Je vous propose de revenir chaque semaine sur une licence culte ou un jeu phare, histoire de partager ensemble un souvenir et de rendre un hommage appuyé à ces jeux "oubliés" qui ne cessent de flatter la fibre nostalgiques des plus retro-gamers d'entre nous. Aujourd'hui : F-Zero !
Qui dit septième épisode dit mode 7, évidemment ! Nous allons revenir cette semaine sur l'une des sagas phares de Nintendo, qui aura révolutionné le jeu de course dans les années 90. A la toute fin des années 80, Sega dégaine le premier sur le marché du hardware et propose la Megadrive (Genesis aux USA), confiant de pouvoir venir marcher sur les plate-bandes du big N, déjà ultra conquérant partout dans le monde grace au succès retentissant de sa NES. On se souvient des fameuses pubs « Genesis does what Nintendon't », proclamant haut et fort à qui voulait l'entendre que la Megadrive surpassait largement la Super Nintendo en terme de puissance technique. D'autant plus ironique que l'un des épisodes de la saga (F-Zero GX sur GameCube) sera développé par Sega un peu plus de 10 ans après la sortie du premier épisode ! C'est donc en cette période de mutation, encline à la une guerre technologique sans merci entre les deux géants nippons, que Nintendo a l'idée de proposer un jeu de course futuriste misant tout sur un gameplay fluide et nerveux. La série étant à l'arrêt depuis 2004, bon nombre de fans attendent toujours fébrilement l'annonce d'un nouvel opus. A quand le retour de cette saga mythique ?
Genèse du projet
Nintendo, bien décidé donc à faire table rase des qu'en dira-t-on met ses meilleurs éléments sur le projet F-Zero, un jeu de course futuriste mettant en avant les capacités de sa toute nouvelle machine d'alors, la Super Nintendo.
La division Nintendo Research & Development 4 alors dirigée par Miyamoto va voir son statut évoluer: Il faut désormais l'appeler l'E.A.D. (pour Entertainment Analysis & Development). Cette unité déjà responsable d'une très grande quantité d'excellents titres sur NES se voit d'avantage consolidée et regarde désormais vers l'avenir : Il faut fournir à la Super Nintendo des arguments de choix face aux concurrents et pour ce faire il faut créer quelque chose de nouveau, d'extra-ordinaire, de jamais vu encore.
« Ah non, cette fois je ne fais que produire ! »
On retrouve donc à la production de ce soft l'inénarrable Shigeru Miyamoto dont la réputation n'est plus à faire, et à la réalisation Kazunobu Shimizu, le lead designer de The Legend of Zelda II. Ce n'est pas non plus le seul homme à avoir travaillé sur la licence Zelda à être présent car Yasunari Nishida est aussi de la partie. On lui doit notamment la participation aux deux premiers zelda en tant que lead programmer. C'est bien des labos de cette unité qu'aura germé l'idée principale de F-Zero, tirant totalement parti de l'une des features les plus marquantes de la SNES : le Mode 7. Ce mode désigne en fait le moteur graphique de la bête, capable de déformer des sprites en temps réel, de faire pivoter l'arrière-plan et de créer ainsi une impression de 3D. F-Zero aura donc d'abord été le projet test, le prototype de cette feature graphique devenant ainsi le mètre étalon de la firme quant aux futurs jeux exploitant cette technique.
Sega propose un jeu fun, rapide, fluide et technologiquement bluffant avec Sonic ? Qu'à cela ne tienne, Nintendo propose F-zero, tout aussi ébouriffant d'audace bien que ne boxant pas du tout dans la même cour ! Cette période ébauche déjà la course à la technique à venir, la surenchère d'effets graphiques toujours plus fous qui se matérialise avec l'arrivée de ces nouvelles consoles.
Pas de doute, Nintendo compte bien produire un titre de très grande qualité - et en interne - de par les hommes à qui il confie le projet. Une véritable dream team en somme, chargée de faire cracher ses tripes à la dernière née de la firme afin de marquer durablement les esprits et de conserver la domination du marché vidéo-ludique. Après quinze mois de travail acharné, le résultat s'appelle F-Zero !
F-Zero voit donc le jour en 1990 au Japon et fait partir du line-up de lancement en compagnie du sublime Super Mario World. Le jeu nous met donc aux commandes d'hovercrafts futuristes pouvant atteindre des vitesses impressionnantes (plus de 500Km/h). Nous sommes en 2560 (la couverture du jeu ne manque d'ailleurs pas de le rappeler « The race of the 26th century »!) car le truc à la mode à cette époque, c'est la course ! Quelques milliardaires en mal de sensations créent cette discipline qui ne tarde pas à devenir très populaire. F-Zero peut être considéré comme le pilier de ce sous genre et sera ainsi l'un des tout premiers à proposer une approche futuriste de la discipline, bien avant les Wipeout, Trickstyle, Rollcage, Extreme-G, etc. Même Si Vroom, sorti peu de temps après sur micro-ordinateurs propose une expérience bluffante de conduite de Formule 1, F-Zero va lui beaucoup plus loin et mise tout sur son côté moderniste en proposant quelque chose qui n'a aucun équivalent dans le monde réel.
