Certains éditeurs de jeux vidéo font preuve de ressources insoupçonnées lorsqu'il s'agit de faire comprendre tout le mal qu'ils pensent de ceux qui ont bien mal acquis leurs jeux. Avec humour ou cynisme, les exemples que nous allons voir ne manquent en tout cas pas d'originalité !
Considéré comme un fléau par certains, comme un Eldorado pour d'autres, le piratage de jeux vidéo existe sous bien des formes et depuis bien longtemps déjà. Il n'aura en tout cas laissé personne indifférent à son développement au fil du temps, à commencer par les éditeurs eux-même, bien évidemment, qui sont fort logiquement les premiers à pâtir de cette pratique. Au delà de l'épineuse question « aurais-je acheté le jeu que je viens de pirater si j'en avais eu les moyens? » qui semble être le justificatif favori de bon nombre de pirates, intéressons nous plutôt aujourd'hui aux méthodes pour le moins atypiques employées par les éditeurs afin de contrer les joueurs disposant de copies illégitimes. Et très sincèrement, certaines de ces méthodes drôles et ingénieuses risquent de vous faire tomber de votre chaise ! Mention spéciale aux créatifs de chez LucasArts, réservant dans leurs productions quelques surprises de taille - toujours dans la joie et la bonne humeur - aux malhonnêtes possesseurs de leur softs ! D'autres petits studios, parfois bien moins fortunés, savent également faire montre d'une grande créativité quand ils ne peuvent pas se permettre de mettre une partie importante de leur budget dans de coûteux DRM (abréviation de Digital Right Management).
Alors ça y est, vous êtes bien installés ? Préparez le pop-corn parce qu'il va y avoir du spectacle ! Voici donc sans plus tarder une petite sélection des meilleures mesures anti piratage mises en place au cours des 30 dernières années par les éditeurs et développeurs afin de se prémunir contre le vol de leur travail !
Indiana Jones and The Fate of Atlantis (Pc, Amiga, Mac,1992)
À tout seigneur tout honneur : En effet, quoi de mieux que de commencer cette liste avec le grand, que dis-je, le géant LucasArts ? Dans ce point & click de légende développé par le regretté studio britannique et chapeauté de main de mettre par l'architecte Ron Gilbert, il était tout bonnement impossible de lancer le jeu sans entrer une combinaison avec les trois disques de pierre (chaque disque représentant Soleil, Lune et Volcan), dont il fallait lire le décodage dans le manuel du jeu, et ce à chaque nouvelle partie ! Une sorte de petit système de cryptage bien vu, assez commun et similaire à bon nombre de productions signée LucasArts (mais pas seulement). Tel un Indy bloqué à l'entrée d'un temple, il fallait déjà savoir comment en ouvrir les portes avant de l'explorer ! Logique en un sens, de devoir jouer les archéologues en herbe pour ouvrir le premier de tous les accès ; celui au jeu lui même ! Ce système de code étant finalement très répandu à cette époque, nous ne reviendrons pas plus que celà sur le système, à l'exception de Monkey Island, qui propose une version un peu modifiée de cette méthode.
Zak McKracken and the alien Mindbenders (Amiga, Atari ST, Commodore 64, 1988)
Ron Gilbert ne recule devant rien pour prendre en défaut les pirates des jeux de sa compagnie Lucasfilm Games (Premier nom de la société, avant d'être renommée LucasArts un peu plus tard). Le génial créateur de point & click d'anthologie peut se targuer d'avoir mis au point l'un des système de protection anti piratage les plus bluffants jamais conçus : C'est en 1988, avec la sortie des aventures du journaliste Zak McKraken qu'il met sur pied un stratagème ingénieux pour faire comprendre aux pirates la portée de leur geste : Si le joueur se trompe plus de cinq fois de suite dans la saisie du code spécial fourni avec le jeu, il se voit jeter en prison comme un vulgaire bandit ! Et lors de cette séquence inédite, pas question de rester les bras croisés à ne rien faire, non... un officier de police viendra lui passer un sacré savon concernant son comportement déviant de vilain forban ! « (...) Les créateurs ont travaillé très dur pour mettre au point Zak McKracken, et nous voulons qu'ils puissent continuer à concevoir d'autres aventures palpitantes n'est-ce pas ? Alors précipite-toi chez ton revendeur habituel et achète-toi une copie légale du jeu... et surtout n'oublie pas : TOI seul peux mettre un terme à la stupidité dans le monde ! » Du grand art !
