Si d'aucuns considèrent Metal Gear comme le papa de l'infiltration, alors Thief, c'est un peu la maman. La série a déjà connu trois jeux, mais le dernier date d'il y a presque 10 ans... Et lancé par la réussite Deus Ex Human Revolution, Eidos Montreal commence à ouvrir les vannes sur son second projet de grande réhabilitation. Au passage, il perd son "4", et se pare d'atours de reboot... Mais notre premier contact avec Garrett ne nous en a pas moins rappelé les originaux ; heureusement.
Pourtant, pour Stéphane Roy, le producteur du jeu, et Nicolas Cantin (co-créateur d'Altaïr, un autre encapuchonné), son directeur, réinventer l'IP n'est qu'un des piliers du jeu. Les deux autres : donner un sens de l'échelle et de la liberté supérieurs à ses ascendants, mais aussi le rendre moderne, y compris dans l'accessibilité qu'attendent les joueurs d'aujourd'hui d'un gameplay. Point de gros mot, là-dedans ; il ne s'agit pas nécessairement d'en faire un titre ultra-accessible, simplement de le rendre moins frustrant, et correspondant à des standards d'aujourd'hui. Du simple point de vue technique, ça veut dire aussi tout baser sur la next-gen.
Noir c'est noir
Pendant les 30 petites minutes de gameplay que nous avons pu découvrir à Montréal en compagnie de l'équipe de développement, si le cachet next-gen a su se montrer bien présent, c'était plutôt dans les détails. Il ne faudra pas s'attendre à l'excellence visuelle des démos techniques diverses qui traînent en ce moment sur YouTube : simplement à une finesse visuelle accrue, à des effets mieux maîtrisés depuis la pluie jusqu'à la crasse de La Ville, en passant par les fumées troubles, la gestion des ombres (fondamentale dans le gameplay) et ce genre de choses. C'est très fin, c'est très propre, mais ce que nous avons vu tourner (sur un PC) n'augure pas d'un fossé inattendu avec les réalisations actuelles. Alors, certes, on nous a promis un Ville immense pour servir de hub entre les missions qu'entreprendra notre maître-voleur Garrett, mais on ne l'a pas vue. Tout juste aurons-nous dû nous contenter d'une jolie démo technique d'un bâtiment en proie aux flammes, avec propagation physique réaliste du feu (une mécanique qui pourrait servir à couvrir une fuite pour un coup mal engagé), en plus de la démo de gameplay, mais autant le dire tout de suite : on ne jouera pas à Thief pour le plaisir des yeux avant tout. De toutes façons, vu qu'on y passera un paquet de temps accroupi dans l'ombre, ce n'est pas bien grave...
Thief's Edge
Garrett, le parfait gotho-voleur encapuchonné dont la tenue ferait frémir toute dominatrix qui se respecte, est donc de retour en ville. Caché à bord d'une carriole, il nous fait découvrir en se parlant à lui-même autant qu'en observant, pendant les premières minutes de cette démo, une ville mi-médiévale mi-victorienne, en voie d'industrialisation, et particulièrement sombre. Une charrue jonchée de cadavres nous rappelle sur la gauche que la peste y rôde, tandis qu'un malheureux se fait pendre sur la droite pour rappeler qu'elle est dirigée par un tyran qui justement, n'apprécie pas les voleurs. Indubitablement, il y a là un fumet de Dishonored et de sa Dunwall, et c'est bien normal : les trois premiers Thief sont une des inspiration majeure du titre d'Arkane Studios. Une fois sorti de carriole, Garrett se retrouve planqué derrière des caisses. Immédiatement, le pourtour de l'écran s'assombrit, indiquant qu'il est parfaitement courvert des ténèbres et indétectable. Au cas où cela ne suffirait pas, un discret indicateur en bas de l'écran en forme de cercle noir en informe le joueur. Une main clairement visible, posée sur la caisse qui le masque aux yeux de deux gardes, il écoute leur conversation. Dans Thief, Garrett est donc un maître-voleur, certes, mais il ne fera pas que voler des objets de valeur ; l'information aussi, ça se monnaye. Pour l'heure, rien d'intéressant avec ces deux là : il se saisit d'une bouteille, la balance au travers d'une fenêtre ouverte dans un bâtiment voisin pour créer une diversion, et en profite pour grimper sur les toits histoire d'avoir une meilleure vue de la ville. Il est à la recherche d'un certain Eastwick, qui se rend à la House of Blossoms, un bordel pour riches. Garrett et à la bourre : s'engage alors une course poursuite sur les toits, façon Mirror's Edge, qui surprend autant qu'elle pimente l'action, pour arriver à l'heure sur place et voir Eastwick entrer. L'occasion de deviner une partie du travail effectué sur la "conscience du corps" du jeu, mais aussi ce qui ne manquera de servir à la tension des scènes de fuites.
