À l’heure où des Fortnite, Call of Duty Warzone, FF14, PlayerUnknown's Battleground sont capables de rassembler des dizaines voire des centaines de millions de joueurs en cumulé, de nombreux acteurs de l’industrie vidéoludique sont toujours en quête du prochain jeu service qui fera mouche. Autant auprès de la critique et surtout en termes de succès commercial. Parmi ces acteurs, il y a évidemment Tencent (PUBG) qui va soutenir cette année le nouveau titre de son studio Sharkmob (Vampire The Masquerade Bloodhunt), Exoborne. A t-il l’étoffe d’un futur carton ? Notre avis après quelques heures de jeu.
Le secteur du GaaS (Game as a Service) - le jeu en tant que service en français -, est un univers impitoyable et Sharkmob l’a déjà appris à ses dépens. En mai 2023, et après seulement un peu plus d’un an, le studio a arrêté les frais avec son battle royale Vampire : The Masquerade - Bloodhunt, faute de joueurs. N’ayant plus de pression sur leurs épaules pour apporter du contenu inédit, les développeurs se sont tournés vers leur nouvelle licence Exoborne. Un extraction-shooter qui assure un côté over-the-top, mais qui questionne plus que ce qu’il ne satisfait pour le moment.
Exoborne ou Just Cause 4 ?
Exoborne se déroule dans un futur proche où la Terre n’est plus qu’un tas de ruines et un champ de bataille à ciel ouvert après l’Effrontement. Une apocalypse qui aurait pu être empêchée avant qu’elle n’arrive. Du moins c’est ce que la Rebirth Corporation avait promis aux humains, mais tout cela n’était qu’un ramassis de mensonges. Le pire a eu lieu et les survivants, appelés Reborns, se sont rangés derrière le chef Tar pour continuer le combat et obtenir vengeance. Pourquoi parler d’une histoire dans un extraction-shooter ? Eh bien parce que Sharkmob veut enrober son jeu service d’une narration avec des cinématiques, du found footage et autres descriptions textuelles. Mais avec un objectif : faire en sorte que tous ces éléments en temps normal secondaires dans un multi soient accessibles uniquement après chaque partie pour ne gêner personne. Est-ce que ce sera vraiment développé ? Bonne question. Pour l’instant, on a pu voir quelques cinématiques en CGI sympathiques tout au plus, mais donc rien qui nous pousse à attendre le titre là-dessus.
Si Sharkmob parvient à créer un univers, c’est ça de pris, mais de toute manière, les joueurs viendront avant tout pour la bagarre. Exorborne est donc un extraction-shooter, comme peuvent l’être Hunt Showdown ou Escape From Tarkov, qui ressemble comme deux gouttes à Just Cause 4 pour le meilleur comme pour le pire. Bien que le studio ait réfuté cette inspiration, elle saute pourtant aux yeux. À l’image du jeu d’Avalanche, on est face à un TPS qui mise sur la mobilité du personnage à l’aide de gadgets ainsi que sur des conditions climatiques extrêmes avec un système météorologique dynamique qui doit transformer le paysage de chaque partie.

