L’existence de Metal Gear Solid 3 Remake était un secret de polichinelle et son officialisation, lors d’un PlayStation Showcase, n’a donc étonné personne. En revanche, beaucoup ont plus été surpris par la forme, nous compris, et n’ont pas fait tout de suite le rapprochement avec la saga d’Hideo Kojima. Durant les mois qui ont suivi ce teaser, Konami a affirmé vouloir faire de MGS Delta une expérience très fidèle à l’original, tout en remettant au goût du jour le jeu de 2004. Mais comme pour Silent Hill 2 Remake, les fans de la première heure n’ont pas fait preuve d’une confiance totale jusqu’à maintenant. À tort ou à raison ? 

Metal Gear Solid 3 Remake, une évidence pour son producteur

Il y a quelques jours, nous avons été convié à découvrir les prochains jeux de Konami, dont Metal Gear Solid Delta et Silent Hill 2 Remake, en présence de Noriaki Okamura. Un rescapé de l’ancienne équipe Kojima Productions qui a réalisé Zone of the Enders, et qui a aussi été crédité sur différents MGS ou encore Policenauts. Quand on le questionne sur la raison derrière le choix de cet épisode en particulier, le producteur ne dévie pas d'un iota de sa précédente explication. « Nous avons beaucoup discuté en interne, et sommes arrivés à la conclusion que Metal Gear Solid 3 serait le meilleur pour commencer car c'est le premier de la saga du point de vue de la chronologie. De plus, parmi les fans, c'est aussi le jeu qui est le plus aimé et qui a été le mieux accueilli ». Au-delà de la chronologie, ce choix est aussi justifié par le fait que le producteur adore MGS3. C'était donc pour lui une belle manière de faire découvrir la franchise à des nouveaux venus.

« Il y a aussi beaucoup de jeunes fans ou de jeunes joueurs qui ne connaissent pas du tout la licence Metal Gear. Ils n'ont peut-être jamais joué au jeu ou n'en ont même jamais entendu parler. Cela a été un véritable choc pour moi. J'aimerais que plus de gens s'intéressent à la série désormais. C’est le jeu idéal pour cela », a-t-il ajouté avant de crier son amour pour cet opus spécifiquement. « J’aime profondément Metal Gear Solid 3. C’est l’un de mes jeux préférés de tous les temps »

preview metal gear solid 3 remake ps5

Même si un remake semble être une voie plus sûre pour relancer cette saga cultissime, cela implique de se plier à un jeu d’équilibriste dangereux. Dans un premier temps, il ne faut pas braquer les fans de la première heure qui représentent la base la plus solide, et ainsi leur offrir une expérience qui soit conforme à leurs souvenirs. « En ce qui concerne le remake, je voulais qu'il soit le plus fidèle possible à l'original et qu'il y ait le moins de changements possibles. L'histoire, les doublages, le game design, je voulais que ce soit très proche de l'original ». On remarquera qu’il dit bien « très proche » et non « identique » dans la mesure où, visuellement, ce sont déjà deux jeux différents. 

Le Metal Gear Solid 3 de 2004, ou même ses versions HD / 4K de 2012 et de 2023, a une direction artistique très marquée avec des couleurs chaudes qui tirent vers le jaune. Tandis que le remake, lui, supprime totalement ce parti-pris pour un aspect plus froid, et il faut le dire, générique. On a davantage l’impression d’être devant une démo technique lambda Unreal Engine que devant un jeu qui bénéficie d’une vraie DA. Ça paraîtra plus clinquant, mais plus impersonnel.

Image de Big Boss dans MGS 3 Remake sur PS5

Pour éviter de se mettre complètement à dos les anciens joueurs avec Metal Gear Solid Delta, un filtre pour reproduire les couleurs d’origine sera disponible en option. Malheureusement, on n'en a pas eu la démonstration et d’après Noriaki Okamura, c’est un aspect qui est sujet à évolution. « Au niveau du filtre de couleur que vous avez mentionné, nous avons discuté de ce que nous devions faire à ce sujet. Ainsi, si nous changions les graphismes, alors nous devions aussi mettre à jour les couleurs pour qu'elles correspondent aux nouveaux graphismes. Sinon ça n’aurait pas été très bien ensemble. L’éclairage et les couleurs ont donc été adaptés, mais c’est quelque chose qui est encore en cours d’élaboration. Nous travaillons encore sur les bonnes couleurs et le bon éclairage à avoir, donc il se peut qu’il y ait encore des changements par rapport à la démo d’aujourd’hui »

Metal Gear Solid Delta propose donc une expérience à la carte pour la DA, avec le risque que cela ne soit pas adapté à toutes les situations puisqu’il ne s’agit là que d’une option. On est par conséquent très sceptique face à ces choix, et il est clair que la nouvelle direction artistique ne nous fait aucun effet. Le character design des personnages a aussi suscité des réactions négatives, notamment celui de The Boss. Si l’apparence de membres de l’unité Cobra (The Fear, The End…) semble assez en phase avec celle de l’originale, le mentor de Big Boss déçoit toujours pour ce que l’on a vu pour le moment. La preview s’est arrêtée après la cinématique du pont, donc autant dire que si vous supprimez les phases non jouées, ça ne représente pas grand-chose. Mais c’était suffisant pour constater que Metal Gear Solid Delta devrait bien être plus proche d’un remake 1:1 que d’une relecture plus ambitieuse. 