The Secret of Monkey Island (Pc, Amiga, Mac,1990)
Puisqu'on se trouve chez LucasArts, autant y rester : Cette fois, c'est le légendaire Monkey Island dont il est question. Dans ce point & click d'aventure qu'on ne présente plus, les concepteurs ont mis au point un truc très ingénieux pour couper l'herbe sous le pied aux pirates de tout bord : Une roue en papier dénommée Dial-A-Pirate à système coulissant permettant de faire coïncider les têtes des pirates affichés à l'écran en même temps. Il fallait trouver en quelle année avait été pendu le pirate en question, en complétant à l'aide de cette roue de papier l'élément de visage manquant dudit pirate ! En alignant correctement la roue avec les informations données, la date de pendaison apparaissait logiquement et il ne restait donc plus qu'a l'entrer dans le jeu pour que ce dernier se lance ! Astucieux et efficace !
Leisure Suit Larry (Amiga, Apple II, Atari ST,1987)
Autre grand classique de l'histoire du jeu vidéo, autre grande méthode anti piratage... classique ! C'est cette fois par le biais d'un basique QCM auquel les joueurs sont amenés à répondre qui permet de débloquer l'accès au jeu. Comme d'habitude avec ce procédé maintenant bien rôdé, les réponses à toutes ces questions se trouvent dans le manuel de jeu. Parmi les nombreuses questions de culture générale populaires dans des domaines divers et variés, il y a même une question « Qui est O..J Simpson ? » et parmi les réponses proposées « under indictment » (terme juridique signifiant « accusé ») bien avant l'affaire Nicole Brown Simpson de 1993 impliquant le célèbre sportif dans le meurtre de son ex-femme et de son compagnon ! Visionnaires les petits gars de chez Sierra Entertainment ?!
Starflight (Megadrive,1991)
Ce jeu de rôle spatial développé par Binary Systems et édité par Electronic Arts sur Megadrive proposait lui aussi d'entrer un code de démarrage présent uniquement dans le manuel, mais n'empêchait toutefois pas les pirates de lancer le jeu en cas de mauvais code. Seulement voilà, au bout de 6 jours in game, la police intersidérale de cet ancêtre de FTL venait menacer le joueur abusif de détruire son vaisseau spatial (lien en anglais) si ce dernier n'entrait pas le bon code de jeu ! Plutôt radical et efficace comme méthode non ? Imaginez un peu ce que donnerait un concept similaire dans des space opera modernes du genre Halo et Mass Effect ! Ce serait en tout cas bien plus drôle que de simples DRM sans originalité...
Maniac Mansion (Commodore 64, Apple II, Atari ST, Amiga, Nes,1987)
Autre légende de LucasArts à l'age béni des point & click, Maniac Mansion enjoignait le joueur à entrer un code pour ouvrir une porte située au deuxième étage de la fameuse bicoque, protégée par un système nucléaire de psychopathe. Vous vous doutez bien que sans le fameux code fourni uniquement dans le livret de jeu, c'est un bon game over explosif des familles qui vous attend ! Cerise sur le gâteau, il est tout de même possible d'essayer de pirater le pavé numérique sur côté de la porte, sans réelle possibilité de changer quoique ce soit au sort qui vous attend. Sans doute histoire de faire comprendre aux plus aguerris des pirates qu'ils ne pourront rien faire sans le précieux sésame. LucasArts se moque donc avec humour des pirates, en leur proposant malgré tout un contenu inédit rien que pour eux !