À la manière de Rico Rodriguez, nous, Reborn, bénéficions d’un parapente pour se mouvoir plus rapidement dans le monde ouvert de Colton County, une zone de la côte Est des États-Unis. Mais cet accessoire qui ne nous quitte pas est exploitable uniquement si les conditions météo nous le permettent. Et alors qu’on peut activer des courants d’air dans Just Cause 4, ici, il faut attendre que Mère Nature daigne faire son travail. Si le temps commence à se gâter, on pourra faire un petit saut, puis déclencher notre voile afin d’être propulsé dans les airs. Quand la météo fera vraiment des siennes, et qu’il y aura par exemple une tornade, on pourra aussi utiliser ce phénomène à notre avantage pour aller encore plus loin. Et si ça ne suffit pas, il y a un grappin pour maintenir le flow de la traversée. Enfin du moins sur le papier.
Des conditions météorologiques qui ne font pas tout pour l'instant
De prime abord, les déplacements sont funs et à vrai dire, ils le sont dans leur globalité. S’envoler pour fuir quelque chose, quelqu’un ou simplement pour avancer en s’appuyant sur les conditions météorologiques est quelque part grisant. Notamment pour la vraie liberté que cela procure. Mais le hic, c’est qu’on est forcément tributaire de cela et quand il y a beau temps, la traversée est plus laborieuse car le grappin devient alors notre premier allié afin d’atteindre des zones en hauteur. Sauf que notre outil est trop limité en raison d’un cooldown qui peut varier légèrement en fonction de notre « classe », de la longueur et du système d’accroche qui peut nous faire faire des cascades involontaires dans le feu de l'action. Ça peut vite devenir un sketch, casser la dynamique de déplacement, et accessoirement, être fatal puisqu’on est clairement pas à l’abri de rentrer en collision avec un élément du décor, et de devenir par conséquent une cible facile. Et si c’est un souci, c’est bien parce que ces gadgets sont l’un des piliers du gameplay, à l’instar du climat dynamique.

En plus d’être utiles pour se mouvoir dans le monde avec une plus grande aisance, les phénomènes météorologiques sont censés changer le cours de la partie pour nous, nos coéquipiers et nos adversaires. En effet, si une tornade n’est pas nécessairement signe de mort instantanée, il suffit qu’un feu se déclenche, en raison d’une action du joueur ou de façon purement fortuite, pour faire face à un typhon de feu plus dangereux. Un orage, avec de la pluie, pourrait aussi faire mal. Malheureusement, après quelques heures de jeu dans les pattes, on a du mal à voir la plus value.
À mon sens, il y a déjà un problème de mise en scène dans le déclenchement de ces conditions météo. Là où ça peut être un vrai événement dans Battlefield par exemple, ici, ni moi ni mes coéquipiers inconnus n’avons eu l’impression d’être en danger. Alors que c’est pourtant censé être le cas, mais la vérité, c’est qu’on était plus inquiet par le sort des acteurs de Twister en revoyant le film qu'en jouant à Exoborne. À un moment, on est même resté sur le bord d’une falaise à observer tranquillement les tornades - il peut y en avoir plusieurs en même temps -, sans aucune pression. On n’a pas encore perçu le côté tactique vendu ou même la dimension épique de ce pilier de la formule Exoborne. On ne dit pas que ça n’existe pas, seulement que nos parties se sont révélées cruellement décevantes à ce niveau. Mais à voir sur du plus long terme, avec la version finale, et en ayant exploré les différents coins du monde, puisque certains secteurs seront visiblement plus dangereux à tous les niveaux. Des sections à hauts risques mais à hautes récompenses également nous promet-on.

Une vibe Anthem dans le gameplay d'Exoborne... mais en moins bon
En tant qu’extraction-shooter PvE PvP, le nerf de la guerre d’Exoborne est en effet de looter et de s’éclipser de la partie en vie, avec le butin de différentes qualités (gris, vert, bleu, violet, or) ramassé, sous peine de tout perdre. Vraiment tout. De ce côté-là, le jeu ne réinvente rien non plus par rapport à ses concurrents. On est lâché en pleine nature, en ayant sélectionné au préalable l’un des spots de parachutage du monde de Colton County, et on galope à découvert pour visiter le plus de points d’intérêt avant qu'un chronomètre ne révèle notre position et qu’on loupe le coche de l’extraction. Les débuts dans Exoborne sont un peu raides et peu clairs à cause de l’imprécision des points d’intérêts, du moins sur cette version non définitive qui risque d’évoluer à ce niveau. On ne sait pas trop quoi faire ni comment parfois, et au départ, on se contente d'y aller à l'aveugle en essayant de repérer là où il peut y avoir du grabuge et des ressources à collecter.

