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G. : Justement, c'est la suite de ma question. Est-ce que tu ne crois pas que c'est plutôt du côté du marketing, et de la façon dont on essaie de vendre les jeux, qu'il faudrait plutôt mettre en valeur des productions qui sortent de l'ordinaire, et qui ont une vraie valeur, parce qu'il faut évidemment que le jeu soit bon... God of War est l'exemple typique : au départ il est pas parti comme une flèche, mais il a pu se faire connaître, il s'est rattrapé, le deuxième a aidé... Okami, finalement, il a pas eu la chance de se battre de ce point de vue. Est-ce que c'est pas plutôt ça qui pose problème ?
R.W. : Il a pas eu la chance de se battre. Mais aussi côté développement, si tu joues au jeu, y'a des trucs frustrants. C'est tout à fait normal. Y'a deux parties : la partie que le développeur peut changer, et la partie que le marketing et l'éditeur peuvent changer. Et je crois qu'on a besoin des deux. On a besoin d'éditeurs qui commencent à prendre plus confiance dans les jeux qu'ils font. A mettre leurs capacités derrière, et leur puissance marketing, mais aussi demander aux développeurs de savoir quoi faire. Surtout dans un jeu comme Okami qui dure très, très longtemps, qui est un jeu absolument immense, y'a des moments où tu perds le spectateur. Et ça... T'as pas le droit de faire ça. Si tu fais ça dans un film, le mec il sort du cinéma et il va plus jamais revoir le film. Et c'est le même problème avec les jeux, on a besoin de garder les gens dedans le plus possible. Et un jeu comme God of War est superbe, parce que c'est ça qu'ils essaient de faire...
G. : Ouais, God of War tu t'emmerdes jamais. Mais Okami y'a un côté contemplatif aussi. Quand tu fais de l'action c'est facile d'équilibrer une courbe narrative, un passage super impressionnant, un truc un peu plus puzzle, un autre machin, etc... mais Okami, qui est tellement contemplatif et c'est quand même sa force, comment on trouve un équilibre qui correspond au plus grand nombre ?
R.W. : C'est un équilibre artistique et émotionnel, en fait, et y'a un truc avec Okami qui est très dur... c'est l'histoire même. Elle n'est pas... comment dire... elle n'a pas été écrite pour le reste du monde. Elle a été écrite par une personne passionnée qui voulait faire juste ça. Mais au bout du compte, une histoire, t'arrives pas à la raconter si personne n'écoute. Et c'était ça un des problèmes d'Okami. Okami est superbe, mais de la même façon faut savoir que les gens...
G. : ... faut les prendre par la main.
R.W. : Faut les prendre par la main, exactement. Et certaines fois, même, si tu vas les prendre par la main, faut les exciter, ici et là, parce que tout le monde a différentes façon d'exciter son esprit, et sur Okami, y'a plusieurs points où je crois que c'est possible de faire ça...
G. : Vous en avez parlé avec Capcom, justement, de ça ? Peut-être faire une sorte de Director's Cut, raccourcir peut-être certains passages, en rallonger d'autres, changer la dynamique ?
R.W. : Je suis pas un très grand fan, de faire des Director's Cut. Parce que certaines fois, une oeuvre qui a été créée, finie, si elle est portée, elle est supposée être donnée comme elle a été faite au début. Oui, ce serait possible de faire ça, ce serait possible de faire ça sur n'importe quel jeu, y'a des jeux qui sont trop courts, faudrait rajouter des trucs dedans... mais bon...
G. : Moi personnellement j'ai pas eu de problème avec le rythme d'Okami, de bout en bout je me suis jamais emmerdé.
R.W. : Moi non plus, je me suis pas emmerdé, mais je sais par exemple que c'est un truc qu'on m'a dit. Moi, étant une personne essayant de se battre pour Okami, c'est un des trucs qu'on m'a dit. Et je leur dit, "mais, écoutez, c'est le but de ce jeu, l'immersion, c'est la façon dont il est raconté, dont elle est faite". Les gens disaient : "ouais mais je veux pouvoir zapper les trucs, des fois j'ai pas envie d'écouter ce qu'ils disent".
G. : Donc du coup vous avez permis qu'on puisse zapper les cinématiques. C'est des petites touches comme ça.
R.W. : Voilà, par exemple. Mais, à nouveau, je crois que cette industrie a besoin de pousser tout ça des deux côtés. Equilibrer les succès avec les défaites, en fait, et de savoir que certaines fois y'a des choses qui vont faire de l'argent, et certaines fois pas. Mais c'est la nature du business. C'est la façon dont tous les business marchent. Si tout le monde se faisait de l'argent tout le temps, on ferait plus rien de nouveau. Mais je crois qu'on est encore jeune, un peu, comme industrie. Et on va devoir aller dans cette direction. On l'espère. Surtout nous, avec les nouvelles IP, c'est ce qu'on aimerait faire.
G. : Alors, quand est-ce que vous pourrez en parler ?
R.W. : Houlà... On va laisser passer un peu de temps, je crois... je sais pas... peut-être à la fin de l'année...
G. : Bon alors, si tu ne peux en parler qu'à une seule personne, tu m'appelles, hein.
R.W. : Pas de problème !
G. : Bien, je crois qu'on va s'arrêter là, il y en a d'autres qui attendent, et moi je pourrais continuer des heures.
R.W. : Ah bin moi aussi. Ca m'intéresse beaucoup. C'est un truc qui me plaît beaucoup. [D'habitude], c'est toujours le jeu, le jeu, le jeu ; les gens vont y jouer, si tu joues au jeu... de toutes façons, je peux te dire des trucs, tu vas de toutes façons faire l'expérience de ce qu'est ce jeu. Ce qui est intéressant c'est de voir ce qu'il y a autour du jeu, ce qui s'est passé pour le développer, tout ce qu'il y a autour. C'est ça qui est intéressant.
G. : Et la philosophie de ceux qui créent les jeux. Et pourquoi est-ce qu'on les fait... Merci !
R.W. : Merci !