Depuis la sortie de Yakuza 0, les fans occidentaux des Yakuza et leurs spin-offs vivent une sorte d’âge d’or. Avec au moins un nouveau jeu par an, ils peuvent régulièrement avoir leur dose d’aventure en immersion totale au Japon. Mais à en croire le réalisateur de Lost Judgment, accessoirement un éminent membre du Ryo Ga Gotoku Studio, les choses pourraient changer dans un avenir proche.
SEGA nous a convié il y a quelques jours à une table ronde à laquelle participait Kazuki Hosokawa. Si ce nom ne dit pas nécessairement grand chose aux joueurs, il s'agit pourtant d'un développeur à qui les fans de Yakuza doivent beaucoup. En plus de réaliser Lost Judgment, il était également à la tête de Yakuza Dead Souls, Yakuza 5 et Yakuza 0.
Cette rencontre via webcam avait évidemment pour but de faire la promotion de Lost Judgment. Mais elle a également permis d'avoir une idée de la manière que le prolifique Ryu Ga Gotoku Studio a d'envisager l'avenir. Le nombre de questions que nous pouvions poser était limité en raison du format de l'entretien. Mais les réponses de Kazuki Hosokawa n'en étaient pas moins intéressantes. Vous trouverez ci-dessous notre échange avec le réalisateur. Sous ce dernier d'autres éléments intéressants issus de ses réponses à nos confrères anglais et italien.
Interview de Kazuki Hosokawa par Gameblog
Gameblog : Sortir Lost Judgment simultanément dans le monde entier était-il votre plan depuis le début ?
Kazuki Hosokawa : Durant la première partie du développement, nous n’avions pas vraiment envisagé de sortie mondiale simultanée. C’est quelque chose qui nous est venu plus tard alors que nous discutions avec les différentes équipes en Asie, dans les territoires occidentaux et au Japon. Nous nous sommes dits qu’une sortie mondiale serait peut-être la bonne marche à suivre pour ce titre. Une des raisons pour lesquelles une sortie mondiale était si difficile à réaliser pour nous auparavant aussi bien pour le premier Judgment que pour la série des Yakuza était la taille des scripts. Il y a beaucoup de texte. Nous voulions toujours que le script japonais soit carré, complet et finalisé avant de l’envoyer à la localisation. Nous ne souhaitions pas qu’il y ait de perte de temps ou d’énergie gaspillée du côté de l’équipe de localisation.
Pour Lost Judgment, sur le papier, le plan était d’abord de finir la version japonaise afin qu’elle soit totalement prête pour la localisation. Et cela aurait la meilleure manière de procéder pour réaliser une sortie mondiale. Mais la difficulté a résidé dans le fait que nous n’avons finalement pas fait comme ça.
Entre communication et réalité
Gameblog : À quelles difficultés imprévues avez-vous dû faire face lorsque vous avez décidé de proposer une sortie mondiale pour Lost Judgment ?
Kazuki Hosokawa : Vers la fin du développement, il y a eu des moments où nous devions travailler simultanément sur le développement de la version japonaise et sur celui des versions occidentales. Les choses sont donc devenues difficiles vers la fin quand tout ne se passait pas comme le prévoyait notre plan.
Quand le développement de la version japonaise a pris du retard, cela a causé du tort au planning de localisation de l’ensemble des autres langues. Si le studio japonais s’occupait de la localisation des versions asiatiques, la localisation EFIGS était réalisée par le studio SOS. Il y avait donc des différences de fuseaux horaires entre les différents studios travaillant sur le jeu. Coordonner tout ça a donc été difficile. Cette première sortie mondiale simultanée fait qu’il y a eu plein de choses inattendues et de nouvelles difficultés auxquelles nous n’avions jamais été confrontées. Nous avons travaillé tous ensemble très dur afin que la chose se concrétise.