Garry's Mod (Pc, Mac, Linux, 2006)
Alors là mesdames et messieurs, je crois qu'on tient le champion du système le plus vicieux jamais mis en place, haut la main ! Tenez vous bien : Dans le jeu édité et développé par Valve en téléchargement uniquement, les détenteurs d'une version pirate voyaient à un moment leur jeu mal fonctionner, au point de s'arrêter et d'afficher le message d'erreur suivant : « Engine Error:Unable to shade polygon normals(#################)". Attention, c'est là que ça va devenir croustillant : les # sont en fait votre identifiant Steam, et donc une manière pour ce dernier de savoir si vous possédez une copie illégale ou non de leur jeu ! De plus, les joueurs étant venus se plaindre sur les forums de la firme en indiquant ce code d'erreur étaient également confondus et bannis de la plate-forme ! Ça ne rigole pas avec le piratage chez Steam...
Serious Sam 3 : BFE (Pc, Mac, Linux, Xbox 360, 2011)
Comment ne pas évoquer le cas de l'un des FPS les plus bourrins que la terre ait jamais portée ? Son cas est assez fantastique, jugez plutôt : Pour nos « malheureux » pirates ayant osés télécharger le jeu Croate développé par Croteam illégalement, un ennemi inédit - sorte de scorpion géant rose invincible et à la vitesse de déplacement hallucinante - débarque dès le début de l'aventure, empêchant de ce fait toute progression ! Une façon comme une autre de responsabiliser les utilisateurs à l'encontre du piratage... avec la manière forte ! Bon, même si au final il existe un cheat code à entrer en invite de commande pour se défaire de cette saloperie immonde, le joueur lambda peu au fait de ces pratiques aura tôt fait d'abandonner... ou bien qui sait, d'aller se procurer le jeu légalement ? Aller, on y croit !
Spyro : Year of the Dragon (Playstation, 2000)
Depuis que le gentil dragon Spyro est revenu en odeur de sainteté via les figurines Skylanders, vous pensiez faire plaisir à votre petit neveu en lui offrant une version pirate de Spyro le dragon avec la Playstation modifiée de votre jeunesse pour noël ? Et bien sachez que ce n'est peut être pas du tout une si bonne idée que ça. En plus de se faire donner des leçons de morale par la fée au début de l'aventure, cette dernière prend un tournant soudainement dramatique sur la version pirate du soft : D'importants objets de la quête principale disparaissent purement et simplement des niveaux, ce qui rend le jeu impossible à terminer. Et comme si cela ne suffisait déjà pas, les développeurs ont poussé le vice encore plus loin, puisque la langue des menus de jeu change aléatoirement au fil de la partie, et qu'il est d'ailleurs impossible d'enclencher la pause à partir de la rencontre avec la fée ! Sans parler des problèmes d'instabilité du jeu, qui plante assez régulièrement, au cas ou vous auriez trouvé un moyen de passer outre la disparition des objets de quête... un vrai cauchemar ! Amis des dragons, jouez-la réglo avec Spyro ou il va vous en faire baver !
Metal Gear Solid (Playstation, 1998)
Aujourd'hui, on sait Hideo Kojima - le créateur de la série Metal Gear - passionné par les règles de la narration au sens large, au point d'en détourner systématiquement les codes dans ses jeux pour mieux semer le trouble et la confusion chez le joueur. Oui, on sait tout ça aujourd'hui... mais à l'époque du premier opus en 3D de la série, personne ne connaissait la personnalité atypique et les délires improbables du bonhomme ! Qui pouvait donc se douter que le nippon allait mettre au point une petite combine intelligente pour piéger les détenteurs d'une version crackée de Metal Gear Solid ? Eh bien pas grand monde j'imagine ! L'homme lige de Konami a en effet la brillante idée de briser le 4ème mur, - pour la toute première fois dans la saga - chose qu'il reproduira à de nombreuses reprises depuis : Assez tôt dans l'aventure, Snake doit contacter Meryl via codec. Problème : il ne possède pas le numéro de sa fréquence d'appel. Et pour cause, ce dernier se trouve tout bêtement au dos de la boite de jeu ! Ce que ne manque d'ailleurs pas de divulguer le président d'Arms Tech, Kenneth Baker à Snake après que ce dernier se soit débarrassé d'Ocelot! Amusante façon de procéder que de demander au joueur d'interagir avec la boite de jeu, privant ainsi le malheureux pirate d'accéder à la fréquence de Meryl ! Allez, avouez qu'elle est plutôt mignonne celle là...
