La semaine dernière, nous abordions le "nouveau" phénomène qu'est le sport électronique sur un plan assez large. Ce secteur si particulier du jeu vidéo intrigue et vit une période folle. Le nombre de joueurs, spectateurs et investisseurs explose et personne n'est capable de dire quand cela s'estompera.
L'e-sport en 6 questions
Tous les jeudis sur Gameblog, retrouvez une chronique e-sport réalisée par la Team aAa.
L'e-sport vit-il l'ascension qu'a connue le Poker au début des années 2000 avant de se stabiliser à un niveau marginal comme l'a fait ce fameux jeu de cartes ? Ou va-t-il poursuivre sa croissance jusqu'à atteindre la popularité qu'ont les plus grands sports du monde ?
Ce genre de questions est légion, mais il faut se faire une raison : bien que certains éléments laissent entrevoir un avenir doré pour cette discipline, il faudra attendre que le temps passe pour être fixés. Cependant, d'autres questions et réponses peuvent être intéressantes pour les personnes qui découvrent ce monde e-sportif. Nous allons donc nous pencher sur ces fameuses interrogations qui reviennent souvent aux oreilles des joueurs professionnels et autres assidus passionnés.
1. Est-ce vraiment un sport ?
Ce débat houleux divise et n'a pas de réponse universelle. Certains avancent que jouer à un jeu vidéo ne représente en rien un effort physique tandis que d'autres affirment que les joueurs professionnels réalisent avec leurs mains des performances que le commun des mortels ne peut réaliser. D'autres encore comparent l'e-sport aux échecs, discipline qui a été reconnue comme sport par le comité international olympique en 1999.
D'ailleurs, la fédération d'e-sport coréenne créé en 2000 par le Ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme a annoncé avoir passé avec succès le second pallier pour faire reconnaître le progaming comme un sport aux yeux du CIO. Si la prochaine étape est franchie, l'e-sport rejoindra le baseball, le karaté ou encore le bridge (oui, le jeu de cartes) dans la longue liste des sports pouvant être sélectionnés lors des prochains Jeux Olympiques.
Il est aussi intéressant de noter que la Malaisie a créé en début d'année une direction ministérielle dédiée à l'e-sport et rattachée au ministère des sports (faisant donc officiellement de l'e-sport un sport, du moins dans ses contrées). Cependant, le fait qu'un gouvernement fasse un tel choix change-t-il l'avis de tous les citoyens sur la question ? Probablement pas.
Les rares cas où la question ne se pose plus existent lors des compétitions sur des licences comme Just Dance. Des joueurs s'affrontent sur des jeux vidéo en dansant devant leur écran et comme nous avons pu le voir lors du dernier ESWC (Coupe du monde des jeux vidéo organisée durant la Paris Games Week), les matchs sont très éprouvants. Il s'agit alors, dans de tels cas, effectivement de sport. Pour les autres jeux, les avis divergent selon les points de vue et il sera impossible d'établir une réponse acceptée par tous.
2. Qui en vit ?
En proportion à la quantité de joueurs actifs sur notre belle planète bleue, les professionnels sont très peu nombreux. Mais ils se multiplient grâce au développement de l'e-sport. Les équipes ont toujours plus de moyens et peuvent se permettre d'employer à plein temps plusieurs compétiteurs. Les licences regroupant beaucoup de professionnels à travers le Globe sont League of Legends, Starcraft, DotA ou encore Counter-Strike (d'autres jeux ont aussi leur scène pro', mais ils sont marginalisés géographiquement). Certains éditeurs comme RIOT vont même jusqu'à financer des gaming houses (lieu où vivent et s'entraînent les joueurs) et fournissent des salaires fixes aux gamers présents dans leur championnat officiel.
Les semi-professionnels existent aussi et sont payés à temps partiels par leur team. Il est plus difficile pour eux de se démarquer que les joueurs pros car ils n'ont pas systématiquement la possibilité de se déplacer aux quatre coins du monde pour participer aux plus prestigieux tournois. Ce n'est pas le meilleur des modes de vie, mais la grande majorité des stars du milieu sont passées par là.