Secrets de fabrication
On nous propose de prendre part à un championnat interplanétaire, puisque même des extra-terrestres peuvent participer. Mais F-zero, c'est aussi un univers très particulier et des personnages hauts en couleur qui sont l'œuvre deTakaya Imamura et Masanao Arimoto. Pour ceux ayant acquis le jeu en version loose sur le tard, ou y ayant joué en émulation, difficile de savoir ou je veux en venir. Il faut en effet posséder le livret du jeu pour pouvoir profiter d'une petite bande dessinée de 8 pages nous présentant brièvement le contexte des courses et le background de celui qui semble ainsi être le personnage principal : le Capitaine Falcon, aujourd'hui figure emblématique de la compagnie.
Petite B.D dans le livret de jeu
Trois autres personnages sont toutefois disponibles, et avec eux un type d'hovercraft qui possède ses propres caractéristiques (accélération, vitesse de pointe, résistance). Captain Falcon, Dr Stewart, Pico et Samurai Goroh se partagent donc la vedette de cet opus fondateur. Vous l'aurez compris, F-Zero propose donc quatre véhicules différents, à utiliser sur pas moins de quinze circuits répartis en 3 championnats (ces derniers faisant office de mode de difficulté). Si jusqu'ici il n'y a rien de bien révolutionnaire, il faut attendre de pouvoir s'essayer au pilotage pur et dur des bolides pour se rendre compte du caractère novateur du titre, en dépit des graphismes épurés et des environnements très sobres qu'il propose.
Des règles bien établies
On a beau être dans le futur, le but du jeu reste le même que dans n'importe quel autre jeu de course : Il faut franchir la ligne d'arrivée le premier, point barre. Seulement voilà, à l'inverse de softs plus conventionnels, il faudra cette fois faire preuve d'une grande dextérité pour parvenir à rallier la ligne d'arrivée. Oui oui, vous avez bien lu, pas pour gagner mais pour simplement arriver ! Le gameplay étant très exigeant et punitif, il n'est pas rare de voir son vaisseau exploser à force de sorties trop régulières dans les « bumpers », sorte de limites électrifiées bordant les circuits. Autre feature très novatrice pour l'époque : il est possible de déplacer un curseur de gauche à droite sur une courbe ascendante entre l'accélération et la vitesse de pointe. Il faut bien observer les particularités de chaque circuit pour régler son bolide en conséquence et ainsi trouver le parfait équilibre. Cette exigence de pilotage sera le leitmotiv de la saga, proposant dans chacun de ses épisodes une certaine dose de challenge.
La prise en main semble de prime abord aisée, mais il faut un temps d'adaptation important pour parvenir à maîtriser ces bolides à l'accélération fulgurante, d'autant que l'on a a disposition trois boosts de puissance qu'il conviendra d'utiliser de la meilleure façon possible au moment que l'on souhaite tout au long des cinq tours afin d'optimiser ses performances. Tremplins, épingles à cheveux et autres chicanes malicieusement placées sont également de la partie pour nous donner du fil à retordre. Tremplins d'autant plus meurtriers d'ailleurs, car si on a le malheur d'atterrir hors des limites du circuit après avoir les avoir empruntés, le vaisseau explose instantanément ! Une jauge d'énergie nous informe en temps réel de l'état du véhicule : verte tout va bien rouge, attention. En cas de dommages critiques, il faut en quelque sorte « passer par les stands », sauf que dans le futur, on ne s'y arrête même plus mais on roule tout simplement sur une bande magnétique verte qui redonne de l'énergie au bolide ! Au niveau du pilotage il est possible, voir vivement recommandé, de prendre les virages façon moto Gp en utilisant les gâchettes L et R du pad afin de faire pencher un peu plus encore le vaisseau dans la direction souhaitée ; Indispensable pour signer de bons chronos et venir ainsi défier l'ia dans les modes le plus ardus de difficulté.