Pour encadrer un peu cela, il y a des défis (ex : survivre 20 minutes), des événements qui peuvent s’étaler sur plusieurs jours, des opérations (ex : éliminer un Reborn hostile) et des missions principales qui font avancer l’histoire. Rien de neuf sous le soleil non plus ici, et c’est bien l’un des autres problèmes d’Exoborne actuellement. En plus d’avoir ce sentiment d’être un peu perdu, on a déjà la sensation d’avoir déjà fait le tour en moins d’une dizaine d’heures. Et évidemment, c’est le cas étant donné que tout le contenu n’était pas présent et qu’on parle d’un jeu service. Il n’y a pas de souci là-dessus. Mais si on doute déjà avec ce playtest, qu’en sera-t-il plus tard ? Si on est aussi hésitant sur cet extraction-shooter pour le moment, c’est également parce qu'on n'y a pas totalement trouvé notre compte dans les affrontements et le gameplay des Exo-Rigs. L’un des arguments, et piliers du jeu de Sharkmob, qui sont « la clé de notre survie ».
Si on pense immédiatement à Just Cause 4 pour l'environnement, les gadgets et la volonté de fournir un but aux conditions météorologiques - en dehors du fait d’être un élément visuel -, quand on prend les commandes de notre personnage, c’est Anthem qu’on a en tête. Pas de Javelins ici, mais des Exo-Rigs, des exo-squelettes qui confèrent à nos Reborns toute leur mobilité accrue et qui fonctionnent un peu comme des classes. Il y a le « Coyote » qui n’a pas de propriétés particulières; le « Kodiak » qui agit grosso modo comme un tank avec la possibilité de réduire les dégâts au corps à corps en sprintant et de réaliser une attaque puissante au sol à 360°; le « Kestrel », une combinaison légère qui peut libérer une explosion d’air comprimé qui inflige des dégâts et étourdit les ennemis, voire octroyer un genre de vol stationnaire après s’être accroupi pendant qu’on plane; et enfin le « Viper » qui se situe entre le Kestrel et le Kodiak, qui permet de s’élancer vers un ennemi en donnant un coup de lame et d’activer une régénération de santé après avoir mis à terre ou éliminé un PNJ.

Ce qu’on apprécie dans les combats d’Exoborne, c’est qu’ils prennent à contre-pied des propositions plus exigeantes ou « réalistes » comme Escape from Tarkov et Hunt Showdown. Le feeling est très arcade et en alignement avec le flow des déplacements. Ça bouge assez bien sans non plus être transcendant, à cause par exemple d’une glissade molle, et d’un manque de vraies différenciations entre les Exo-Rigs, exception faite du Kodiak. On sait quand on est équipé de ce dernier. Mais face à un Anthem, certes qui bénéficiait d’un budget plus élevé, la comparaison fait (très) mal. On n’a pas rejoué au jeu de BioWare, mais revoir quelques extraits de gameplay suffisent à nous remémorer à quel point le jeu était hyper grisant dans ce domaine, et à nous conforter dans l’idée qu’Exoborne passe en partie à côté de son sujet.
En plus des différences finalement minces entre les Exo-Rigs, les sensations sont beaucoup trop basiques pour susciter mon emballement, contrairement à Anthem. Le bébé du studio de Mass Effect et Dragon Age a beau être blindé de défauts, et avoir été un flop monumental, son gameplay reste l’une de ses plus belles réussites. La jouabilité brillait littéralement par son dynamisme à toute épreuve qu’on ne retrouve pas dans l’extraction-shooter de Sharkmob. Ici, c’est encore malheureusement trop plat, d’autant que le gunplay ne se distingue pas non plus. C’est très basique voire parfois hasardeux avec un recul trop important pour une expérience qui se veut pourtant arcade, et un choix étrange d'obliger à viser en vue subjective alors que c'est un TPS. Et puis il y a aussi ce manque de consistance quand on décide d’activer les compétences de nos exo-squelettes décrites plus haut. Que ce soit l'attaque au sol ou le coup de lame en avant, les sensations déçoivent. Est-ce que de l’équipement plus poussé pourrait nous faire revoir notre jugement ? Peut-être en partie, même si ça ne devrait pas non plus être le jour et la nuit.