Ces dernières décrochent de nos jours des contrats pharaoniques. Certains joueurs coréens de League of Legends devenus de grandes vedettes en Asie grâce à leurs performances durant les championnats officiels et ont été recrutés par des structures chinoises pour des contrats annuels dépassant les 500.000 dollars. Ces sommes impressionnent mais restent encore assez marginales en 2015, la grande majorité des joueurs professionnels ne gagnant pas plus de 5.000€ par mois.
3. Comment devenir joueur professionnel ?
Tous les joueurs pros ont pour la plupart suivi le même parcours. Ils ont joué sur leur temps libre pendant leurs études et se sont entraînés méthodiquement pour perfectionner leur jeu. Le soir, les week-ends et durant les vacances ils ont tenté leur chance dans des compétitions online et se sont faits repérer par des écuries. Celles-ci leur ont permis de se rendre à quelques LAN (des tournois offline organisés dans des lieux précis) et ils ont pu poursuivre leur apprentissage. C'est ainsi qu'a commencé une grande majorité des carrières.
Il arrive régulièrement que des structures réputées reçoivent des candidatures de joueurs novices étant prêts à mettre entre parenthèses leur vie privée pour se concentrer sur un jeu et devenir professionnels. Seulement, ça ne marche pas dans ce sens-là. Personne ne prendra le risque de recruter et salarier ainsi un joueur puisque seul le temps répond à la question "quel niveau peut-il atteindre ?".
Il n'est pas rare de rencontrer des personnes coincées à un niveau national alors que d'autres décrochent des titres au-delà de leurs frontières en jouant beaucoup moins. Le temps et les méthodes d'entraînement ne font pas tout, le talent joue aussi un rôle primordial.
4. Quelles sont les principales compétitions et comment les suivre ?
En 2015, il n'existe aucune fédération internationale reconnue par les Etats qui cadre les compétitions. Seule la Corée du Sud possède une fédération sérieusement implantée dans le paysage politique national, et c'est d'ailleurs celle-ci qui porte l'e-sport sur de nombreux fronts. Si elle parvient à faire entrer l'e-sport dans la liste du CIO, un grand pas sera franchi vers une potentielle fédération internationale.
Très voire trop nombreuses, les compétitions sont le centre névralgique de l'e-sport et continueront de voir leur nombre augmenter tant qu'aucune organisation légitime n'imposera un seul et unique circuit à tous.
En attendant, les joueurs s'affrontent lors de grands championnats organisés par différentes sociétés qui bataillent dur pour décrocher de gros contrats avec des sponsors et des éditeurs qui souhaitent développer l'image de leur jeu. Ce sont d'ailleurs ces derniers qui mettent parfois la main à la poche pour financer de "vraies" Coupes du Monde avec des millions de dollars à gagner. DotA 2, League of Legends, Call of Duty ou encore Smite sont des jeux où il est possible de se partager de tels gains à quatre ou cinq.
Tous les tournois ayant un minimum d'intérêt sont aujourd'hui diffusés en direct sur le net via différentes plates-formes de streaming (Twitch TV, Dailymotion, Youtube, Azubu...). Des tchats sont liés à ses streams et permettent aux "viewers" de discuter entre eux tout en assistant au show. Plusieurs sites internet comme team-aAa.com sont spécialisés dans le suivi rédactionnel de ces événements et permettent à leurs lecteurs de se tenir au courant des derniers résultats sans être obligés de suivre la compétition en direct.
5. Quels pays dominent et pourquoi ?
A l'instar du sport, certains pays dominent des disciplines e-sportives. Historiquement, la Corée du Sud est par exemple la contrée des Dieux du RTS. Que ce soit sur Starcraft (I et II) ou Warcraft III, les deux licences les plus populaires dans le secteur du jeu de stratégie, leurs représentants ont tout raflé. De rares exceptions étrangères leur ont causé quelques difficultés (comme les Français Elky, ToD et Stephano ou quelques joueurs chinois) mais globalement, cette nation est un véritable modèle de réussite sur les produits Blizzard.
