Les joueurs européens doivent parfois patienter plusieurs années pour voir débarquer certains de vos jeux : est-ce difficile d'attirer à nouveau leur attention après une longue attente ?

En réalité, oui ! Mais il faut garder à l'esprit que le japonais est une langue très difficile à maîtriser, et je sais de quoi je parle. Mais j'ai comme l'impression qu'un joueur français qui se retrouve face à un jeu traduit uniquement en anglais se dira "Bon, je ne comprends pas trop la langue, mais je vais quand même essayer", mais ça ne sera pas forcément le cas avec un jeu en japonais. Alors il y a des cas dans lesquels il est difficile de faire revenir l'intérêt autour d'un jeu, car certains médias spécialisés auront publié leur critique dès la sortie japonaise. Il nous faut donc faire reparler du jeu, redonner l'envie, mais si le jeu est bon, les joueurs répondront présent.

Pour certains licences, la hype est tellement élevée que nous n'avons pas forcément besoin, c'est quelque chose qu'il nous faut examiner au cas par cas. Il faut dire que l'industrie est devenue un peu folle, des jeux sont annoncés toutes les semaines, et sortent tous les jours. Le défi est surtout de se battre face aux toutes dernières nouveautés, qui occupent forcément plus l'espace.

Takuro Yamashita s'est récemment exprimé sur la spécificité des blagues et des coutumes japonaises, qui pouvaient ne pas passer auprès de certains joueurs un peu susceptibles. Est-ce réellement possible de considérer toutes les particularités culturelles d'un territoire comme l'Europe ?

C'est une très bonne question ! D'un strict point de vue financier, il n'est pas nécessaire de rentrer à ce point dans les détails, d'autant que nous sortons encore pas mal de nos jeux uniquement en anglais. Et je pense que les joueurs sont dans ce cas conscients que certaines bizarreries découlent de la langue. En revanche, pour la version française, nous nous basons directement sur la version japonaise, ce genre de choses disparaîtra au moment de la traduction.

La vigilance revient-elle dans ce cas à vos différents traducteurs ?

Nous sommes obligés de nous reposer sur eux, car nous n'avons pas forcément les moyens de tout vérifier ! Il est donc très important pour nous de bien choisir les partenaires avec lesquels nous décidons de travailler. J'essaye toujours d'obtenir des retours lorsque je suis de passage à Paris, et jusqu'à maintenant, nous n'avons jamais eu de problème avec nos traductions. Ce qui ne veut évidemment pas dire qu'il faut cesser d'être vigilants !

Vous éditez et distribuez également des jeux pour le compte d'autres studios, n'est-ce pas un exercice un peu plus fastidieux ?

Je ne qualifierai pas la démarche de fastidieuse, mais il nous faut évidemment échanger bien plus souvent que lorsque nous travaillons sur un de nos titres. Mais tout cela me paraît nécessaire, d'autant plus que nous choisissons nous-mêmes les titres sur lesquels nous souhaitons travailler. A titre personnel, je suis ravi de pouvoir enfin proposer Landgrisser, c'est un jeu que j'adore, et je me souviens m'être jeté sur tout ce qui s'y rapportait étant plus jeune. Au Japon, les artworks de Satoshi Urushihara étaient un bonus de pré-commande, mais nous voulions l'inclure en Occident : c'est quelque chose qu'il a fallu expliquer à nos partenaires japonais. Ils nous ont donné leur accord, mais il fallait leur faire comprendre pourquoi c'était important.

Allez-vous également démarcher des studios qui n'envisageaient pas forcément une sortie mondiale ?

Tout à fait ! Pour certains jeux, l'éditeur japonais n'avait aucune intention de procéder à une localisation, mais parfois, ils sont tellement bons qu'il nous faut agir. Nous avons également des contacts au Japon qui sollicitent notre avis sur ce qu'ils estiment intéressant. Cela crée assurément de la confiance, surtout lorsque nous démarchons des studios avec lesquels nous n'avons encore jamais travaillés. Cela les rassure de savoir que nous avons de l'expérience, et neuf fois sur dix, ils veulent sincèrement toucher un nouveau public, mais ils sont essentiellement préoccupés par la communication et la présentation que nous allons faire de leur bébé. Nous présentons alors notre catalogue, et tout va pour le mieux !

Un dernier mot à destination du public français ?

Merci de suivre nos sorties. Je sais que vous aimeriez que tous les jeux soient traduits en français, et tout le monde chez NIS America pense la même chose. Ce n'est pas toujours possible, malheureusement, mais nous allons continuer de faire le maximum, alors faites-nous part de vos retours, nous sommes présents à la Japan Expo, alors passez nous voir ! Nous avons souvent des invités venus du Japon à nos côtés, et c'est l'une des rares conventions à laquelle nous nous rendons, ce qui atteste de l'amour que nous vous portons.