Au fur et à mesure de l'avancée et de nos pérégrinations pour looter, on va débloquer de nouvelles armes, des accessoires pour ces dernières ou encore des armements d’Exo dont certains qui valent son pesant de cacahuètes. Vous êtes jaloux de la foudre qui touche un ennemi ? Avec le bon armement, il sera possible d’envoyer vos propres éclairs sur des coins de la carte. Les modules d’Exo sont également d'autres outils qui vont améliorer certains aspects une fois installés. Mais le problème, c’est qu’on peut évidemment tout perdre, et donc, cela créera peut-être un déséquilibre voire une frustration de retourner à la case départ après plusieurs défaites d'affilée
Au-delà des Exo-Rigs et de leur gameplay qui sont encore loin de nous convaincre à l’heure d’écrire ces lignes, il y a d'autres lacunes au niveau des affrontements. D’abord, à plusieurs reprises, il n’a pas été évident de faire la différence entre un Reborn IA et un Reborn géré par un joueur réel. Il n’y a bien que quand un ennemi est au sol, et tente de s’évader, qu’on peut être certain que c’est bien un humain qui le contrôle. Ensuite, le TTK et l’IA des opposants laissent, souvent, plus qu’à désirer pour le moment. On ne sait pas si l'intelligence des rivaux IA évoluent vraiment en fonction de la zone, mais ce qui est sûr, c’est que le studio doit encore faire des progrès.

Et des progrès, Sharkmob doit aussi en faire ailleurs pour espérer qu’Exoborne perce un minimum. On pense notamment à la confusion des menus ou encore à la gestion du loot qui est pour l’instant laborieuse. On ne va pas tout lister, mais rien que la lenteur pour looter in-game est trop importante, nous exposant ainsi trop facilement à un débarquement de joueurs réels. Si le sound design est assez bon, sur les plans technique et graphique, là encore, il y a besoin d’améliorations. Exoborne a un peu le syndrome de « beau de loin ». À première vue, la carte est vaste, avec beaucoup d’éléments, et les conditions météorologiques peuvent faire leur effet. Mais si on zoome, c’est moins reluisant.
Les textures ne sont pas folles, il peut y avoir un clipping assez violent et surtout, l’optimisation laisse à désirer. Et pas seulement sur notre configuration qui était pourtant au niveau pour ce playtest. Enfin, il y a aussi une crainte majeure : le modèle économique et le suivi. Comme dit en introduction, et même si les serveurs ne sont pas fermés, Vampire The Masquerade Bloodhunt a été abandonné très rapidement… en étant un free-to-play. Exoborne, lui, va sortir en se basant sur un modèle premium qui pourrait être finalement très risqué pour le studio. On l’a bien vu récemment avec Concord, et son exemple contraire Helldivers 2, qui n’ont pas rencontré le même succès à des prix équivalents. Étant donné les lacunes du nouveau jeu de Sharkmob, il sera de ce fait peut-être difficile d’établir une communauté et même un nombre suffisant de premiers acheteurs pour lancer la machine.
On attend Exoborne… avec des doutes et beaucoup de questions
Nos quelques heures passées avec Exoborne ont donc soufflé le chaud, mais aussi davantage le froid. Si l’on apprécie l’approche arcade de cet extraction-shooter, le concept d’exo-squelettes ou encore les conditions météorologiques, l’exécution de tous ces éléments, et d’autres, ne parvient pas à nous convaincre du potentiel du jeu à l’heure de publier nos impressions. Néanmoins, on se gardera bien de tout jugement définitif sur un titre qui semble vouloir évoluer avec les retours de la communauté. Et pour le coup, le studio semble vraiment à l’écoute et très demandeur de commentaires positifs comme négatifs argumentés. En résumé, il y a probablement un potentiel, mais pour l’instant assez caché, et à voir s’il s’exprimera ou non à la sortie. Étant donné le marché concurrentiel du multijoueur où il y a énormément d’appelés et peu d’élus, il y a un risque que la sauce ne prenne pas, mais on verra bien dans quelques mois…