Que s'est-il passé depuis la première annonce d'Until Dawn en tant que jeu PS3, il y a maintenant deux ans ?

Will Byles : A la base on faisait donc ce jeu sur PS3 pour le PS Move exclusivement, tout était à la première personne et on utilisait une lampe-torche. Tout était plus ou moins basé là-dessus et on ne pouvait bouger le personnage que dans une direction imposée, via la gâchette du Move... Bref, on a donc annoncé le jeu sous cette forme il y a deux ans à la Gamescom, et on a eu un énorme retour de la communauté, plus qu'on imaginait d'ailleurs, et en fait les gens nous ont demandé de faire une version sans PS Move ! A l'époque, Michael Denny et Shuhei Yoshida sont donc venus à nous, et la PS4 arrivant à grands pas, on s'est dit que soit on continuait dans cette voie pour sortir cette version du jeu sur PS3, soit on profitait du fait de recommencer le jeu pour passer sur PS4, ce que nous avons fait.

Du coup, étant donné qu'on passait du PS Move à la manette traditionnelle, il nous a paru logique de passer d'une vue à la première personne à une vue à la troisième personne. En réalité, ce changement de perspective était bon aussi pour l'immersion, ça ressemblait moins à un jeu vidéo et ça fonctionnait mieux.

Tout cela mis l'un dans l'autre, refaire le jeu pour la PS4 était vraiment la meilleure décision qu'on pouvait prendre : on a drastiquement augmenté la qualité visuelle, on a tout réécrit pour en faire une histoire à embranchements, on a refait toutes les séquences filmées, tous les dialogues... on a vraiment tout refait !

Et pourquoi avez-vous décidé d'en faire une histoire avec de multiples embranchements ?

L'idée de faire des embranchements était là au début, pour le premier projet, mais pas aussi poussée. Le fait d'être passé à la vue troisième personne, plus cinématique, a été quelque chose de très positif à exploiter et nous a emmené dans cette voie...

Attendez, passer à la troisième personne vous a amené à faire une histoire à embranchements ?

Oui ! Car tout ce qu'on faisait dans le jeu ressemblait désormais beaucoup plus à un vrai film d'horreur, et on ne voulait pas que nos personnages puissent "respawner" après avoir été tués, comme dans un jeu classique. Ça ne le faisait pas, ça ne voulait plus rien dire. On voulait que chaque mort soit définitive et change l'histoire.

Ca fait évidemment beaucoup penser à Heavy Rain. D'ailleurs à l'époque on parlait du nombre faramineux de pages de scripts que représentait une telle histoire à embranchements...

Nous, on approche des 1.000 pages de script environ. Ca a vraiment été un travail d'écriture massif, énorme. Mais il le fallait, pour que chaque choix dans une conversation change des choses. Tout a été écrit et tout a été filmé pour que toutes ces versions du jeu soient prises en compte. Et il n'y a pas que des choix dans les dialogues : il y a des petits embranchements, mais aussi des gros, qui changent tout.

Vous dites avoir tout "filmé" aussi, le jeu est intégralement en performance capture ?

Oui, on a utilisé un système qui je crois n'a pas encore été utilisé dans un jeu, grâce auquel nous avons capturé les véritables mouvements du visage des acteurs. Quand un acteur jouait une expressions de surprise, c'est exactement son expression qui était répliquée dans le jeu, il n'y a pas eu de calcul, de reproduction des os ou ce genre de choses. Le résultat est vraiment génial.

Et donc tous ces personnages peuvent mourir ou survivre, il y a une fin avec tout le monde qui y passe et une fin avec absolument aucune victime ?

Oui, tout à fait ! Il y a plusieurs centaines de variations différentes pour la fin, qui dépendent de qui meurt et qui survit, mais aussi des décisions que vous aurez prises et des choses que vous aurez faites.


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Est-ce plus compliqué qu'on imagine de reproduire dans un jeu des techniques de film d'horreur ? On fait peur plus difficilement ?

C'est un point très intéressant, en fait il y a pas mal de choses qu'on fait pareil, surtout quand on utilise les caméras lors des cinématiques, mais en réalité on ne peut pas toujours placer le joueur où on le souhaite, on ne peut pas le "forcer" à faire ce qu'on voudrait qu'il fasse à un moment donné. Il y a donc pas mal de trucs de réalisateurs de cinéma que nous avons essayé d'utiliser, mais nous avons dû créer des tonnes de versions alternatives de la même séquence.

Dans une séquence que vous avez vu par exemple, le personnage ouvre une porte, avance, et un fantôme apparaît... Eh bien en fait, le joueur aurait pu faire demi-tour après avoir simplement ouvert la porte, et ne pas entrer dans la pièce... Il faut prévoir tout ce que peut faire le joueur et créer des versions alternatives d'une même séquence de peur.

Vous pensez qu'on a plus peur du fait de jouer et de contrôler le personnage ?

Oui complètement. On peut jouer d'autant plus avec le sentiment de peur. Vous savez, on a voulu jouer sur trois tableaux : la terreur, l'horreur et le dégoût. La terreur, c'est de ne pas savoir ce qui va se passer au bout d'un couloir...

Surtout que la plupart du temps il ne se passe rien, mais on ne peut s'empêcher d'y penser...

Exactement. Ce qui est important aussi, c'est qu'on ne peut pas être dans un état de terreur trop longtemps. Il arrive un moment où on sature et où finalement on n'a plus peur. Il y a d'ailleurs une technique que les psys utilisent pour les phobies, qu'on appelle la thérapie par saturation. Si par exemple vous avez peur des araignées, on vous met dans une pièce avec une boîte dans laquelle se trouve une araignée. Il ne faut pas la toucher ni rien, mais rester dans la même pièce. Ensuite éventuellement on peut ouvrir la boîte... On peut vous enlever une arachnophobie comme ça. Bref, au studio nous avons une "machine de la terreur", qui mesure la conductivité électrique de la peau. On a fait jouer les gens avec ça, et on les a filmés aussi, tout cela pour bien régler notre jeu.

Il doit y avoir des réactions drôles, vous devriez garder ça pour le making-of du jeu !

Ha oui, c'est une bonne idée !


Nous vous donnons prochainement RDV sur Gameblog
pour l'interview des scénaristes d'Until Dawn.