"Tout est dans le défi"
Alors qu'Eastwick, bien escorté, pénètre dans la House of Blossoms, il s'agit pour le joueur de trouver un point d'entrée alternatif. A l'inverse de Dishonored, si Garrett est aussi agile que Corvo, il n'est clairement pas aussi affûté que lui pour y aller brutalement. Thief est et reste un jeu d'infiltration plus qu'un titre d'action, même si, nous y reviendrons, son héros n'est pas incapable de se défendre, bien au contraire. Son truc à lui, ça reste d'entrer, voler, et sortir sans se faire remarquer, et quand il s'agit de taper, ce sera de préférence sur l'arrière des crânes avec son gourdin. Dans la continuité de ce qu'avait inventé les précédent jeux de la licence, Garrett jouera avec les ombres, préférant dasher de l'une à l'autre (une des nouveauté du gameplay), ou les créer si besoin est. Par exemple en éteignant des doigts des bougies (un pouvoir étonnant, moi je n'y arrive toujours pas), ou en utilisant son arc, également de retour. Ce dernier peut en effet toujours tirer les fameuses flèches à eau. Bien entendu, les gardes auront tendance à aller les rallumer... mais ça peut suffire, grâce au dash, pour atteindre un autre point d'ombre ou assommer les malheureux. Ou même les attirer dans une pièce, dans laquelle on pourra les enfermer en ricanant ; ils n'ont pas l'air de penser à gueuler ou tambouriner pour sortir, malheureusement. On peut même utiliser l'ombre des gardes eux-mêmes pour rester planqué ; c'est dire à quel point le costume de Garrett est efficace pour le fondre dans les ténèbres... Parmi les autres ustensiles bien pratiques dont le maître-voleur (qui pourront bien entendu être améliorer au fil de l'aventure) il y a la Griffe. Elle lui permettra de jouer les Spider-Man, pendu au plafond par exemple, ou de crapahuter. Si pendant l'essentiel de ces séquences, Thief conserve sa vue subjective, on n'a tout de même pu voir un passage où la caméra passait en vue à la troisième personne pour un passage à la Uncharted, pendant lequel Garrett escaladait une façade de bâtiment en ruines sans se faire repérer par les quelques gardes à l'intérieur, plus préoccupés par l'état de décrépitude des planchers qu'ils arpentaient et la protection d'Eastwick que par les bruits que le crapahutage ne manquait pas de créer. Signalons au passage un gros travail sur le son, justement, qui participe beaucoup à l'ambiance.