Une nouvelle direction

« L'histoire, les personnages, les voix, la jouabilité, la musique et d'autres aspects du jeu original ont été conservés dans ce remake, qui a évolué pour répondre aux besoins des plateformes actuelles. Chaque recoin du monde a été redessiné et chaque cinématique a été redynamisée », nous a confié Noriaki Okamura. Dans les faits, c’est vrai, et tant mieux ! Les doublages des personnages sont les mêmes, les archives historiques de la première heure de jeu sont là (ouf), les dialogues et le codec intacts, au même titre que les cinématiques ainsi que la possibilité d’interagir avec ces dernières en appuyant sur R1 ou encore la petite blague du début après le saut Halo avec un blondinet. Mais des choses ont tout de même été modifiées. 

metal gear solid delta impressions ps5

Après avoir gardé un bug visuel pendant plus d’une décennie, y compris dans Metal Gear Solid Master Collection Volume 1, la pluie qui tombe durant la cinématique où The Boss déclare « il pleut du sang » est enfin correcte. C’est peut-être exagéré en raison du changement de DA, mais au moins, on s’est débarrassé de cette pluie translucide incohérente. À voir lors d’une session plus longue avec davantage de contenu, mais pour le coup, on espère bien qu’il n’y ait aucune volonté de transformer des séquences à la mise en scène déjà millimétrée. À part, comme l'exemple cité, pour ajuster des erreurs du passé.

Metal Gear Solid Delta est fidèle sur beaucoup de points à MGS 3 Snake Eater, mais pour Okamura-san, le gameplay ne pouvait pas être équivalent à l’original. « Certaines choses devaient être modifiées, car les jeux d'action ont beaucoup évolué au cours des 20 dernières années. La technologie a beaucoup changé, et il fallait donc modifier en particulier les graphismes et les commandes. Si Metal Gear Solid 3 était présenté tel quel à la génération actuelle de joueurs, avec les commandes d'origine, ils n’y seraient pas habitués et trouveraient cela douteux ».

MGS3 Remake vue subjective

Cependant, les développeurs ne sont pas partis d’une page blanche pour ce remake. À la place, ils ont réutilisé des éléments introduits par MGS3 Subsistence et Snake Eater 3D. Et c’est d’ailleurs aussi sûrement pour cela que ce volet a été préféré pour faire l’objet d’un remake en premier. Le plus gros changement pour celles et ceux qui ne seraient pas au courant depuis le temps, c’est l’abandon de la vue du dessus pour une caméra à la troisième personne. Un angle qui permet d’avoir une vision plus étendue des environnements et des menaces éventuelles, alors que la première version de Snake Eater n’était pas pensée pour ce type de caméra. Metal Gear Solid Delta conserve cela, comme une option, mais intègre d’autres ajouts qui le rapprochent plus de MGS 4 ou MGS V dans l’idée générale. Désormais, on peut ramper avec une vue à l’épaule qui était encore bancale lorsqu’on l’a testée en raison d’une mauvaise visibilité. Se déplacer tel un serpent dans des feuillages n’est pas l’idéal, mais quand la caméra n’est pas calibrée comme il faut, ça devient problématique. 

Faut-il craindre une situation à la Twin Snakes avec MGS Delta ?

Contrairement à Metal Gear Solid 3 Subsistence, les équipes ont en revanche poussé le curseur jusqu’à offrir une mue TPS à Delta. En cas d’alerte déclenchée, ou si vous en avez marre de la discrétion, vous pouvez viser comme dans un jeu de tir à la troisième personne. Et c’est en cela qu’on peut davantage comparer le jeu à Guns of the Patriots et The Phantom Pain. Mais ça pose plusieurs soucis. Sur cette build du jeu, le gunplay est loin d’être bon, que ce soit au niveau du feeling lors des déplacements ou de l’impact des tirs. Il reste encore du travail. On sait que ce ne sera jamais au niveau de The Phantom Pain, et de toute façon, c’est impossible. Le game design de TTP a été élaboré avec un monde ouvert en tête. 

Or, là, le level design et même l’IA de Metal Gear Solid 3 ne sont pas faits pour une approche aussi rentre-dedans. Il n’y a qu’à jeter un œil à la séquence Rambo du trailer de gameplay pour que cela soulève des inquiétudes - d’autant que la cadence de tir est plus élevée dans le remake. Et ça ne sera pas mieux dans MGS Delta puisque le level design ainsi que l’IA n’ont pas été revus. Preuve en est que le découpage des environnements, avec un chargement systématique (nettement plus discret rassurez-vous), a été gardé dans son jus ou le comportement des soldats qui risque de faire bizarre aux plus jeunes.

