Gameblog : Le jeu sort sur PS4 et PS Vita. De quelle manière Sony vous a-t-il soutenu ?

Tout a commencé par un panel à la GDC en 2013. Ils m'ont laissé l'opportunité de faire un post-mortem, ce qui était un honneur. Shahid a vu la vidéo de mon speech. Il y a eu une connexion avec mon histoire. Shahid est aussi un développeur qui a eu du succès à l'époque. Il m'a envoyé un kit de développement Vita. Je l'ai remercié et j'ai commencé à expérimenter.

C'est très différent de ce qu'on a connu il y a vingt ans. Il fallait dépenser 20.000 dollars pour avoir le privilège de développer sur PlayStation, sans garantie que Sony vous laisse publier votre jeu. Maintenant, ils remarquent quelqu'un qui a des idées prometteuses, il lui envoient le matériel. C'est une super manière de procéder. J'ai donc conçu une démo sur mon temps libre. Ils l'ont vue et ont soutenu le projet. Ce qui explique l'exclusivité PS Vita et PS4. J'en suis très satisfait.

Pendant une longue période, je n'ai pas pu comprendre ma propre création.

Ne craignez-vous pas que le feeling initial de Kick-Off, plutôt atypique, rebute les joueurs d'aujourd'hui ?

A cause de ce que j'appelle le "Monstre" - ce qui est une toute autre histoire, le Monstre du succès que j'ai eu - j'ai eu une relation très compliquée avec mon travail et les fans. Ce que ça signifie, c'est que je n'ai jamais vraiment de connexion avec mon jeu. Ça a l'air étrange. C'est un peu comme si vous écriviez un bouquin, c'est publié et vous n'y retouchez jamais. Vous ne pouvez pas. A cause de ce Monstre, il est très difficile de contempler votre propre travail.

Pendant une longue période, je n'ai pas pu comprendre ma propre création. Récemment, j'ai fait la paix avec le Monstre, réussi à trouver comment le gérer. J'ai commencé à jouer à mes jeux, aussi parce que j'ai envie de ne pas être ridicule pour les championnats du monde de Kick Off 2 à Dublin (ndlr : les 7 et 8 novembre prochains). J'ai aussi été en Pologne il y a peu pour événement où se tenait un tournoi. J'ai vu des gens y jouer pour la première fois.

C'est très difficile, c'est frustrant. Cela signifie qu'il y a des personnes qui vont abandonner. Mais dans Kick Off, quand vous marquez votre premier but, il n'y a rien de comparable. Vous pouvez faire un jeu facile. Mais si vous le concevez ainsi et que ça fonctionne, cela sera moins significatif que si vous concevez un jeu difficile qui rencontre le succès. Le football, le sport réel, est fait ainsi ! Si quelqu'un joue au football pour la première fois de sa vie, va-t-il connaître la frustration ? Je pense. Voilà pourquoi l'audience s'est divisée. La moitié aimait le jeu, l'autre moitié le détestait. C'est qui arrive en cas de succès.

Ce que j'aimerais, c'est avoir moins de gens qui le détestent. Ça passe par la courbe d'apprentissage. Je dois le rendre plus accessible aux débutant mais ne pas sacrifier la profondeur. Le message que j'essaie de faire passer c'est que vous êtes récompensés des efforts consentis. Cette excitation quand vous vous apprêtez à marquer et que ça arrive, cela vous procure le même type de sensations qui pousse les gens à faire du sport. Donc, je n'ai aucune crainte car c'est mon dessein. J'y suis parvenu une fois, je peux peut-être y arriver à nouveau. Je veux toujours qu'il s'agisse d'un jeu auquel vous allez jouer les 25 prochaines années sans parvenir à le maîtriser pleinement. Mais je souhaite aussi aider à ce que les joueurs s'entraînent et ne se sentent pas perdus lorsqu'ils débutent.

Ce Revival sera réalisé en 3D, pourquoi ?

Cette histoire de 2D et de 3D est une illusion. Il n'y a pas de réelle différence. On utilise des modèles 3D, un stade en 3D mais la caméra demeure la même. Je sais que certains joueurs se posent la question. C'est un gameplay 2D. L'original n'était même pas 100% en 2D, la balle était tridimensionnelle. Vous pouvez créer un titre avec une technologie 3D qui garde l'esprit 2D. Il y a une bonne raison de procéder ainsi : c'est bien moins onéreux de créer un modèle et de l'animer que dessiner un sprite à la main. C'est aussi plus flexible. Avec un sprite, on ne peut pas faire des expériences avec la caméra, la bouger pour des cutscenes ou des replays. Mais ne pensez pas que ça va ressembler à FIFA. Ce dernier essaie de ressembler à la télévision, ce que je ne tente pas de faire. C'est une philosophie différente.

FIFA et PES ne semblent pas correspondre à l'idée que je me fais du jeu vidéo. Pour moi, ils se moquent du jeu.

Quelle est votre opinion sur PES ou FIFA ?

Je ne vois pas de grandes différences entre les deux. Après, je n'ai pas beaucoup joué à ces jeux. Le problème, c'est que ça a toujours été un peu douloureux de jouer à d'autres jeux de foot ces vingt dernières années. Ce qu'ils essaient de faire, c'est se focaliser sur le spectacle. Ils essaient d'apparaître comme des retransmissions télévisées, de reproduire les footballeurs de manière réaliste. Ils ont fait le choix du réalisme, plus c'est réaliste, mieux c'est. Faire un gros plan sur un joueur et vérifier qu'il est ressemblant et que vous pouvez voir ses boutons et tout le reste, pour certains c'est important. Je comprends que ça marche chez des gens parce qu'ils sont attachés aux personnalités du football, ce genre de choses. Pour moi, ce n'est pas ce qui est important.

Pour moi, ils se moquent du jeu. FIFA et PES ne semblent pas correspondre à l'idée que je me fais du jeu vidéo. Mais je suis assez "old school". Selon moi, un jeu vidéo est quelque chose qui vous permet de vous exprimer. C'est vous qui vous exprimez. Même si vous jouez à Tetris, c'est vous qui vous exprimez. Vous, en tant que joueur, essayez de faire mieux que lors de la partie précédente. Et cela demande de la maîtrise, n'est-ce pas ? Voilà, pour moi, ce que sont les jeux, c'est comme ça qu'ils ont commencé et c'est ce qui importe. Et je ne pense pas que PES et FIFA se focalisent vraiment le skill des joueurs, ils préfèrent porter leur attention sur les personnalités qui évoluent sur les terrains. J'essaye de défendre ce point de vue dans un jeu vidéo depuis 1994, et heureusement je vais enfin pouvoir le faire valoir prochainement.

Le PlayStation VR arrive l'an prochain, pensez -vous que la réalité virtuelle puisse être une voie à suivre pour Kick Off ?

Je ne sais pas. Il faudrait essayer. Un des problèmes de la réalité virtuelle est que c'est compliqué. Je ne parle pas en termes de développement. Ce n'est pas forcément immédiat pour s'amuser. Et mes jeux, hors Player Manager, sont plutôt multijoueur. Mais en local ? Cela peut peut-être fonctionner. Je vais d'abord voir où va cette technologie. Une fois Revival prêt, je crois que je serais curieux de voir ce que donnerait un jeu hybride qui l'utiliserait. Je ne ferme pas la porte mais ce n'est clairement pas ma priorité pour le moment.


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