"Dis-moi Gautoz ? T'es libre le 25 Janvier ? C'est pour six heures de hands-on sur le nouveau SimCity". Si je ne devais reconnaître qu'une qualité et une seule à ce cher RaHaN, ce serait probablement celle de savoir me parler. Alors que je feuillette un agenda sinistrement vide en simulant un emploi du temps de ministre, le vil ex-chevelu ajoute "C'est à l'Hotel Intercontinental des Champs-Elysées, en présence de Kip Katsarelis, le lead-producer du jeu". Oh bordel. Mon premier grand bol de Doritos rien qu'à moi ? Avec des pépites de collusion dedans et un faisceau de présomption aux amandes ? "Allo, RaHaN ? Mouaaaaaais, je devrais pouvoir me libérer..."
A peine arrivé sur place, on me dirige vers un sous-sol où trône - à mon grand dam - non pas un parterre de prostituées de luxe enduites de caviar Beluga sur une face et de substances psychotropes sur l'autre, mais une dizaine de bécanes prêtes à nous laisser tripatouiller le nouveau SimCity pendant six heures. Je me sens un peu insulté, je n'étais vraiment pas venu pour ça, mais passons. A priori, rien ne se fera sans un passage obligé par le didacticiel et un rappel des bases du city builder par le producteur du jeu, au cas où l'un des journalistes présents aurait choisi l'isolation en habitat troglodytique ces vingt dernières années. Bon, eh, Kip ? KIP ? T'as fini oui ? Je désire ardemment jouer à ton jeu, là. Merci.
C'est (presque) toujours les mêmes gestes
Bonne nouvelle au premier coup d'oeil : ce nouveau SimCity n'est pas un jeu de dragster avec des changements de vitesses en QTE. C'est toujours ce bon vieux SC, avec ses zones Résidentielles, Commerciales et Industrielles (la fameuse trinité RCI), son réseau routier à l'importance capitale et ses différents types d'infrastructures nécessaires au bonheur de vos petits Sims. Et un citoyen heureux, ça paie ses impôts, ça fait tourner l'économie en faisant les trois-huit et en consommant comme un petit goret le samedi. Je commence donc à l'ancienne : un large pâté de maisons en devenir, moitié moins de commerces installés non loin, une centrale éolienne, un château d'eau et une belle ligne d'usines polluantes à l'autre bout de la carte, histoire de faire savoir qu'on ne chôme pas, à Gautoz-sur-Loire (et on ne se moque pas, non plus). Première rupture d'importance avec la série : la densité des espaces RCI n'est plus décidée au moment du zoning - totalement gratuit dans ce nouvel opus - et dépend maintenant du type de route le long desquelles elles sont apposées. Il suffira au joueur d'upgrader les voies d'accès du coin pour voir les pavillons pleins aux as se changer en résidences à étages, par exemple. Contrepartie toute logique de la gratuité des zones : l'installation et l'amélioration des infrastructures routières coûte une jambe. Bon, n'oublions tout de même pas de raccorder tout cela à la bretelle d'autoroute qui relie ma ville au reste de la région. Et voilà les premiers camions de déménagement qui rappliquent. Diantre, c'est drôlement joli.
Inside Patrick Balkany
Alors que mon premier lotissement pousse tel un joli petit champignon, je réalise que je n'ai eu ni à tracer mon sempiternel grillage de canalisations en sous-sol, ni à m'inquiéter du réseau électrique. SimCity prend en effet le parti d'inclure ces deux éléments pas bien fun à gérer au réseau routier de la ville et je dois dire que je ne m'en porte pas plus mal. En revanche, chevreuil que je suis, j'ai fait installer un château d'eau sur une poche de nappe phréatique que mes eaux usées n'ont pas manqué de contaminer. Et là encore, Maxis a compris les douleurs passées des joueurs forcés de défigurer leurs beaux quartiers en y plantant une vilaine clinique juste pour qu'un maximum d'administrés profitent de l'aire d'effet du bâtiment. Aux clous, les aires d'effets. Tout est maintenant question de capacité du réseau de circulation à acheminer les ambulances, camions de pompiers et autobus dans les temps, ainsi que du nombre de véhicules dont dispose la structure. Nombreux sont donc les bâtiments à bénéficier d'upgrades leur permettant de mieux répondre à la demande de vos administrés : plus de salles de classe pour l'école primaire, des ambulances supplémentaires pour la clinique, une sirène qui divise le temps d'intervention des pompiers par deux, etc. Le système de "data layers" (couches de données) cher à Maxis revient ici sous sa forme la plus claire et la plus graphique, vous permettant de saisir d'un coup d'oeil l'impact d'une nouvelle installation sur la couverture d'un bâtiment ou tout simplement sur la satisfaction des Sims. Il faut les voir, tous ces abrutis, s'extasier par vagues de smileys vert pomme dès que j'installe le moindre espace à barbecue dans leur quartier. C'est ça, souriez mes agneaux, pendant que j'augmente vos impôts locaux.
