L'été, c'est souvent la saison des feuilletons, des séries légères comme du papier que l'on feuillette nonchalamment entre deux coups de soleil. Mais dans le monde a priori impitoyable des jeux vidéo, semble au contraire profiter de cette pause pour vider son sac, devenu trop lourd à porter. Après avoir licencié plusieurs centaines d'employés tout en remettant 155 millions de dollars pour son PDG, Activision Blizzard doit désormais répondre à la justice californienne sur les conditions de travail des petites mains.
L'éditeur des mastodontes Call of Duty ou StarCraft se retrouve une nouvelle fois sous le feu des projecteurs, et le résultat n'est encore pas glorieux : alors que les enquêtes sur les conditions de travail se multiplient dans les plus gros studios de l'industrie, le département de l'emploi équitable et du logement de Californie poursuit aujourd'hui l'entreprise devant les tribunaux.
C'est dur la culture
Comme avec un certain groupe français l'été dernier, c'est ici la culture d'entreprise qui est pointée du doigt, Activision Blizzard étant accusé de favoriser une politique sexiste qui laisse perdurer harcèlement et inégalités de revenus.
Après deux années d'enquête, l'affaire est désormais portée devant la cour supérieure de Los Angeles, qui va interroger les cadres sur leur absence de mesures pour mettre fin à des pratiques qui persistent en interne.
Le document de la plainte disponible ici-même commence pour souligner l'absence de femmes aux postes stratégiques de l'entreprise, leur part ne dépassant pas 20% :
Les femmes constituent désormais la moitié des joueurs aux États-Unis, mais l'industrie du jeu vidéo continue de satisfaire un public masculin. La croissance à deux chiffres, les profits de l'ordre du milliard et les récentes campagnes de communication n'ont rien changé chez Activision Blizzard.
Les femmes qui accèdent à des postes de direction touchent un salaire moindre et sont moins incitées à toucher des bonus que leurs collègues masculins. Dans les autres postes, les femmes touchent également moins, et sont moins promues.
Les plaignants dénoncent une culture de "fraternité" héritée des associations étudiantes des grandes universités américaines, qui rappellent le terme "boy's club" déjà employé pour dénoncer des pratiques chez le français Ubisoft en 2020 :
Les employées sont soumises à un harcèlement constant, et doivent continuellement repousser les commentaires et avances sexuelles de leurs collègues et directeurs masculins. Dans un cas tragique, une employée s'est suicidée durant un voyage d'affaires avec l'un de ses superviseurs qui avait apporté avec lui des plugs anaux et du lubrifiant.
Les ressources antonymiques
La plainte atteste que rien n'a été entrepris en interne malgré les nombreux cas rapportés auprès des personnes concernées :
Les employées ont été découragées dans leur démarche, car le service des ressources humaines était réputé pour être proche des harceleurs. Une enquête menée en interne montre l'absence de confiance et leur peu d'estime portée aux ressources humaines. Sans surprise, l'une des plaintes a été traitée de façon superficielle et dédaigneuse, et n'est pas restée confidentielle.
Suite à ces nombreux griefs, le département californien de l'emploi équitable et du logement de Californie demande donc à la justice californienne d'obliger Activision Blizzard à prendre des mesures fermes pour mettre fin à ces conditions de travail. L'éditeur s'en défend, comme le rapporte Bloomberg :
Nous valorisons la diversité et nous nous efforçons de favoriser un lieu de travail inclusif pour tous. Il n'y a pas de place dans notre entreprise ou notre industrie pour des comportements sexuels déplacés ou un harcèlement de quelque nature que ce soit. Nous prenons chaque allégation au sérieux et enquêtons sur toutes les plaintes. Dans les cas liés à un comportement sexuel inapproprié, des mesures ont été prises pour régler le problème.