Au nez et à la barbe de tous
A l'intérieur du bordel, Garrett navigue d'ombre en ombre. Il peut tout à fait rester à deux mètre de quelqu'un sans se faire remarquer, tant qu'il est couvert par les ténèbres. En passant de l'une à l'autre, le jeu signale la perte de ce bénéfice par un flash blanc à l'écran, tandis que l'indicateur passe du noir au blanc. Tout en cherchant à atteindre le bureau d'une certaine Xiao Xiao qui se révèlera être le travesti exploitant cette maison close, Garrett dérobe quelques objets de valeur, parfois directement portés par les personnage, grâce à son Focus. Le Focus, c'est la capacité que lui octroie son Oeil bizarre ; elle servira par exemple à repérer des empruntes sur un mur qui révèleront un passage secret, à ralentir le temps et dérober boucles d'oreilles et collier dans le dos d'une courtisane sans qu'elle ne s'en aperçoive, à détecter des objets de valeurs, à crocheter plus rapidement les serrures (une action qui se déroule au travers d'un mini-jeu), ou encore à échapper aux assauts de gardes qui auraient repéré le joueur. C'est une ressource de valeur, mais d'une part facultative, et d'autre part limitée. Une jauge régit la dépense du Focus, et sa taille comme sa capacité à se recharger via certaines actions (non-précisées) dépendra a priori des niveaux de difficulté choisis par les joueurs. Une fois Eastwick localisé au travers d'un jeu de cache-cache permis par les passages secrets installés par Xiao-Xiao pour espionner ses clients, Garrett se glisse subrepticement dans la bonne chambre, et subtilise ce qu'il était venu chercher : le médaillon d'Eastwick. Un médaillon tout à fait spécial, mécanique, que Garrett active alors en alignant des glyphes. Il se met en branle, s'illumine, se réarrange, puis s'éteint... on n'en saura pas plus sur son utilité et ce qu'il représente pour Garrett, car ce dernier doit à présent prendre la poudre d'escampette. Eastwick ne tarde pas à s'énerver de ne pas retrouver son médaillon là où il l'avait posé, et tout en allant se plaindre à droite à gauche, semble prêt à déclencher un remue-ménage qui ne servira pas les intérêts de Garrett. Qu'à cela ne tienne, ce dernier profite du système de ventilation découvert un peu plus tard pour endormir un peu tout le monde en y balançant des fumées d'opium et couvrir sa fuite. Mais, alors qu'il atteint la porte, de nouveaux gardes pénètrent l'établissement, direct, face à lui. Impossible de se dissimulé, il a été vu. Ni-une, ni-deux, Garrett décoche une flèche sur une statue surplombant l'entrée, indiquée par un reflet bleuté grâce à son focus qu'il a enclenché aussi tôt repéré. Elle s'abat sur les deux premiers, tandis que Garrett bondit au-dehors, uniquement pour se retrouver nez à nez avec deux autres. Si l'essentiel des "combats" se dérouleront normalement en temps réel, mais consisteront plus en des coups de matraque et des flèches silencieusement tirées sur les cibles isolées, face à une telle situation, le focus sera roi : grâce à lui, le joueur pourra viser précisément certaines parties de ses adversaires, au ralenti (gorge, poitrine, mains, etc.), pour leur asséner quelques coups déstabilisants avant de prendre la poudre d'escampette en sautant par dessus le balcon.
Rendez-vous à l'E3
C'est à peu près tout ce qu'on a découvert du jeu pour le moment. On a eu pas mal de promesses : ville-hub gigantesque, planque de Garrett, missions laissant une grande liberté au joueur, scénario plus travaillé, missions secondaires données par un certain Basso, importance de planquer les corps, IA travaillée et niveaux d'alerte qui ne redescendent pas n'importe comment, progression du personnage ET de son équipement... mais tout cela n'a pas dépassé ce stade pour l'instant. C'est clair : les développeurs en gardent un max sous le coude pour l'E3 en Juin prochain. Néanmoins, les fans de la licence n'ont pas à trop s'inquiéter pour l'instant : si certains des nouveaux éléments pourraient en faire pleurnicher certains, l'esprit d'origine reste présent, et les ajouts d'accessibilité restent d'une utilisation optionnelle pour le moment. Si ce Thief parvient aussi bien à ressusciter la licence que Human Revolution a pu le faire avec Deus Ex, ils en seront les premiers bénéficiaires... Réponse définitive en 2014, sur PC et consoles Next-Gen (en tout cas PS4, sûr), mais on aura sans aucun doute l'occasion d'en reparler d'ici là.