Attendu de longue date, 13 Sentinels : Aegis Rim marque le retour du studio Vanillaware sur le devant de la scène, après sept longues années d'absence. Alors que l'aventure morcelée des 13 lycéens naviguant entre les époques est disponible sur PlayStation 4, nous avons eu la chance de nous entretenir avec le producteur Akiyasu Yamamoto. Amour du Japon, de la nourriture, pari de la 2D et rapport aux joueurs Français : le responsable nous raconte tout dans cette interview !
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Gameblog : Vanillaware est un des rares studios dont on reconnait le style en clin d'oeil, quel que soit le genre. Votre direction artistique singulière a-t-elle plus influencé certains choix de game design ? Ce style peut-il s'accommoder à tous les types de jeux ?
Akiyasu Yamamoto : Je ne peux parler que des jeux développés par Vanillaware et édités par Atlus (Odin Sphere Leifthrasir, Dragon's Crown Pro et 13 Sentinels : Aegis Rim), mais si je compare ce dernier aux deux sorties précédentes, je dois dire que tout s'est fait très différemment. Odin Sphere prenait ses racines dans Princess Crown, un jeu de George Kamitani développé sur Saturn, et Dragon's Crown s'inspirait des jeux d'action à scrolling que l'on pouvait auparavant trouver dans les salles d'arcade. Même si j'ai entendu dire que les combats de 13 Sentinels : Aegis Rim étaient basés sur GrimGrimoire, il n'y a pas vraiment de jeu sur lequel nous aurions pu nous appuyer pour la partie narrative de l'aventure. Evidemment, il existe de nombreux jeu de ce genre qui proposent le même type de progression et une vue de côté, mais je pense que notre mécanique visant à collecter des mots-clés pour réussir à progresser tout en permettant de développer les pensées et l'état d'esprit de nos personnages est quelque chose de complètement nouveau. Dans un sens, je pense que nous avons dû nous adapter, et construire un modèle relativement inédit.
Cette fois, l'histoire mélange de nombreuses influences et des périodes historiques différentes. Pourquoi avoir choisi d'éclater à ce point la narration ? Aviez-vous pour objectif de pousser encore plus loin la réflexion entamée avec Odin Sphere ?
13 Sentinels : Aegis Rim est surtout né de l'envie que Mr Kamitani nourrissait, celle de proposer un récit initiatique sur la période du lycée, et comme il était étudiant dans les années 1980, cela avait du sens de reprendre cette période. J'ai été très impressionné par sa capacité de réflexion, car nous n'avions pas beaucoup d'éléments à disposition : il s'agissait de mélanger des étudiants venus de décennies différentes, et de les rassembler dans un lycée où tout le monde porterait le même uniforme. Après le succès d'Odin Sphere, je pense qu'il voulait dès le départ raconter une histoire avec beaucoup de personnages différents. Odin Sphere dépeignait la beauté, la force et la fragilité des sentiments humains, en alternant entre cinq perspectives différentes, pour nous permettre de comprendre les réelles motivations de chacun. 13 Sentinels : Aegis Rim ne s'entend pas comme un jeu d'aventure où l'on résoudrait des énigmes, mais une histoire dans laquelle les joueurs peuvent lire entre les lignes et formuler leurs propres théories en fonction de leur expérience personnelle, et ainsi faire du jeu une expérience unique, qui dépend d'abord de leur vécu.
13 Sentinels : Aegis Rim multiplie les références culturelles, des films de kaiju typiques du Japon à la science-fiction occidentale : était-ce l'occasion d'y mettre toutes les idées que vous ne pouviez pas exploiter dans les univers médiévaux de vos précédents jeux ?
Comme je l'expliquais, il a été décidé dès 2013 que nous nous concentrerions sur un jeu narratif, situé dans le milieu lycéen des années 1980, avec des emprunts au genre de la science-fiction, ce qui impliquait de prendre une direction totalement différente de nos précédentes productions, principalement médiévales-fantastiques. La difficulté est surtout venue de la façon dont les joueurs allaient pouvoir découvrir une histoire morcelée avant de parvenir à la révélation finale, qui n'a jamais changé depuis le début du développement. Le jeu est effectivement rempli d'échos d'une certaine époque, et rend hommage aux éléments les plus populaires des années 1980. Nous nous sommes basés sur l'expérience de Mr Kamitani afin de créer de réelles différences sur le ressenti des joueurs. Pour ceux qui sont épris de culture japonaise - et j'imagine que c'est le cas des lecteurs de votre article, l'expérience sera très intéressante, car la décennie marque un tournant dans l'histoire du Japon : l'économie était en plein boom, et l'on assistait à la naissance de nombreuses formes de sous-culture dans le milieu du jeu vidéo et de l'animation.
Entre les films de kaijus, les bombardements de 1945 ou la présence de méchas, le jeu prend des airs de célébration de la culture japonaise et de ses influences. En aviez-vous conscience ?
Tout à fait. Une fois parvenus au bout de l'aventure, je serais comblé que les joueurs partagent leurs théories sur les choix que nous avons opéré. Les personnes ayant grandi en France et donc appréhendé le monde à travers un référent culturel et générationnel très différent ressentiront 13 Sentinels : Aegis Rim d'une toute autre manière, et je suis curieux de connaître le point de vue et l'interprétation des Français. Je ne peux évidemment pas m'empêcher de penser aux nuances qui pourraient passer sous les radars de par nos différences culturelles et linguistiques, mais je pense que certaines choses sont universelles. J'espère que les joueurs français pourront pleinement profiter de l'histoire et parvenir à son terme, même si elle se déroule sur une île lointaine, à l'autre bout du monde, et met en scène un folklore assez peu familier pour eux. Mais je ne m'en fais pas, puisqu'Atlus est connu pour ses excellentes localisations ! (rires)