Vidéos, beta, présentations presse, communiqués... et annulation. Drôle de destin pour Kartuga, mais un an après, voici quelques réponses d'Eike Klindworth, cofondateur d'Innogames, sur le pourquoi du comment.

Pour aller droit au but, quelle a été la raison de l'annulation de Kartuga ?

Eike Klindworth : La première explication facile, ça a été le nombre insuffisant d'enregistrements à la beta. "Facile", parce que c'est la résultat de problèmes qu'il faut analyser et approfondir : pourquoi avons nous eu ce genre de chiffre ? On peut donc trouver plusieurs explications plus précises.

Tout d'abord, nous n'avions pas assez d'expérience dans ce genre de jeu. Kartuga était une sorte de MOBA, comme un League of Legends ou un World of Tanks, et pour nous c'était nouveau. Je pense que nous avons fait trop d'erreurs. C'était totalement différent des jeux que nous faisions avant et nous n'avons pas su le faire fonctionner. Nous n'avions pas un bon matchmaking par exemple, ce qui rendait le jeu beaucoup moins fun.

Autre erreur : avoir choisi Unity. C'est un bon moteur pour les mobiles et le PC, mais en navigateur, il faut télécharger le plugin, et nous avons perdu de nombreux joueurs potentiels à cette étape ; jusqu'à 50%, ce qui oblige à faire des campagnes marketing plus importantes pour attirer un gros nombre de gens vers le jeu et obtenir une communauté valable.

Si on y repense, le développement de Kartuga n'avait pas d'objectifs super clairs. Nous avons tenté d'éclaircir ce que doit être le jeu en cours de développement, mais sans faire table rase de ce développement un peu bancal, c'est pourquoi un certain nombre de petites choses ne fonctionnait pas bien.

Tout les jeux ne réussissent pas, et il faut analyser ces échecs. Mais je dois dire que l'équipe a vraiment bien bossé à ce jeu. Certaines décisions stratégiques n'ont pas marché, mais les développeurs se sont donnés à fond. Je pense que c'est important de le dire pour eux, et pour les lecteurs. Tout le monde est triste du résultat final, mais ça fait partie de cette industrie. Il faut apprendre de ses échecs, analyser les causes. On a beaucoup appris de Katurga, en ayant au moins essayé.

Quand on arrive au point critique, qui prend la décision d'arrêter le développement ?

Bien sûr au début, avec le résultat de ces analyses, on se réunit avec le chef de produit et le management, et on discute de ce qu'on peut faire pour améliorer la situation. Peut être il y a des évidences que l'on a oublié ? Peut être est-ce possible de les réparer ? Il y a des exemples dans cette industrie de titre n'ayant pas eu du succès tout de suite. Nous avons discuté plusieurs scénarios, mais au final, c'était trop dur de relancer le développement pour encore une demi année sans être certains. A ce moment là, nous ne n'avions plus foi en ce projet, comparé à la compétition.

Vous essayeriez encore ce genre de jeu ?

Le PvP et le multijoueurs sont toujours très important pour nous. Mais nous ne pouvons pas rentrer en compétition avec des titres comme League of Legends ou World of Tanks, qui possèdent d'énormes équipes dédiées à un projet. Bien entendu, nous essayons tout de même d'innover, on le montre avec Rising Generals qui apportera de bonnes choses aux joueurs. Mais nous ne prévoyons plus de faire un MOBA. Nous avons pleins d'autres idées. Nous allons tenter de nouvelles choses, en garder de plus classiques, et qui sait, nous allons peut être encore rater des trucs, mais avec la réussite à la clé.

Financièrement, l'arrêt de Kartuga a été un gros coup pour Innogames ou ça rentre dans les risques prévus ?

Financièrement, ça n'a pas été agréable, vous vous en doutez. Je ne peux pas donner de chiffre exact, mais en ce qui concerne notre compagnie, nous restons dans le positif, car nous avons d'autres titres très joués. L'échec de Katurga est un coup dur, mais personne ici n'a à craindre de perdre son travail à cause de cela.

Et globalement, quelle est votre position dans un marché aggressif (Frogster mangé par Gameforge, Aeria Games racheté par ProSiebenSat1...) ?

Nous sommes toujours dans le vert, il n'y a donc aucun danger de ce côté. Surtout, nous sommes fiers de ce que nous faisons, donc il n'y a pas de raisons de vouloir fusionner avec quiconque, surtout vu le rapport entre les avantages et les désavantages. Nous voulons faire de grands jeux, et nous avons tout ce qu'il faut à Innogames pour les faire nous-même.


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Et vous êtes arrivé à ce niveau en débutant à trois sur un jeu qui a grandi par le bouche à oreille. Vous pensez que sur le marché actuel, ce genre de success story est encore possible ?

Je pense que c'est toujours possible. Pas exactement de la même manière que nous : l'innovation doit être présente. Mais si on regarde les dix dernières années, quand on a monté notre compagnie, nous avons eu la chance de grandir parce que notre jeu n'était pas un AAA en concurrence avec les acteurs majeurs du marché.

Je suis sûr que cela peut de nouveau arriver. Récemment, de nombreuses compagnies ont été fondées et sont déjà rentables dans le domaine du mobile. Sur Facebook, aussi, il y a des étoiles montantes. Si quelqu'un essaye quelque chose de nouveau, même s'il se vautre trois fois de suite, il faut tenir le coup. Les nouvelles grandes tendances sont difficiles à repérer, donc il y a de la place pour les gens innovants, ce qui est bon pour le marché. On a d'ailleurs mis en place l'InnoHub pour cela : tout le premier étage de nos nouveaux bureaux est dédié à une pépinière de nouveaux talents.