Voilà maintenant des mois que les employés du géant Activision ont pris la parole pour dénoncer le harcèlement et le sexisme qui s'exercerait dans la plus grande impunité en interne. Après les réactions souvent molles et tardives de Bobby Kotick, de nouvelles révélations viennent aujourd'hui aggraver sa situation.
Cet été, il avait fallu que les employés d'Activision Blizzard décident de se mettre en grève pour finalement obtenir une réponse de leur direction quant aux accusations de laxisme qui pesaient sur cette dernière. À l'époque, le PDG du groupe avait assuré son soutien, avant d'être convoqué par les autorités américaines :
Je tiens à honorer et à remercier tous ceux qui se sont manifestés dans le passé et ces derniers jours. J'apprécie énormément votre courage. Chaque voix compte, et nous allons être plus à l'écoute dès maintenant, et à l'avenir. Notre réponse face aux problèmes et aux préoccupations auxquels nous sommes confrontés ensemble a franchement été sourde.
Le roi du silence
L'affaire prend aujourd'hui une toute autre dimension, alors que le Wall Street Journal révèle dans une enquête fleuve que contrairement à ses déclarations Bobby Kotick aurait eu vent d'un cas précis de viol dès le mois de juillet 2018. Selon les témoignages recueillis un le trio de journalistes, une employée du studio Seldgehammer, qui travaillait alors sur Call of Duty WWII aurait envoyé un e-mail aux ressources humaines pour faire part de deux viols dont elle aurait été victime en 2016 puis en 2017, incriminant directement l'un de ses supérieurs.
Averti de l'affaire, Bobby Kotick l'aurait donc gardée pour lui, tandis qu'Activision aurait tenté de trouver "un terrain d'entente" sur le plan judiciaire. Ce témoignage met donc à mal la défense de l'intéressé, qui fait déjà l'objet d'une enquête : il est en effet soupçonné d'avoir manqué à son obligation d'informer les actionnaires sur la vie de l'entreprise, un engagement déjà mis à mal par la suspicion de destruction de documents révélée en août dernier.
Selon le Wall Street Journal, la réalité serait donc toute autre :
Les documents consultés montrent que Bobby Kotick était au courant des comportements condamnables au sein de l'entreprise. Il n'a pas informé le conseil d'administration de tout ce qu'il savait, même après que les régulateurs ont commencé à enquêter sur ces incidents en 2018. Certains employés partants accusés de mauvais comportements ont été poussés vers la sortie, tandis que leurs collègues ont été priés de garder le silence sur ce sujet.
Puissants reconnaissent puissants
Après plusieurs mois de polémiques, le PDG d'Activision Blizzard avait finalement renoncé à son salaire qui se chiffre en millions de dollars, un geste qui ne suffira évidemment pas à calmer la colère des salariés. Suite aux révélations du Wall Street Journal, nos confrères de Kotaku rapportent qu'une centaine d'employés se seraient rassemblés devant les locaux de l'entreprise pour demander le départ immédiat de l'intéressé, en donnant naissance à un mot-dièse des familles : #firebobbykotick.
Face à ces allégations de plus en plus nombreuses, le conseil d'administration d'Activision Blizzard s'est contenté de singer la classe politique française, en prenant la défense de leur collègue :
Sous la direction de Bobby Kotick, l'entreprise a déjà mis en œuvre une politique de tolérance zéro en matière de harcèlement, et s'est engagée à augmenter significativement le pourcentage de femmes et de personnes non-binaires dans nos effectifs. Le conseil d'administration reste convaincu que Bobby Kotick a traité de manière appropriée les problèmes liés au lieu de travail portés à son attention.
Voilà qui ne risque évidemment pas d'apaiser les tensions. Kotick réussira-t-il à prendre plus rapidement la parole que durant la grève de cet été ? Le suspens reste entier, et la suite des événements très incertaine.