Miyamoto et son équipe signent donc un très bon jeu de course pour le lancement de la Super Nintendo, posant les bases d'un système de jeu unique. Il peut être aujourd'hui considéré comme le pionnier du sous-genre de jeux de course futuriste. Tout n'est pas parfait pour autant, car le mode multijoueur fait cruellement défaut au nouveau bébé de Nintendo, un manque à gagner qui le prive sans aucun doute d'une énorme plus-value. Le réalisme est également mis de côté au profit d'une fluidité sans équivalent à l'époque. Il faut même reconnaître que cela rend l'expérience de jeu nettement plus difficile qu'un jeu de course traditionnel en raison de la précision dont il faut faire preuve pour arriver à bon port.
Les musiques sont également de très bonne facture, composées de main de maître par Yumiko Kanki et Naoto Ishida. Ce ne sont pas moins de 15 morceaux qui composent la bande son, soit près de 25 minutes de musique, fournissant ainsi un univers sonore différent pour chaque environnement visité.
Il faut attendre 1991 pour qu'il soit disponible au états-unis, et même 1992 pour l'Europe. Largement acclamé par la critique et le public malgré son arrivée tardive sur les territoires occidentaux, le succès de F-zero ne tarde pas à placer la licence en très haute estime dans le cœur des fans du Big N, a tel point que Nintendo ne tarde pas à plancher sur une version en 3D intégrale à venir sur sa future N64. Entre temps, une extension tardive au premier épisode sur Super Famicom voit le jour en 1996 uniquement au Japon et en téléchargement via le système Satellaview : BS F-Zero Grand Prix 2, proposant de nouveaux circuits et modèles de bolides.
La "vraie" suite
Il faut cependant attendre 1998 pour qu'une véritable suite au jeu d'origine soit commercialisée. C'est donc avec F-Zero X sur Nintendo 64 que la série repart sur les rails du succès. Il marque l'entrée de la franchise dans un univers en « vraie » 3D, proposant ainsi des circuits encore plus excentriques composés de loopings et disposant de tunnels absents de l'épisode Snes. On sent que l'influence de Wipeout s'est faite sentir, avec des modèles de circuits un peu similaire. Toutefois, la vitesse d'animation est sans commune mesure avec le titre de Psygnosis. La sensation de vitesse y est encore plus prononcée que par le passé, poussant les petits hovercrafts dans leurs derniers retranchements en leur faisant littéralement franchir le mur du son ! Des pointes de plus de 1200Km/h sont maintenant monnaie courante et il faut des nerfs d'acier pour rester concentré sur la route. Le changement le plus significatif est bien évidemment l'arrivée d'un mode multijoueur, permettant jusqu'à 4 joueurs de s'affronter simultanément dans des courses endiablées.
Plus vaste, plus ambitieux, Nintendo voit les choses en grand pour ce F-Zero X puisque ce n'est pas moins d'une trentaine de personnages (et donc de bolides, suivant la même logique que le premier épisode) qui se rendent disponibles une fois les championnats remportés. Un nouveau mode de jeu fait aussi son apparition : le Death Race, ou « course à la mort » dans notre langue, dans lequel il faut se débarrasser de nos 29 concurrents en établissant les meilleurs temps au tour. S'il n'est pas possible d'utiliser des armes, on peut en revanche se servir des éléments du décors pour tenter de déstabiliser nos adversaires afin de les envoyer hors des limites du tracé.
Encore une fois, la fluidité semble avoir été le choix privilégié par Nintendo pour offrir une expérience de jeu très nerveuse : C'est à l'époque le tout premier jeu de courses sur console a disposer d'une vitesse d'animation de 60 images par seconde ! Pouvoir se permettre d'afficher 30 vaisseaux en temps réel est une performance exceptionnelle qui se fait au détriment du niveau de détail affiché (moins de polygones pour les véhicules notamment), jugé assez pauvre par la critique de l'époque, malgré les sensations de vitesse ressenties. Limitations techniques oblige, les musiques souffrent également d'une légère baisse de qualité, d'où la présence de nombreux thèmes monophoniques. En terme de composition, il convient également de noter que la plupart des morceaux sont en fait des remix du premier opus dans un style nettement plus « branché ».
La course du futur dans ta GBA
On passe ensuite assez vite sur F-Zero Maximum Velocity (2001, Game Boy Advance), qui reprend à son compte presque point par point les acquis du premier opus sorti 10 ans plus tôt sur Super Nes et en les appliquant à la petite portable de Nintendo. Une sorte de portage en somme, chargé de faire découvrir la licence à une toute nouvelle génération de joueurs étant passés à côté de l'épisode initial.