Pour vous donner un petit coup d’œil dans les coulisses, lorsque nous avons fait l’événement Lost Judgment en mai dernier (le Judgment Day, ndlr), nous disions à tout le monde que nous étions très excités à l’idée de proposer cette sortie mondiale. Mais dans les coulisses nous étions au beau milieu d’une période chaotique. Nous essayions de coordonner les choses et de faire au plus vite pour être prêts. Publiquement, nous disions certaines choses et essayions de faire croire que tout se passait bien, alors que dans les coulisses ça se bousculait pas mal.
Une star AAA
Le fait que Takuya Kimura soit le premier rôle des jeux de la série Judgment fait-il peser une pression supplémentaire sur les épaules de l’équipe ? Fait-il des retours à l’équipe ?
Kazuki Hosokawa : La présence de Takuya Kimura dans le rôle principal ajoute clairement de la pression pour l’équipe de développement. Mais c’est un bon type de pression qui maintient tout le monde en alerte. Takuya Kimura est vraiment une superstar au Japon, il n’existe pas vraiment quelqu’un d’autre à son niveau. Par conséquent, nous autres membres de l’équipe voulions vraiment nous assurer d’étudier avec grande attention le moindre détail comme ses mouvements ou les choses qu’il dit de manière à le représenter de la bonne manière dans le jeu.
Pour ce qui est des retours de sa part, nous en recueillons clairement. Cela fait longtemps que nous travaillons avec lui au studio. Il a passé de longs moments à discuter avec nous au studio et il nous dit des choses comme : "peut-être que Yagami s’exprimerait ainsi ou ferait les choses comme ça." Et si cela a du sens pour nous, alors nous intégrons ses remarques dans le produit fini.
Le changement, c'est maintenant ?
Maintenant que vous proposez des titres traduits dans différentes langues européennes et que vous parvenez à faire des sorties mondiales, quelle est la prochaine étape pour les jeux du Ryu Ga Gotoku Studio ?
Kazuki Hosokawa : Il s’agit ici de notre première sortie mondiale simultanée. Avant de déterminer la prochaine étape, nous devons d’abord tirer les leçons de cette dernière : ce qui s’est bien passé, ce qui n’a pas fonctionné, etc. Nous devons passer tout cela en revue et créer un processus de travail qui fonctionne pour tous les jeux à venir que nous sortirons de cette manière. Ensuite, pour continuer de divertir les fans à travers le monde, nous devons continuer de faire évoluer nos jeux. Il y a différents éléments que nous pensons pouvoir changer à l’avenir.
Jusqu’à présent, nous nous sommes vraiment concentrés sur le marché japonais en mettant en scène un protagoniste japonais dans tous ces jeux. Peut-être pourrions-nous inclure un peu plus de diversité dans des productions à venir. Les jeux se sont également toujours déroulés dans des régions japonaises. Peut-être qu’une nouvelle zone géographique pourrait devenir le nouvel environnement de ces jeux. Les prochaines étapes peuvent également concerner le doublage. Il a toujours été question du japonais et du doublage en japonais d’abord. Peut-être pourrions-nous intégrer de la diversité à ces niveaux également. Voilà le genre de choses auxquelles nous pensons pour nos prochaines étapes.
Une mécanique bien huilée
Mis à part le fait de réutiliser certains assets d’un jeu à l’autre, comme les décors par exemple, comment le Ryu Ga Gotoku Studio fait-il pour continuer de parvenir à sortir un jeu tous les ans ?
Kazuki Hosokawa : La raison pour laquelle nous sommes parvenus à maintenir ce rythme, c’est parce que les équipes des Judgment et Yakuza partagent leurs membres. Cela fait tant d’années que nous travaillons sur ces jeux que l’équipe est désormais pleine de spécialistes. Ils savent exactement ce qu’ils sont capables de faire pendant une durée déterminée. Nous sommes une équipe très soudée dont les membres travaillent très bien ensemble. Le travail d’équipe a été un élément clé qui nous a permis de maintenir ce rythme d’un jeu par an.