Les Experts : Gautoz-sur-Loire
J'ai beau être une crevure sadique, je suis également un journaliste bobo de gauche, à ce qu'on dit. Aussi j'aimerais taxer les nantis et laisser ma classe prolétaire tranquille, au moyen des trois réglettes fiscales chères à SimCity 4. Bizarre, non seulement je ne dispose que d'un sélecteur de taux global mais l'interface de ce nouvel épisode ne s'est pas montrée retorse jusqu'ici. C'est même salement bien conçu, si je puis me permettre. Une petite main levée et ce bon Kip s'en vient m'expliquer que puisqu'on ne peut pas toujours avoir le beurre et l'argent du beurre, ce genre de bidouillage n'est accessible que si j'améliore ma mairie au moyen d'une aile dédiée au Département des Finances. Mais nombreuses sont les options d'amélioration et la mairie ne pourra pas toutes les accueillir. Tout dépendra de la manière dont chaque maire spécialisera sa cité, parmi les grands choix d'évolution disponibles. Mettons que je désire faire de Gautoz-sur-Loire un empire du jeu façon Vegas, qui reposerait sur l'afflux de touristes extérieurs et non sur l'imposition d'habitants friqués. Il sera plus judicieux pour moi de flanquer ma mairie d'un Département du Tourisme, qui ouvrira des possibilités accrues en termes d'accueil et de rayonnement sur le reste de la région. Mais je devrais pouvoir compter sur une couverture policière exemplaire, les établissements liés aux jeux ayant la fâcheuse tendance d'attirer toutes les petites frappes du coin. À chaque grande orientation ses avantages financiers, ses inconvénients logistiques et sociétaux mais aussi son impact visuel sur les environs : plantez une maison de jeu au beau milieu d'une zone commerciale et vous verrez pousser les hôtels à la place des supermarchés. Collez trois derricks et une raffinerie dans une zone industrielle et regardez-la se changer en enfer de métal et de fumée : à vous les hauts-fourneaux de ma belle Florange.
Les maires qu'on voit danser
On nous l'a pas mal rappelé : ce SimCity est l'épisode du multi, chaque ville étant comprise dans une province en ligne accessible à d'autres joueurs (avec des régions comptant de trois à seize villes). C'est dans ce contexte que la spécialisation forte des cités prend son sens le plus évident, tant l'interface rend les flux d'hommes et de marchandises faciles à mettre en place et à monitorer. Ca vaut aussi pour la pollution atmosphérique des voisins qu'on prendra en pleine ganache ou non, selon le sens du vent. Mon début de partie online (en compagnie de ce cher Kip, s'il vous plait) s'est par exemple vu chamboulé par le peu de demande commerciale de mes Sims, qui préféraient faire 20 minutes de route pour aller claquer leurs Simflouzes chez ce gros crâneur. Conscient du bénéficie qu'il faisait sur mon dos, mon équipier m'a alors proposé de me fournir la couverture de ses camions de pompiers et de m'acheter mon électricité si j'étais prêt à me lancer dans l'industrie lourde, fournissant ainsi à ses Sims les moins éduqués des jobs plus faciles d'accès. Tout cela est géré de manière asynchrone et permettra aux joueurs les plus monomaniaques de se concentrer sur le développement d'un type d'industrie ou de services en se reposant sur leurs voisins - moyennant devises, bien entendu - pour toutes les menues opérations, de l'interpellation d'un criminel au ramassage des poubelles, en passant par la scolarisation de la population. Et si j'avais pu jouer un poilou plus longtemps et pu faire main basse sur les réserves de pétrole en sous-sol de ma ville, mes débuts d'assisté auraient fini par payer. Enfin, chaque région dispose d'une zone dédiée à des projets d'envergure qui nécessiteront la collaboration de plusieurs villes pour être menés à bien (aéroport international, arcologie) qui représentent ce qui s'approcherait le plus d'un end game, selon Maxis.
SimCity Like +1 Ouais !
Si l'on n'a pas pu juger de son fonctionnement durant ces six heures, on sait que tous les échanges matériels entre villes seront monitorés par un Marché Global, qui fixera les prix d'achat et de vente selon l'offre et la demande mondiale. Dans cette même optique "sociale", tous les faits et gestes des maires du globe seront pris en compte par Maxis dans l'établissement de leaderboards des plus belles utopies, des pires taudis, des plus gros succès financiers, etc. (retrouvez moi dès le 9 mars en première place du classement "WTF IS WRONG WITH YOU MAN ?"). On aura également droit à des outils sociaux propres à chaque région, avec un mur à la Facebook, un chat in-game et quelques incursions des développeurs dans le destin de vos villes, ceux-ci prévoyant déjà de lancer des défis réguliers aux joueurs.
Sous les joliesses et le chouette tilt-shift de son nouveau moteur, une fois qu'on cesse enfin de faire joujou avec ses nouveaux outils de tracés routiers, ce nouveau SimCity enchante autant qu'il force le questionnement. On est clairement sur un héritier légitime, dégraissé de certaines idées superflues et obéissant à des systèmes beaucoup plus logiques et "vraie vie". Ses nombreux emprunts aux infographies lorsqu'ils s'agit d'afficher des données en quantité sont aussi plaisants à l'oeil que redoutablement utiles et pas du tout gadget. Mais comme on pouvait s'y attendre, le jeu semble forcer l'interconnexion avec les cités voisines, rien que par l'étroitesse honteuse de son unique taille de ville (confirmée par le producteur). On en vient rapidement à s'imaginer se réserver une petite région sur un serveur pour bricoler ses trois bourgades spécialisées dans son coin, histoire de ne pas péter un plomb les soirs de misanthropie. Ce qui n'empêchera pas les échanges entre vos villes de dépendre de prix fixés par le Marché Global, ne l'oublions pas. Reste la question obscure du modding promis par EA et une dernière constatation : en 6h de jeu, ni mes camarades ni moi n'avons eu à souffrir de vrais revers financiers à la SimCity habituels. Les Simflouz tombaient drus et certains ont même pu entamer de grands chantiers régionaux en 2h de multi. Espérons qu'on ait eu affaire à une version preview un peu tirée vers le bas pour éviter la pendaison d'un journaliste à l'aide de sa souris filaire. Espérons très fort...
N.B. : Si les screenshots qui accompagnent cette preview ont été réalisés par mes soins, ils ont également été validés par Maxis avant que je puisse les emporter, puisque le jeu est encore en développement. Rien de grave, mais c'est mieux quand on le dit.