F-Zero : GP Legend présente un peu plus de variété dans son approche, piochant au passage un peu des meilleurs éléments de chaque épisode. Ainsi, même s'il affiche une patte graphique proche de Maximum Velocity et du premier épisode sur Super Nintendo, il intègre en lui tout ce qui à fait le sel de la saga jusqu'à présent malgré les limitations techniques du support : la présence de 30 concurrents en lice, les boosts, le mode Death Race, etc. La particularité de cet épisode est le fait qu'il soit adapté d'une série animée ayant vu le jour au Japon uniquement (inédite en France). Qui dit adaptation de série dit forcément l'arrivée d'un pan scénaristique pour les huit personnages du jeu, ce qui était quasiment absent des épisodes précédents, ou du moins fortement mis en retrait (à part l'épisode GameCube). Ce mode aventure donne une nouvelle dimension à la série, même si ce n'est clairement pas sur ce point que le soft se démarque de ses congénères.
Cet épisode propose aussi de nombreux défis divers et variés (48 en tout) afin de mieux appréhender le pilotage quelque peu rebutant de la série, marque de fabrique depuis le tout début de l'aventure. Les codes de la franchise sont bien présents et permettent de prolonger le plaisir en nomade sur sa petite Game Boy Advance.
Il existe un troisième épisode paru sur GBA en 2004, nommé F-Zero : Climax. Ce jeu reprendra les acquis de la version Game Cube dont nous allons parler juste après. Rien de bien significatif en somme, si ce n'est qu'il reprend à son compte notamment le « boost fire » permettant de cumuler les turbos et de foncer à très vive allure pendant un temps donné. Chaque utilisation de turbos étant évidemment à double tranchant puisqu'ils influent sur la durabilité du véhicule... à utiliser parcimonieusement donc ! Très abouti techniquement et proche de l'esprit de l'opus Game Cube, cet épisode reste hélas inédit dans nos vertes contrées car il n'est sorti qu'au Japon.
C'est également le tout dernier épisode paru à ce jour, puisque il a vu le jour un an après F-Zero GX, le dernier opus en date sur console de salon.
L'apogée de la saga
Une vraie suite à l'épisode sorti sur Nintendo 64 voit le jour en 2003 sur GameCube et reste à ce jour la dernière version console de salon de la franchise : Il s'agit donc comme vous l'aurez compris de F-Zero GX, développé par Amusement Vision, qui n'est autre qu'une filiale de Sega, l'ancien constructeur et concurrent de Nintendo ! Entre 1990 et 2003 bien des choses ont changées sur le marché des consoles, et le rôle de Sega se voit limité au « simple » développement de jeux après avoir été l'un des acteur majeurs de cette industrie une décennie auparavant.
Une fois encore, Nintendo ne prend pas de risque avec ce GX, qui semble tout droit inspiré de l'épisode N64 en terme de gameplay. On ne change pas une formule qui gagne, semble-il, même si une nouvelle attaque en toupie pouvant déstabiliser l'adversaire fait son entrée dans la série. Ainsi, de nouveaux circuits font leur apparition, un peu plus complexes encore que ceux de son frère aîné de 98. Divers modes de jeu sont directement hérités de toutes les itérations de la saga : au traditionnel mode Grand Prix s'ajoutent les modes Versus Battle, Time Attack, Practice, Story (comme dans Legend GP) et Replay.
Petite nouveauté sympathique : Il est désormais possible de construire et de customiser ses propres véhicules à partir des pièces débloquées dans les modes de jeux principaux.La musique, pêchue au possible, fait immédiatement entrer dans l'esprit arcade du titre à grand renfort de fusion entre techno, dance et métal, avec des filtres sur la voix du commentateur à la manière d'un Ridge Racer... bref une musique bien nerveuse pour bien se sentir immergé dans le feu de l'action. On est sur un jeu japonnais et ça se sent !
Et aujourd'hui ?
Et bien rien. Alors que Nintendo a sorti un F-Zero sur tous ses supports jusqu'à la Game Cube, rien sur la Wii, et apparemment rien de prévu sur la Wii U à ce jour, si l'on en croit les toutes dernières déclarations de Shigeru Miyamoto sur le sujet :
« Je comprends tout à fait que les joueurs veulent un nouveau jeu F-Zero. Je pense que là où j'éprouve de la difficulté, c'est que je n'ai pas vraiment de bonne idée concernant ce que nous pourrions apporter de neuf à F-Zero pour en faire de nouveau un grand jeu. Évidemment, je vois à travers Mario Kart 8 et l'antigravité, comment une connexion peut être faite avec F-Zero. Mais je ne sais pas, à ce stade, dans quelle direction nous pourrions aller avec un nouveau F-Zero. »
Image de Mario Kart 8 (Wii U)
Il faudra donc se contenter d'un Mario Kart 8 un peu hybride, rappelant par bien des aspects la formule initiée dans F-Zero avant de pouvoir goûter aux joies d'un nouvel épisode à part entière. Patience !