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J'ai aimé Beyond pour ce qu'il m'a dit sur moi-même. Pour l'écho qu'il a su produire sur moi, mon vécu, ma relation avec mes parents, et plus largement les êtres qui me sont chers. C'est d'ailleurs dans les scènes les plus intimistes, celles retraçant l'enfance volée de Jodie ou ses premiers pas d'adolescente que, à mes yeux, le jeu m'a transporté. Moins dans ces aspects hollywoodiens.
Il y a 3 moments dont j'ai ainsi envie de vous parler, des symboles de ce qui font de Beyond un jeu à part. Et j'insiste sur le terme "jeu", car sans interaction, ils n'auraient pu exister. Des moments personnels que je souhaite partager avec vous, mais qui évidemment sont autant de spoilers. A vous de choisir...
- SPOILERS -
Ma relation avec Aiden, ou plus précisément ma manière de l'incarner, a évoluée profondément au fil de l'aventure. Dans les premiers actes, j'étais un joueur. Un véritable ado découvrant son pouvoir et les possibilités qu'il lui offre. Je testais. Je brisais. J'affolais les gens... et Jodie. Qu'importe, j'étais dans un jeu, j'en étais le maître tout puissant. Je jubilais.
Et puis les heures passèrent. L'histoire de Jodie se dévoila. Et petit à petit, ce bout de femme à l'existence cabossée, non, je n'avais définitivement plus envie de "jouer" avec elle. Plus tard, lorsqu'il s'agit pour elle d'effectuer ses premiers pas de femme, je n'avais plus envie de lui briser sa chance. Mon regard sur elle avait changé, j'avais quelque part grandi. Je prenais conscience des conséquences de mes actes et même s'il ne s'agit que d'un jeu, non, définitivement je n'avais plus envie de simplement m'amuser.
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Un doudou... qui n'en a pas eu. Enfant, j'en ai possédé un et l'ai aimé de toutes mes forces. Un écureuil offert à ma naissance. Un confident. Un compagnon et un allier quand la lumière s'éteignait le soir, dans la maison de campagne qui me terrifiait.
Jodie avait, elle, des raisons d'avoir peur. Et là, j'étais à ses côtés. Plus tard, quand on l'arracha à son "chez elle"... la première chose que je suis allé faire, le premier objet vers lequel je me suis tourné, presque instinctivement, c'est le doudou. Je me suis approché, l'ai serré contre Jodie, me suis assis sur le lit et je suis resté là, prostré. Une, deux... peut-être trois minutes. Je pensais à elle, je pensais à comment je réagirai à sa place, des souvenirs revenaient. J'étais triste. J'ai pris mon temps. J'ai joué la scène, mais surtout je l'ai vécu. Intensément.
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Face à Jodie, sa mère. Des années de séparation. Une vie à ne pas la connaître. Face à Jodie, un légume. Grâce à Aiden, pendant un court instant, les deux (les trois) se retrouvent, peuvent se serrer dans les bras, se parler, se dire combien elles auraient aimé se connaître, s'aimer. Et l'illusion se rompt. Le légume est toujours là.
J'hésite à quitter le lieu... avant d'apercevoir le coeur fragile de la mère de Jodie. Une simple pompe. Arrêter ce cirque ou continuer à faire vivre le néant ? Mes mains se sont crispés, une vague de sentiments se sont télescopés. J'étais figé. J'avais le choix. Pourrais-je la sauver plus tard ? Serait-ce vraiment la dernière fois où nous nous verrions ? Cette mère pourrait être la mienne. Le débat sur l'euthanasie. Et là, sans crier gare, les larmes. Un torrent. Je détournais le regard. J'ai pensé à mes soeurs, à ma famille, à la vie. Un débat interne, violent s'est emparé de moi. Je l'ai tué. Et la vibration finale, le dernier battement de coeur ressenti au creux de mes mains... je le sens encore aujourd'hui.
En me retournant, je ne savais pas si j'avais pris la bonne décision. Pas pour le jeu, mais pour moi. Encore aujourd'hui, cette décision résonne en moi et me hante. Une trace indélébile... au-delà du jeu. A mes yeux de joueur, cela vaut tant de bonnes séquences de gameplay...