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Lara a l'habitude de voyager et de nous faire faire le tour du monde. L'idée d'une seule localité, une île, était-elle indispensable pour l'éclosion du personnage, sa construction ?
L'idée principale du jeu est la survie en étant prisonnier d'un endroit. A partir du moment où tu en sors, tu reprends le contrôle. La survie va de pair avec la peur. Je suis isolé, seul, j'ai faim, froid, soif, je n'ai pas d'abris. Les besoins primaires ne sont pas comblés. Pour cela il était nécessaire d'avoir un seul lieu. Les éléments hostiles, les obstacles vont la transformer. Avoir une seule île était important mais lui donner une identité, du caractère comme si c'était un personnage à part entière. Ce qu'on ne voulait pas, c'était faire des compromis sur la variété d'environnements. Cette île est extrêmement riche : pluie, neige, forêt, de l'architecture japonaise ancienne, des bases de la seconde guerre mondiale...
En quoi briser Lara physiquement et psychologiquement, la faire apparaître jeune, humaine - et pas invincible et froide comme dans les épisodes précédents - apparaissait important pour vous ? Est-ce pour lui donner une épaisseur qu'elle n'a jamais eue, à la façon d'un James Bond transformé depuis que Daniel Craig l'interprète ?
Le parallèle est excellent. Ce qu'on voulait faire... je vais dépasser un peu le cadre de Tomb Raider. Je pense que l'industrie du jeu vidéo est en pleine transition, nous sommes en train de trouver notre propre identité. Il y a des productions bien plus matures en termes d'interaction, d'émotion, de narration comme Heavy Rain ou The Walking Dead. Nous cherchons un compromis entre l'émotion et l'action. Pour nous, il était important de représenter Lara dans des situations de désespoir, de solitude, pour la synchronisation entre le joueur et la protagoniste. On aimerait qu'après avoir terminé l'aventure, le joueur pose la manette et continue de réfléchir à cette évolution du personnage. Nous avons déployé beaucoup d'efforts sur l'expérience émotionnelle. Lorsqu'elle tue quelqu'un pour la première fois, nous avons voulu que cela soit viscéral. Même lorsqu'elle s'empare de l'arc, c'est très personnel, très intime. Il fallait ça pour permettre à la franchise d'évoluer.
Durant notre séquence de jeu, nous avons pu constater que Lara passait d'isolée, seule et sans ressources à quelqu'un qui se rapproche du personnage des précédents Tomb Raider. Lara va-t-elle redevenir invincible, sûre d'elle ?
Lorsqu'elle tue pour la première fois, elle garde le pistolet à la main. Elle se sent en sécurité mais il n'y a pas de balles dans le chargeur. Elle doit progresser, elle le dit "I need to keep moving" ("je dois continuer d'avancer") parce qu'elle est traquée. Elle doit sortir de la zone de conflit. En progressant, elle est acculée et doit se défendre. Elle trouve un chargeur mais reste hésitante. Malgré sa blessure à l'épaule, le fait qu'on lui tire dessus, placée derrière son muret, elle se demande encore ce qu'elle doit faire. Les ennemis sont d'ailleurs très proches, pour créer cette notion d'oppression. Plus on avance, plus on a l'impression que les ennemis s'éloignent, pour qu'elle oublie l'idée qu'elle est au pied du mur. Elle commence à se défendre, en pleine possession de ses moyens. Un des avantages de revenir aux origines, c'est qu'elle va afficher ses défauts, ses faiblesses. Aujourd'hui, même la personne la plus puissante au monde va avoir ses faiblesses. Tout être humain a des qualités et des défauts. Avant, elle n'avait aucun défaut. C'était difficile de faire évoluer le récit. En la ramenant au départ, on peut prendre toutes sortes de directions. Aux trois-quarts du jeu, lorsqu'on arrive à un point de non-retour, elle prend les choses en mains, elle est équipée. Mais malgré ça, on revisitera des faiblesses, des doutes.