Après l'annonce de l'exorbitant prix de vente de l'Oculus Rift hier soir, certains n'ont pas hésité à prononcer l'heure du décès du casque de réalité virtuelle. Mais même s'il est aisé de penser qu'avec ce prix de vente Facebook a tué dans l'oeuf sa vision de la réalité virtuelle, les choses ne sont pas si catastrophiques qu'elles en ont l'air. Il est en effet important de ne pas confondre désespoir personnel et situation désespérée.
Le destin de l'Oculus Rift n'est pas scellé
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L'information a fait l'effet d'une bombe, puante diront certains, lors de son annonce hier soir. Le première modèle de l'Oculus Rift destiné au grand public sera vendu 599 dollars aux États-Unis et 699 euros en Europe (sans compter les frais de port). Sans surprise vue la grosseur du chiffre, les réseaux sociaux et forums ont immédiatement été recouverts de messages d'internautes choqués et déçus.
Il est évident que ce tarif est prohibitif pour un très grand nombre de personnes, votre serviteur y compris. Il est cependant essentiel de garder à l'esprit qu'Oculus VR ne cherche pas à vendre son masque Rift, comme une maison de disque cherche à vendre son tube de l'été. Il n'est pas ici question d'un one shot, mais d'une graine plantée dans un désert potentiellement fertile. Utiliser le mauvais engrais pourrait rendre le terrain inexploitable pendant très longtemps.
Prudence est mère de sûreté
Proposer au grand public un concept innovant, bon marché, mais inachevé ou mal pensé peut faire perdre plusieurs dizaines d'années à la réalité virtuelle. Après les concepts fantasmés par la science fiction des années 80-90 et quelques essais ratés (le bide du Virtual Boy de Nintendo en 1995 est un bon exemple même s'il ne s'agissait finalement pas vraiment de réalité virtuelle), il a fallu une vingtaine d'années pour que l'idée de la réalité virtuelle soit à nouveau acceptée et prise au sérieux par le public (et encore, il reste encore de nombreux réticents à convaincre, ce qui est tout à fait normal).
Proposer un produit bon marché cela serait courir le risque de mettre un casque technologiquement "cheap" dans les mains des consommateurs et de les dégoûter à nouveau pour plusieurs années. Chien échaudé craint l'eau froide et Oculus ne veut pas avoir à attendre des "siècles" avant d'imposer la réalité virtuelle.
Avec ce premier modèle grand public de l'Oculus Rift, Oculus VR a en fin de compte fait le pari de proposer un produit haut-de-gamme qui s'adresse dans un premier temps aux "early adopters" technophiles et aux influenceurs aisés. Si la qualité du produit est au rendez-vous, ces derniers vont "prêcher" la bonne parole et créer une envie chez le reste des consommateurs qui continuera de grandir au fil du temps. Lorsque l'Oculus Rift deviendra finalement accessible, alors ces autres consommateurs se "rueront" dessus. C'est un cycle somme toute assez classique. Les vives réactions des internautes à l'annonce du prix du casque montrent clairement qu'il existe une envie de la part du public. Une fois encore, le pari est risqué. Mais Oculus VR est loin d'avoir tué son produit avant même sa sortie.
Les temps changent
Alors oui, Oculus VR se contredit en proposant son casque à 700 euros. Même s'il avait laissé entendre en 2013 que le premier Oculus Rift grand public serait vendu aux alentours de 300 euros, Palmer Luckey, le créateur de l'Oculus Rift, a également déclaré que la réalité virtuelle ne serait pas d'emblée accessible à tous. Soyez certains que si la société avait pu le vendre moins cher, c'est ce qu'elle aurait fait.
Mais la suppositions de 2013 ne sont pas les réalités de 2016. Trois ans en années technologiques, c'est une éternité. En s'approchant de la finalisation du produit fini, les ingénieurs d'Oculus se sont certainement rendus compte qu'ils n'arriveraient pas à proposer le produit tel qu'ils l'imaginaient au prix qu'ils espéraient atteindre. Mais là encore, il y a parfois des choix très douloureux à faire. Et il ne faut pas oublier qu'Oculus VR, c'est Facebook. La société de Mark Zuckerberg a les reins bien assez solides pour supporter des ventes initialement restreintes.
En fin de compte, l'enfer pour Oculus VR (ainsi que pour HTC, Sony, et les autres producteurs de casques de réalité virtuelle), c'est les autres. Une société motivée par l'appât du gain, ou mal préparée, pourrait chercher à s'engouffrer dans la brèche et proposer un produit peut-être plus accessible financièrement mais technologiquement insatisfaisant. Et comme dit plus haut, une telle situation peut faire courir le risque de faire reculer la cause de la réalité virtuelle pour plusieurs années.
Aussi cruelle soit la réalisation que l'on ne pourra pas se procurer un Oculus Rift dès sa sortie en raison de son tarif, il est important de ne pas s'arrêter à son cas personnel pour déterminer que l'Oculus Rift est mort et enterré. La démocratisation de la réalité virtuelle est un marathon, pas un 100 mètres. Oculus va devoir courir encore longtemps avant d'atteindre la ligne d'arrivée. Et même si c'est décevant pour un certain nombre de personnes, et en admettant que d'autres sociétés ne "gâchent" pas la réalité virtuelle, nous pourrions tous être gagnants en fin de compte. Comme disait un certain Jean de La Fontaine : "patience et longueur de temps font plus que force ni que rage."
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