Prenez une généreuse pincée de Stratégie Temps Réel, mélangez doucement avec une cuillère de Magic l'Assemblée (le jeu de cartes à collectionner pour vous ruiner), un zeste de moteur 3D flamboyant et une grosse louche de jeu en ligne et vous obtiendrez BattleForge. Pondu par les créateurs d'EA Phenomic (Settlers III et autres SpellForce), ce produit atypique pourrait bien être la première bonne surprise de 2009.
Pas la peine de faire cette mine blasée ! Si BattleForge est effectivement un STR dans un univers d'Heroic-Fantasy comme on en a vu des dizaines, son concept l'éloigne avec brio de la masse infâme de STR sans saveur qui viennent polluer nos disques durs chaque année. En tout cas, c'est ce que j'ai ressenti en jouant avec cette version bêta bien avancée. Après avoir récupéré 4 versions pour détruire la productivité de trois amis, cobayes dans l'âme (c'est beau, l'abnégation) et enchaîné les parties, le sentiment général s'avère plus que positif.
Sauver le monde, un job tellement classique...
Vous êtes un Skylord, une sorte de Dieu, et vous allez encore devoir sauver un monde en péril, en faisant appel à des créatures légendaires qui vous obéissent au doigt et à l'oeil. Petit problème, les crises économiques et énergétiques ne vous épargnent pas : pas question d'invoquer des monstres hauts de trois étages sans les ressources nécessaires. Pas de doute, on nage bien en plein STR, avec toutes les contraintes classiques du genre. Avec une nuance de taille : tous vos sorts viennent d'un deck de cartes qu'il faudra préparer avec amour avant d'aller affronter l'ordinateur ou d'autres joueurs. 20 cartes à choisir parmi un total d'environ 120 actuellement. Sorts, unités, bâtiments, tout va devoir tenir dans ces 20 petites cartes. Les dilemmes sont terribles. Car non seulement il faut mixer au mieux toutes les possibilités d'attaque / défense / soins / etc. mais en plus il faut prévoir vos déploiements. Car ces cartes sont réparties en 4 catégories : nature, ombre, feu et glace. Chaque carte requiert un certain coût "d'énergie" pour être déployée ainsi qu'une ou plusieurs orbes. Ces dernières sont le nerf de la guerre dans BattleForge. Issues de bâtiments spécifiques disposés à des endroits fixes de la carte, ce sont elles qui conditionnent l'utilisation des cartes les plus puissantes.
Et là, les migraines commencent
Quand on capture ces bâtiments, on va devoir choisir la nature de l'orbe construite. Là, tout va dépendre de votre deck : certaines cartes nécessitent jusqu'à quatre orbes, avec par exemple au moins deux de glace. Pas question donc de prendre le meilleur de chaque catégorie de carte. Il faudra forcément axer votre jeu dans une "couleur" donnée, et y mixer des cartes complémentaires d'autres catégories, mais pas trop gourmandes en orbes spécifiques, sous peine de ne pas pouvoir les utiliser. Chaque carte est utilisable dans une sorte de grand bac à sable appelé la Forge, qui permet de l'admirer en action. On peut y invoquer des ennemis de toutes sortes pour tester son comportement. Une excellente idée qui rend la création des decks encore plus ludique.
Online sinon rien
Exclusivement jouable avec une connexion Internet, BattleForge est gorgé d'idées intéressantes. Cela va de détails anodins mais pourtant jamais vus (on peut enfin changer une unité de groupe par un simple glisser / déposer) jusqu'au concept même du jeu. Orienté PvE (JcE en français, Joueur contre Environnement), jusqu'à 12 joueurs pourront combattre sur la même carte contre l'ordinateur. Le PvP (JcJ en français, Joueur contre Joueur) est aussi de la partie, mais pas obligatoire du tout. L'intérêt de la partie PvE est de pouvoir s'aborder comme un MMO : un joueur pourra se constituer un deck de "tank", et ainsi se spécialiser dans la défense de la base ou la fortification de la ligne de front. Les limitations imposées par les 20 cartes encouragent de facto ce genre de choses en PvE coopératif. Cela dit, en solo ou duo, il va falloir vous pencher sérieusement sur les cartes à votre disposition pour pondre des decks capables de répondre à toutes les situations. Un exercice au moins aussi amusant que la partie STR elle-même pour les amateurs du genre. Surtout que chaque partie gagnée offre son lot de butin, sous la forme d'améliorations pour vos cartes. Oui, frémissez, les possibilités sont infinies, tout comme les embrouilles pour la répartition du "loot" (le butin, c'est à dire les récompenses) en fin de partie coop' !
Collectionnite aiguë
Blindé d'outils pour faciliter les interactions entre joueurs (création de parties, vente de cartes, échanges, etc.), BattleForge fait redouter le travers odieusement classique du genre : la surenchère côté puissance des cartes, les prix prohibitifs des cartes rares et la quasi-obligation de se ruiner en Booster Packs, virtuels mais payables en monnaie bien réelle. La boutique ingame est une ode au micro-paiement, tout comme l'hôtel des ventes. Pour acheter des cartes, il faut des points BF et pour avoir des points BF, il faut de l'argent. Nul doute que le business model repose sur ce pot de miel géant pour joueurs pressés. Pire, le pot de miel en question est alléchant : les cartes sont belles, gigotent avec un effet 3D quand on les active pour donner un feeling papier et on peut même dévoiler celles d'un booster pack fraîchement acheté une par une. Tout est fait pour donner la même satisfaction qu'un jeu de carte à collectionner réel.
C'est bon de se faire prendre par surprise
BattleForge va devoir convaincre les joueurs qu'il n'est ni une pompe à fric, ni un énième STR sans saveur. Fort de ses trois ans de développement, je pense qu'il a ses chances. Techniquement en tout cas, c'est une réussite : le moteur 3D de Phenomic est somptueux, sans nécessiter pour autant un gros PC (quoi qu'à 12, ça risque d'être une autre histoire), les musiques symphoniques excellentes (et dynamiques en fonction des cartes jouées). Quant aux scénarios, ils sont très prenants et franchement hardcore au niveau expert. Des heures de fun en perspective ! J'espère confirmer tout ça lors du test, qui devrait coïncider avec la sortie de Battleforge, prévue pour le 26 mars.