A l'heure où la plupart des jeux AAA étalent leur plan de communication sur des mois entiers, se dévoilent au travers de dizaines de trailers, n'ayant pas peur de révéler leurs scènes les plus excitantes et se laissent jouer pas mal de temps avant la sortie, Lords of Shadow 2 avance discrètement. Peut-être trop au goût des fans de l'excellent premier volet. Qu'à cela ne tienne, à quelques semaines de la sortie, nous avons enfin eu l'occasion d'aller au-delà de la démo de l'E3, livrée au grand public fin 2013. Une petite démonstration avancée, suivie de plus de deux heures à partir du début de ce nouveau Castlevania et l'idée ne nous effleure plus, elle nous chope violemment la jugulaire : face à nous se dresse probablement le dernier grand titre dédié à la génération PS360.
Si vous n'avez pas fini le premier volet et Mirror of Fate, c'est à vos risques et périls que vous lirez ces impressions spoilant tout naturellement des points-clés de leurs scenarii.
Des promesses, le producteur Dave Cox et Mercury Steam en ont fait. Et pas des moindres : un jeu s'affranchissant de la linéarité - relative - de l'original, à la limite du monde ouvert, avec un bon équilibre entre action et puzzles, sans temps morts. Que des éléments que nous n'avons pas pu vérifier immédiatement le jour de la présentation. Pour cause : il fallait d'abord intriguer et enchanter l'assistance. La mise en appétit s'est effectuée par le biais d'une séquence située approximativement à une dizaine d'heures de jeu. On y découvrait Gabriel Belmont/Dracula dans le théâtre de son château, devant résoudre une énigme assez... lénifiante. Un narrateur commence en effet à raconter une histoire, celle du Marionnettiste et de la malédiction qui le lie à la bâtisse maudite. Il s'agit alors, dans une atmosphère qui n'est pas sans évoquer Puppeteer, de supposer quels personnages et éléments de décors vont être placés sur scène après certaines répliques. Savoureux. Se réveillait ensuite le fameux Marionnettiste, reconnaissant immédiatement son maître. Avant d'être absorbé par un Castlevania devenu rebelle. Et recraché dans une version beaucoup moins docile. Au point qu'un combat ait lieu. Gabriel, face à des poupées gigantesques et terrifiantes, pouvait faire étalage de sa puissance, de sa dextérité, de son pouvoir du Dragon l'autorisant à fracasser tout ce qui traîne dans un déluge pyrotechnique. Bref, de quoi en coller plein la gueule, parce que la direction artistique et le moteur opèrent un travail remarquable d'immersion, et surtout s'interroger concernant la trame. Car ce que voulait Dracula, c'était un morceau du Miroir du Destin, réclamé par... son fils, Trevor, encore enfant. Oui, ça pique un peu la tête.
What is a man ?
Cette présence étonnante - rappelons que Trevor est mort, adulte, des mains d'un père qui l'a "transformé" en Alucard - est révélée rapidement. Dès le début du jeu. En effet, après une intro qui n'est autre que la démo de 2013, un tutoriel plaçant Dracula face à une armée de la Fraternité de la Lumière, et un cours résumé de Mirror of Fate sous formes de gravures, nous revoilà à l'époque moderne, peu après l'épilogue fracassant de Lords of Shadow. Dracula, très affaibli, se décide enfin à sortir de sa cachette et arpenter les rues. Harangué par quelques badauds, il est interpellé par une silhouette mystérieuse. Celle de ce fils qui ne peut exister. La suivant, il tombe nez à nez avec un démon. Sans pouvoir aucun, il se fait laminer. Il est sauvé in extremis par le garde du corps de son vieil ami Zobek. Celui-ci le convie dans ses quartiers et, non sans avoir prévu de le nourrir (une scène pour le moins choquante que nous vous laisserons découvrir par vous-mêmes), lui rappelle qu'il est dans une ville bâtie sur les ruines du château et que Satan prépare son retour. Ses fervents, les Acolytes, ont pour vocation de réduire en méchoui quiconque s'y opposera. Ou s'y est opposé. Gabriel doit donc agir le premier s'il ne veut pas finir comme la biatch éternelle de l'Ange Déchu. L'aventure prend alors son vrai départ. Téléporté dans le bâtiment d'un géant pharmaceutique où se terre l'un des Acolytes, le père Belmont va d'abord devoir composer avec une forme peu reluisante.