Côté FPS, les Occidentaux excellent. Plusieurs joueurs suédois, entre autres, sont des légendes vivantes sur Counter-Strike tandis que les Américains dominent quasi sans partage les compétitions Call of Duty. Néanmoins, si les Asiatiques ne sont pas présents sur ces podiums, ce n'est pas par manque de niveau mais simplement parce que ce sont d'autres FPS qui rencontrent du succès sur leur scène e-sport. Nous pouvons notamment citer Counter Strike Online (une version assez proche du CS joué en Europe et aux USA) et CrossFire (jeu disponible depuis 2008 en Chine et très semblable au CS occidental, lui aussi).
Le monde des jeux de combats sur consoles est plus partagé, en témoignent les résultats de l'Evolution CHampionship Series, la Grande Messe du genre, où les Japonais et Américains trustaient la plupart des podiums. Trustaient car, depuis 2012, la fameuse Corée du Sud parvient à placer de nombreux joueurs en haut de l'affiche tandis que les champions japonais se font plus discrets. En 2014 par exemple, un seul titre sur huit compétitions a été raflé par l'un d'entre eux.
Les régions du monde ont donc parfois leurs spécialités et cultures mais il faut reconnaitre que lorsqu'un jeu s'impose sur tous les continents, comme League of Legends, les sud-coréens ont tendance à prouver que leurs drastiques méthodes d'entraînement sont les plus efficaces.
6. Qui finance l'e-sport ?
Tout le monde, les barrières ont toutes disparues. Il y a encore quelques années de cela, seules les marques spécialisées dans les nouvelles technologies étaient intéressées par l'e-sport, mais aujourd'hui ce n'est plus le cas. Les tournois sont sponsorisés par Coca Cola ou bien Red Bull comme nous vous le disions la semaine dernière et les équipes parviennent à attirer l'attention d'entreprises telles que Nissan, Beats By Dr.Dre ou encore... Youporn. Le public joue aussi un rôle prépondérant via des dons et du financement participatif.
Au-delà des organisateurs de compétitions et des formations, d'autres types de compagnies sont nés et attirent les investisseurs. A titre d'exemple, une agence de management de joueurs a beaucoup fait parler d'elle courant janvier en ayant été rachetée par IMG | WME Entertainment, la doyenne des agences américaines. Elle a notamment géré les carrières de Marilyn Monroe, Elvis Presley, Frank Sinatra et des Rolling Stones avant de s'occuper aujourd'hui de Hugh Jackman, Novac Djokovic ou encore Lady Gaga. Un bon bagage.
L'annonce de ce rachat a fait grand bruit, mais la communauté a commencé à s'habituer à la pluie de dollars qui s'abat sur elle depuis quelques mois. Les acquisitions à coup de millions se font nombreuses et vont se multiplier. La plus impressionnante en date est probablement celle de Twitch TV par Amazon pour presque un milliard de dollars (au passage, Twitch TV a quelques semaines plus tard acheté Goodgame, société possédant des équipes extrêmement populaires en Europe et aux Etats-Unis).
Ces questions/réponses auront, nous l'espérons, comblé une partie de votre curiosité. Nous imaginons cependant bien que d'autres interrogations sont encore présentes dans vos esprits tant l'e-sport est vaste et en perpétuel mouvement. N'hésitez donc pas à questionner la rédaction en commentaires si le domaine vous intéresse, cela nous permettra premièrement de vous répondre directement mais aussi et surtout d'orienter au mieux les prochains articles dédiés à cette discipline qui risque bien de changer de visage ces prochains mois. A vous de jouer...
La team aAa, pour against All authority, est née en 2000 sur Quake III. Quelques mois plus tard, elle fusionne avec Alliance (*A*) et prend le tag *aAa* qui ne la quittera plus jamais. Vainqueur d'innombrables tournois internationaux dont la Blizzcon, la Quakecon ou encore plusieurs ESWC durant ces quinze ans d'existence, la formation fait partie des équipes les plus populaires de France et d'Europe. En parallèle, en 2004, le site team-aAa.com évolue et lance une rédaction qui a depuis pour mission de traiter l'actualité e-sport quotidiennement.