MGS Delta raccourcis Codec

Faut-il redouter une situation similaire à The Twin Snakes pour certains combats ? On le craint puisqu’on n'a pas pu assister à un quelconque affrontement avec un boss, même si on nous assure que ce n’est pas le cas. « Il y a des choses qui ont dû être changées pour ce remake. Quand on passe du style « Legacy » au nouveau, cela ne rend pas le jeu beaucoup plus facile à jouer. Mais nous travaillons encore là-dessus, nous recherchons le bon équilibre ». D'autres éléments sont également rapportés d’autres jeux, comme le fait que Big Boss puisse ramper sur le dos, qui pourraient déséquilibrer l’expérience. On ne peut pas encore en avoir la certitude, mais la crainte est légitime. On sent que les équipes tâtonnent et bataillent avec cet impératif de respecter l'héritage, tout en rameutant un nouveau public. Parfois, ça crée donc des dissonances. Naked Snake peut devenir une arme à tuer, alors que dans le même temps, il traîne toujours les soldats endormis avec la même lenteur qu'auparavant.

Delta est aussi plus souple au niveau du CQC (Close Quarter Combat), le combat rapproché. En plus de mouvements supplémentaires, lorsqu’on agrippe un garde, il y a un menu contextuel similaire à celui de The Phantom Pain (via L1) avec plusieurs options comme celle qui permet d’interroger le soldat (sur L3) ou de s’en servir comme d’un bouclier. Une meilleure mise en avant des commandes et un remapping des touches pour que  la nouvelle génération soit moins perdue. Dans les améliorations « qualité de vie », on note également l’ajout d’un raccourci sur la flèche directionnelle du haut pour appliquer des presets de camouflage et de peintures faciales. Pour le coup, c’est un changement  minime, bien que déconcertant au début puisque tout se fait en temps réel sans aller dans les menus, mais qui peut être apprécié autant par les anciens que les nouveaux joueurs. De même, on peut se coller automatiquement à un élément du décor - sans avoir à maintenir un bouton -, comme un arbre, et manipuler le codec à la volée.

avis metal gear solid 3 remake ps5

D’après les informations que l’on a pu obtenir, le système de dégâts, et par conséquent la gestion des blessures, sera identique. Par contre, il pourrait y avoir une nouveauté pour ce qui a trait aux camouflages. « Nous envisageons des changements qui augmenteraient le taux de camouflage avec la boue ». Big Boss en mode Predator ? Ce serait une idée fort intéressante, mais encore faut-il que les développeurs trouvent le moyen de rendre cela pertinent. Et en l’absence de changements majeurs, la tâche risque de s’avérer compliquée. Mais on demande à voir.

Si vous paniquez à la lecture de certaines modifications qui découlent de la vue à la troisième personne, sachez qu’à l’instar de Subsistence, c’est totalement optionnel. Un soulagement puisqu’il sera donc possible de jouer à l’ancienne, mais malheureusement, ce « Legacy style » était indisponible lors de notre preview. Pour brosser dans le sens du poil les vétérans, on a pu également apercevoir la présence des modes de difficulté Extrême et Extrême Europe. On terminera avec un point sur la technique de Metal Gear Solid Delta qui ne nous a pas éblouie pour un jeu de nouvelle génération avec des environnements aussi cloisonnés. Il y avait de chouettes choses comme les visages très détaillés, mais les décors auraient pu se montrer plus impressionnants. À l’heure actuelle, la fluidité n’était pas non plus au rendez-vous sur plusieurs passages. Une preuve que le jeu est clairement en cours de développement, et que vous pouvez oublier une sortie en 2024. Ah et puisque certains se posent probablement la question, non, Hideo Kojima n'a pas été rayé de la carte de ce remake. Ce nom apparaît dans les crédits du début avec la mention « Original game by Hideo Kojima ».

On attend Metal Gear Solid Delta... avec des questions et des doutes

On ressort beaucoup plus mitigé de cette preview de Metal Gear Solid Delta qu’après celle de Silent Hill 2 Remake avec la sensation d’avoir un jeu qui est loin d’être prêt. La fluidité n’était pas toujours au rendez-vous et le gunplay a grandement besoin de travail supplémentaire. Avant de mettre les mains dessus, on avait également beaucoup d’interrogations sur le fait de savoir si l’ajout de nouveautés empruntées à d’autres épisodes n’allaient pas casser le game design au point de « (re)faire une Twin Snakes ». Pour l’instant, nous n’avons pas totalement nos réponses puisque les craintes subsistent. Il y a également cette inquiétude de se dire qu’en voulant contenter plusieurs profils, ce remake de MGS3 manquera peut-être toutes ses cibles à la fin. A contrario, on ne peut pas reprocher aux développeurs de conserver tous les dialogues, l’histoire et tout l’enrobage, car le cas contraire nous aurait plutôt fait bondir. C’est clairement l’aspect le plus positif de cette prise en main. Reste d’autres inconnues à ce stade : est-ce que le mini-jeu Guy Savage reviendra ? Pourra t-on encore neutraliser certains boss de différentes manières ?  On a tenté de savoir, en vain.