a motivé cela est le retour en présentiel voulu par l'éditeur. Après des années de télétravail, suite au COVID, la société veut revenir de façon unilatérale sur cette avancée.

Ce que dénonce le STJV dans son communiqué d'appel à la grève, c'est l'absence de négociations et tout simplement d'échanges entre les employés et la direction. « On a eu des négociations qui se passaient de manière très unilatérale, surtout sur des choses qui touchent le quotidien. On demande à ce qu'Ubisoft écoute nos revendications et déclenche les négociations » annonce Antoine (prénom modifié) à France Bleu. Pour Marc Rutschlé, délégué syndical Solidaires informatique, cette décision unilatérale d'Ubisoft peut mettre fin à une sorte d'acquis social. « Ce retour au télétravail, c'est un retour sur une forme d'acquis social. Alors certes on s'est pas battus pour cela, l'épidémie l'a fait pour nous. Mais finalement, c'est quand même quelque chose qui profite aux salariés » (via l'Humanité).

Si des dizaines et des dizaines d'employés défendent le télétravail, c'est parce que beaucoup d'entre eux ont réorganisé leur vie entière suite à cela. « C'est les ressources humaines qui m'ont autorisé tout cela. L'entreprise est au courant. J'ai un crédit sur le dos pour l'achat de la maison. Ma femme a son travail, c'est malheureusement une fin de contrat pour moi si on demande de revenir » explique Matthieu. Pendant et après le COVID, des salariés, peu importe le domaine d'activité, ont notamment ressenti le besoin d'aller à la campagne pour améliorer leurs conditions de vie par exemple.

Image du piquet de grève devant les locaux d'Ubisoft Paris Montreuil
Crédits : Les Echos.

Des départs en pagaille redoutés

Si Ubisoft finit par réellement imposer sa volonté, cela risque d'avoir des conséquences désastreuses selon Vincent Cambedouzou, délégué syndicat pour le STJV. « On s'attend à ce qu'un nombre assez important de nos collègues n'aient pas trop de choix que de renoncer à leur emploi » (via BFM). Une vision peut-être fataliste mais pourtant bien réelle sur les répercussions possibles. « C'est un manque de respect, une décision cruelle, injuste qui, en plus, va mettre la production dans un chaos total. C'est un métier collectif, s'il manque un maillon de la chaîne, tout s'effondre » ajoute t-il.

Pourquoi insister autant sur l'abandon partiel du télétravail ? Pour Ubisoft, c'est justifié par une volonté « d’améliorer la collaboration, la cohésion et l’innovation au sein de nos équipes, tout en préservant leur flexibilité, leur bien-être et l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée ». Un argumentaire pas vraiment valable pour Sarah Schneider, délégué syndicat STJV et gameplay programmeuse, qui met en avant le côté tentaculaire de l'entreprise. « On est une multinationale, on travaille rarement sur un seul studio de production. Les gens de Paris travaillent notamment avec des gens de Newcastle, de Bucarest, de Belgrade. On a déjà des gens qui ne sont physiquement pas à côté de nous. La cohésion, on a appris à travailler à distance » s'exclame t-elle en précisant qu'elle ne veut pas imposer le télétravail. En revanche, elle veut que chacun soit libre de choisir.

En plus de cette annonce d'Ubisoft, et de la non prise en compte de l'avis des employés, le STJV pointe du doigt la rémunération. Dans les revendications, on trouve également une hausse des salaires de 8%, un rétablissement de l’intéressement à 60% des objectifs, la fin de l’inégalité salariale de genre et l’augmentation plus accrue des bas salaires.

Ubisoft déçoit les joueurs, les salariés et la bourse

Vincent Cambedouzou n'hésite à partager sa déception vis-à-vis de l'éditeur. « Ubisoft déçoit ses joueurs, Ubisoft déçoit ses employés. La question est de savoir qui n'a pas encore été déçu par Ubisoft ». Un sentiment partagé par Pierre (nom modifié). « Je suis de plus en plus déçu d'Ubisoft. Je trouve que d'années en années, ça se dégrade. L'ambiance, l'environnement, l'état d'esprit et les projets. Je ne vois rien qui change pour améliorer ça ». Visiblement, en interne, l'évolution de la société et l'industrialisation des projets serait également un point de friction majeur. « C'est devenu l'usine » témoigne Xavier aussi inquiet par la remise en question du télétravail.

Il est en effet difficile de ne pas voir que l'éditeur fait face à de nombreux problèmes qui ne datent pas d'hier. Et on le voit bien avec des projets tels que le remake de Prince of Persia, l'arlésienne Beyond Good & Evil 2 ou encore Assassin's Creed Shadows qui, un mois avant son lancement, a été repoussé de plusieurs mois. D'ailleurs, d'après Tom Henderson, certains soucis sont liés à un mauvais dialogue, voire à une absence totale de dialogue, et des avis qui ne sont pas pris en compte. Résultat, Ubi n'a pas eu d'autre choix que de retarder l'un de ses plus gros jeux. Et des exemples qui illustrent les problèmes de la firme, il y en a encore beaucoup comme Skull & Bones qui a connu un développement chaotique et qui n'a pas convaincu.

Ubi déçoit les joueurs depuis un moment, ses salariés mais aussi la bourse. Depuis des mois maintenant, la société dévisse complètement en bourse. Les récentes ventes très décevantes de Star Wars Oultaws, alors qu'on parle d'une licence cultissime capable de se vendre par camion, n'ont fait qu'empirer les choses. De même que le report d'Assassin's Shadows. Plusieurs entités, comme la banque allemande, ont affiché publiquement une perte de confiance et ont réduit le cours de l'action, voire déconseillé totalement l'acquisition.

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Crédits : Ubi.

Un éditeur englouti par un mastodonte ?

Ubisoft va t-il se relever ? L'avenir nous le dira, et il faut garder en tête qu'il s'agit de l'un des plus gros éditeurs. L'idée n'est donc pas de sous-entendre qu'« Ubi va mourir ». Ce n'est pas du tout le sujet à vrai dire. En revanche, avec les résultats et tout ce qui se passe en interne, la rumeur d'un rachat a refait surface. Voici la réponse de l'intéressé auprès d'Eurogamer.

« Ubisoft a pris compte de la récente spéculation concernant les potentiels intérêts de la société. Elle étudie régulièrement toutes ses options stratégiques dans l'intérêt de ses actionnaires et informera le marché en temps voulu. La société précise également que la direction est actuellement concentrée sur l'exécution de sa stratégie. Celle-ci tourne autour de deux verticales primordiales : les aventures en monde ouvert et des expériences de type jeu-service ».

Source : Francebleu, L'Humanité, BFM.