Lost Odyssey est peut-être le premier vrai RPG japonais digne de cette génération de console. Et pourtant, quel regard vers le passé. Quelle nostalgie dans son architecture. Lost Odyssey est une aventure un rien datée certes, mais qui n'oublie pas d'émerveiller ! Par ses graphismes ? Non. Par son scénario. Son propos. Sa justesse. Des émotions d'une rare justesse pour un jeu vidéo.
Au fil de cette épopée mature, le joueur découvre ainsi mille et un fragments de la mémoire morcelée de Kaïm Argonar, guerrier immortel ayant traversé les époques avec mélancolie. Ici, point de cinématiques. Juste du texte. Des mots seuls pour développer l'imaginaire du joueur. C'est à Kiyoshi Shigematsu que l'on doit ces inombrables récits. Ce millénaire de souvenirs, ces rêves qui en quelques phrases savent nous faire voyager loin. Un élément si travaillé dans cette aventure, romanesque à plus d'un titre, qu'ils ont été compilés et édités en livre de poche au Japon ! Alors pour tout ceux qui n'ont pas eu la chance ou le courage de s'y pencher, Gameblog vous offre quelques passages de ces récits qui vont bien au-delà du simple jeu vidéo. Et pour se lancer dans ce voyage narratif, voici l'un des premier souvenirs de Kaïm. Prenez votre temps, savourez.
Les Adeptes du Vent, un rêve en trois parties...
N.B. : Attention, ce texte est directement extrait du jeu. S'il ne dévoile rien concernant le scénario principal, il dépeint néanmoins assez bien l'ambiance générale de l'aventure. Une atmosphère de nostalgie souvent poignante, parfois follement émouvante.
Sommaire
Les Adeptes du Vent
De forts vents ont toujours soufflé sur cette vaste prairie.
La topographie de la région en est peut-être responsable, mais la direction du vent ne change jamais, quelle que soit l'heure ou la saison :
D'est en ouest, de là où le soleil se lève vers là où le soleil se couche.
Fouettés par les vents constants, les troncs et les branches déformés d'arbustes penchent tous à l'ouest. Aucune herbe haute n'est visible ici et l'herbe qui réussit à pousser est aplatie en direction de l'ouest. Des caravanes et des groupes de gens empruntent la seule route présente dans la prairie. Ils ne font que passer dans un sens, d'est en ouest, avec le vent dans le dos pour les aider. Les voyageurs qui vont d'ouest en est utilisent toujours la route tortueuse qui serpente entre les montages du sud. Ce parcours est bien plus long, mais aussi bien plus facile que de traverser la prairie avec le vent de face.
La route de la prairie s'appelle le Courant Perpétuel. Comme une grande rivière qui s'écoule toujours dans le même sens, les traces de pas sur cette route vont d'est en ouest depuis des lustres et probablement pour encore longtemps. Des silhouettes humaines sur l'horizon du soleil levant s'évanouissent dans l'horizon du soleil couchant. Aucun voyageur ne passe dans l'autre sens, même exceptionnellement.
La première fois qu'elle a vu Kaïm sur le Courant Perpétuel, la fille était une enfant.
« Alors ma grand-mère était-elle en vie ? »
Pour répondre à la question naturelle de la fillette, Kaïm sourit et dit :
« Oui et je me rappelle aussi que c'était une gentille vieille dame. »
Regardant la route, la fillette pointe du doigt la ligne des collines qui disparaissent au loin.
« Ma grande-mère a arpenté sept collines pendant son voyage. »
« Sept, c'est beaucoup ? »
« Oui, oui, Mamie a vécu longtemps. La plupart des gens finissent leur voyage au bout de cinq collines. Les proches construisent alors une petite tombe, puis continuent le périple... »
La fillette pointe du doigt le sol à ses pieds.
« Voilà où je suis arrivée, moi », dit-elle fièrement, arborant un large sourire. La religion de la fillette et sa famille consiste à croire pieusement que s'ils consacrent leur vie à marcher vers l'est, contre le Courant Perpétuel, ils parviendront à la source même du Courant.
Ces croyants sont appelés « les Adeptes du Vent ».
Le mot laisse transparaître de la crainte et de la tristesse, mais aussi un peu de mépris. Les Adeptes du vent sont dénués de désirs matériels. Ils vivent dans le seul but de marcher vers l'est. Aucun doute ne les habite. Ils donnent naissance à des enfants en route et ils les élèvent en continuant leur voyage. Quand ils atteignent l'âge où ils perdent leurs forces, leur périple prend fin. Cependant, le voyage de leur famille continue. Des enfants aux petits-enfants et aux arrière-petits-enfants, leur croyance est transmise.