Cela dit, cela fait longtemps que nous travaillons avec ces limitations en matière de temps ou de ressources. Afin de faire croître davantage cette série et nos jeux à venir, nous nous sommes demandés en interne s’il ne serait pas temps de repenser des choses comme le style de développement ou le rythme des sortes. Il est temps d’évoluer en tant qu’équipe et il s’agit clairement de quelque chose dont le Ryu Ga Gotoku Studio a discuté pour nos sorties à venir.
Envies d'autre chose
Comme indiqué plus haut, cette des médias italien et anglais participaient également à cette table ronde. Voici pour terminer quelques éléments notables issus des réponses données par Kazuki Hosokawa. Ce dernier explique par exemple qu'avant Judgment, cela faisait "6-7 ans" qu'il souhaitait "développer une nouvelle licence différente des Yakuza."
Selon lui, de nombreuses idées n'ont pas reçu le feu vert. Et comme les joueurs ont pu le voir, la seule qui s'est concrétisée jusqu'à présent a été Judgment. Il est bien conscient que la structure des Judgment est la même que celle des Yakuza. Il est cependant ravi d'avoir pu créer quelque chose à part qui s'est de plus transformé en série.
À écouter le réalisateur, il apparaît que l'Occident est désormais au cœur des préoccupations du Ryu Ga Gotoku Studio. Lorsqu’ils traitent des sujets sensibles, ils s’intéressent désormais aux points de vue globaux et non plus uniquement aux avis japonais. À l’origine de la série des Yakuza était l’envie d'intéresser et de plaire aux seuls joueurs japonais. Et plus particulièrement aux hommes japonais.
Les choses ont bien changé depuis. Et face au succès de Judgment en Occident, ils ont commencé à parler aux équipes occidentales dès le début du développement de sa suite. Cette communication avait pour but de déterminer ce dont ils devaient tenir compte dans Lost Judgment.
Yakuza vs COVID
À l'instar de nombreuses autres structures, le Ryu Ga Gotoku Studio a été perturbé par la pandémie de COVID-19. Kazuki Hosokawa explique que la communication dans l'équipe est essentielle durant le premier et le dernier tiers du développement. Pendant le premier tiers, la situation n'était pas encore trop grave au Japon. Le studio fonctionnait donc relativement normalement.
Selon lui, les choses se sont dégradées début 2021. Il affirme que leurs méthodes de communication habituelles sont alors devenues inaccessibles en raison du télétravail. Pour compenser, les développeurs passaient par la visioconférence. Et pour le réalisateur, cela a pu provoquer des malentendus ainsi que des manquements en termes de communication. Par conséquent, les développeurs ont été ralentis et la situation a pu provoquer un certain stress chez certains.
Kazuki Hosokawa n'est clairement pas fan des visioconférences. Selon lui, ce n’est pas l'idéal pour favoriser le type d’échanges organiques qu’il y a habituellement dans un studio. La gestion de la communication a distance est de toute évidence un sujet important pour lui. Il affirme que c'est quelque chose qu'ils vont devoir améliorer si la situation actuelle perdure.
RGGS semblent donc vouées à changer dans les années à venir. À bien des niveaux. Reste à espérer que, si changements profonds il y a, ils ne dénatureront pas les expériences. Lost Judgment sortira le 23 septembre prochain sur PS5, Xbox Series X|S, PS4 et Xbox One.
Que vous inspirent ces déclarations de Kazuki Hosokawa ? Êtes-vous confiants quant à l'avenir des jeux du Ryu Ga Gotoku Studio ? Seriez-vous intéressés par un Yakuza se déroulant hors du Japon ? Si oui, où voudriez-vous qu'il se déroule ? À l'inverse, préféreriez-vous que les Yakuza restent des expériences faisant voyager virtuellement au Japon ? Dites-nous tout dans les commentaires ci-dessous.