Game Dev Tycoon (Pc, Mac, Linux, 2013)
Petit jeu indépendant sorti au début de cette année, Game Dev Tycoon place le joueur dans la peau d'un développeur de jeux vidéo qui devra faire ses preuves et se faire un petite nom dans le business vidéo-ludique. Si l'on commence plutôt petit au début, à l'instar d'un Éric Chahi ou encore d'un Jordan Mechner bricolant leur jeu dans un garage, on ne tarde pas à devoir étoffer son équipe, à gérer des plannings compliqués, à développer sur de plus gros jeux sur d'autres supports, etc. Le petit coup de génie des créateurs de Game Dev Tycoon concernant le piratage quand on n'a pas les moyens d'un gros éditeur pour se payer des DRM en bonne et due forme ? Tout simplement : balancer sur les sites de partage Peer to Peer une version quelque peu modifiée de leur jeu, qui envoie ce message au joueur au bout d'un moment : « Chef, il semblerait que beaucoup de joueurs jouent à notre nouveau jeu, mais qu'ils le volent en téléchargeant plutôt qu'en l'achetant légalement. Si les joueurs n'achètent pas les jeux qu'ils aiment, nous serons en banqueroute tôt ou tard » Mise en abyme tout simplement brillante n'est-ce pas ? Le joueur pirate se retrouve bloqué dans sa progression à cause de ces mêmes pirates dans le jeu. Avouez qu'on a rarement fait plus concret dans le message ! Et pourtant, le plus ironique dans tout ça, c'est que des joueurs incrédules sont allés se plaindre de ce message sur les forums, arguant qu'ils ne pouvaient aller plus loin dans le jeu... car en effet après ce message d'avertissement, il n'y a rien d'autre à faire que de regarder l'éditeur virtuel faire faillite. Seulement voilà, on peut se demander si la stratégie mise en place par Greenheart Games est la bonne, puisqu'on à ce jour 90% des copies distribuées sont la version pirate, propagée par ces derniers. Vouloir se jouer des DRM avec humour en infestant le web d'une version pirate a donc un prix... Si vous parlez l'Anglais, voici une petite analyse du phénomène sur la chaîne youtube NerdAlert.
La série Pokémon (Rouge feu, Game Boy Advance, 2004, Version Noire & Blanche, DS, 2010)
Même chez Nintendo, on ne rigole pas avec le piratage ! L'immense succès de la saga Pokémon - pourtant très familiale à première vue - ne l'empêche pas d'être touchée par le phénomène de piratage, notamment sur DS via le fameux linker. D'ordinaire assez policés et gentillets, les PNJ de la saga ne se posent généralement pas en donneurs de leçons et surtout, ne sont jamais vulgaires... à l'exception de ce personnage dans Pokémon Rouge feu, qui dit à Sacha comme ça l'air de rien : « Au fait, si tu aimes ce jeu, achète le ou crève. » Ah oui quand même, ça fait un choc. Ce qui pourrait paraître anodin dans n'importe quel autre jeu prend une dimension spéciale chez Nintendo, puisque ses jeux sont majoritairement joués par des enfants. On se demande qui a pu valider un message aussi violent dans les hautes sphères de la firme de Kyoto... à moins qu'il ne s'agisse d'un fan hardcore de la franchise qui se soit amusé à détourner le jeu et à divulguer ce message via la ROM du jeu sur le net. Exemple plus récent, mais aussi bien plus radical : dans les Version Noire & Blanche, sur Ds, toute copié illégitime empêche tout gain d'expérience après les combats (vidéo à partir de la 20ème minute) ! Inutile de dire que l'aventure tourne court avec ce procédé...