Les Promesses de l'ombre
Lointaine est l'époque où il inspirait la crainte et pouvait causer la désolation en battant des cils. Son arrivée dans les murs froids et métalliques lui fait prendre conscience qu'il ne peut attaquer de front les gardes imposants, les Golgoth Guards, postés un peu partout. Il use alors d'une de ses facultés : le Shadow Portal. Un point d'ombre et le voilà qui se transforme en une escouade de rats qui peuvent se faufiler, presque sans dommage, quelques mètres derrière le vigile où le vampire reprend forme humaine. Vient le temps d'utiliser la faculté à posséder un employé pour passer des portes ou de distraire certains antagonistes équipés de lampes-torches et de fusils peu miséricordieux en leur envoyant une nuée de chauves-souris. Une petite dose de furtivité et de grimpette, sans anicroche grâce à un replacement de la caméra, normalement libre, bien pensé, avant enfin, d'échapper à tout danger. Pour finalement se retrouver par magie dans son château, qui commence à montrer l'envie de le retenir à tout prix, à devoir protéger le petit Trevor.
Eu sunt Dracul !
L'occasion de replonger dans le système de combat qui va vite s'étoffer à la récupération de reliques importantes. Toujours aussi vives et techniques, avec une possible alternance entre fouet de sang (à la portée confortable), Void Sword (épée remplaçant la magie de Lumière et qui permet de regagner de l'énergie à chaque coup asséné) et Griffes du Chaos (gantelets rougeoyants faisant fi des protections les plus lourdes), les rixes exigent une parfaite concentration et un timing rigoureux. Cela pour appliquer contres assassins et esquives salutaires avant de déchaîner quelques menus combos dans la trogne des opposants. Parmi eux, un golem assez résistant, fébrile uniquement sur ses zones ensanglantées, qui va relâcher à sa destruction une gemme de glaciation. A distance comme au corps à corps, il devient possible de geler les ennemis et donc de se soulager en cas de surnombre. Mais aussi des éléments de décors pour atteindre de nouvelles zones. Chose que l'on vérifie peu après avoir laissé Trevor, que l'on peut rejoindre dans le château dès que l'on tombe sur un sceau de Loup Blanc, dans le complexe où l'Acolyte nous attend. Pas besoin d'en dire trop sur cet ennemi et ce combat, sinon qu'il reste dans la veine de ce que proposait le précédent volet : intraitable. On doit en effet porter son attention à ne pas vider ses jauges de magie inutilement en vue d'éviter de perdre du temps à remplir celle de Focus sur le menu-fretin qui libérera les orbes nécessaires.
Comme le loup blanc
Jusqu'au combat concluant notre session, un affrontement face à des Gorgones énervées et sacrément "pimpées", le rythme baisse assez peu. La carte située en haut à droite de l'écran et les objectifs clairs aident à ne pas s'éparpiller. L'absence de certains pouvoirs (comme la brume, qui peut se voir manipulée par des courants d'air) limite encore les déplacements dans ce qui s'annonce comme un monde ouvert à deux dimensions distinctes. On croise nombre d'ennemis, libère El Chupacabra de sa prison, escalade moult parois, recherche des trésors cachés, combat des adversaires que l'on prend plaisir à étourdir et vider de leur sang, utilise l'expérience acquise pour améliorer ses trois armes via des arbres de compétences... Et pas un moment on ne ressent autre chose que du plaisir en avançant. Ambiance incroyable (avec toujours des musiques d'Oscar Araujo sublimes et des acteurs au ton juste), réalisation qui inspire le respect - avec des environnements immenses et d'une beauté à couper le souffle -, personnage principal vraiment plaisant, prise en mains souple couplée à une exigence de chaque instant et pas un chargement perceptible : ce n'est qu'un début, mais il s'avère déjà très prometteur. Savoir que cette poignée d'heures ne représente qu'une portion infime d'un univers beaucoup plus vaste et qui prendra un certain temps pour être exploré, en plus de réserver son lot de surprises (les présences et rôles d'Alucard, Marie et Victor Belmont, au hasard) au niveau de la trame, conforte dans l'idée que le studio Mercury Steam n'a pas l'intention de clore sa trilogie Castlevania autrement qu'en y laissant la marque de ses crocs. Tant mieux.
Visiblement, les développeurs n'ont pas relâché la pression et s'en sont tenus à leurs promesses. Toujours sous la houlette de l'Anglais Dave Cox, ils ont profité des trois années de développement en quasi-sous-marin pour se donner les moyens d'atteindre des ambitions très hautes. Certes, je n'ai parcouru que les premiers instants. Mais déjà j'ai perçu un travail propre, spectaculaire, sans véritable fausse note, y compris la caméra libre qui finalement ne pose que peu de problèmes, autant dans la continuité du premier volet et le respect de la licence que dans l'envie de se moderniser. L'ensemble, sombre et violent, se présente déjà comme prometteur à bien des égards et j'imagine mal que l'aventure perde son souffle à un moment et qu'un fan du premier n'y trouve pas son compte, voire plus. Mais ça, nous aurons l'occasion de le vérifier lors du test.