Je suis amoureux de la saga Resident Evil depuis l'ouverture des portes du manoir il y a de ça... houlà, 11 ans maintenant. J'ai parcouru chaque couloir, sursauté à l'envi, exterminé du zombie par paquet de millions, j'ai bravé tous les dangers, j'ai subi les scénario les plus pathétiques... et surtout j'ai pris un pied monstrueux (hormis dans l'épisode Zéro).
C'est donc les yeux grands ouverts, la bave violemment dégoulinante que j'ai découvert ébahi le trailer hallucinant de Resident Evil 5. Une prouesse technique époustouflante, un exemple d'ambiance oppressante... mais aussi un terreau évident de polémique. Oui, l'avenir de ce Resident me paraît complexe. Oui, je pense que Capcom, probablement plus naïvement que par provocation, n'a pas du tout cerné le caractère explosif de son jeu. Pourquoi ? Eh bien tout simplement en choisissant comme cadre l'Afrique et par extension, la mise en scène "ludique" d'un massacre en règle par un américain body-buildé (Chris Redfield) d'africains, certes possédés.
Sida. Darfour. Génocide rwandais. Autant de sombres actualités qui risquent bien de susciter une levée de bouclier dans les jours, semaines, mois à venir lorsque le grand public, les médias mainstream et certaines communautés s'empareront du jeu. D'ailleurs, les premières réactions n'ont pas tardé :
"Doit-on voir dans ce jeu, le gentil héros blanc contre les méchants noirs ? S'agit-il d'une guerre raciale ? Et c'est tout le problème avec les thématiques des zombies en Afrique. En regardant le trailer, je vois un message différent. Ce n'est pas tant le fait que ces zombies soient noirs qui pose problème, mais que les villageois noirs non-infectés soient déjà, eux aussi, visuellement proches du zombie."
Ces propos sont ceux de la journaliste Bonnie Ruberg de Village Voice qui se fait plus précise :
"Soyez mordus, recevez une minuscule goutte de sang dans une plaie ouverte, et vous êtes finis. Bientôt, vous aussi serez porteur du virus des morts-vivants. Ca ne vous rappelle rien ? On pourrait tout aussi bien parler du SIDA, qui a tué 15 millions d'Africains et en a infecté 25 millions d'autres sur le continent."
Bien évidemment, en tant que joueur, la première réaction serait de faire le distingo entre réalité, et cette fiction numérique. De souligner que jusqu'à présent les zombies avaient toujours été blancs et que personne n'y avait trouvé à redire. Dans Resident Evil 4, shooter du paysan espagnol zombifié avait même apporté un zeste de fraîcheur... Sauf que tout est toujours question de contexte, de référence. Il y a perceptiblement ici quelque chose qui dérange, et les premiers plans du trailer sont là pour renforcer ce malaise. Avant même la contamination, le village et ses habitants semblent malfaisants. C'est une ambiance, mais les fans de la saga se rappelleront que ce n'est pas non plus une première pour Capcom !
En effet qui se souvient de la séquence cinématique où, dans Resident Evil Zero, Billy Cohense se retrouvait, fusil d'assaut en mains, en train de réaliser un véritable massacre de femmes, d'hommes et d'enfants dans un village... africain ! Désagréable impression de déjà vu. Surtout que les ennemis dévoilés juste après étaient alors... des singes !
Le blog Black Looks s'est d'ailleurs aussi inquiété en avançant :
"Resident Evil 5 est problématique à bien des égards, notamment sur sa description des hommes noirs comme des sauvages inhumains, le meurtre de populations noires par un homme blanc en tenue militaire."
Le propos n'est pas ici de dire que les développeurs de Resident Evil sont racistes. Non. En tout cas, ce n'est pas à souhaiter. Mais cela souligne tout de même à quel point les japonais paraissent méconnaître les réactions que ce type d'images peuvent, malheureusement, entraîner aujourd'hui.
En parallèle, il est tout aussi triste de se dire que dans nos sociétés bien pensantes ce qui reste un jeu de zombie en Afrique... a un impact autre que le même titre, avec les mêmes actions, mais situé dans un autre lieu du globe. La next gen rend tout plus crédible. Le jeu vidéo nous rend acteur. Nous savons combien les médias, plus ou moins bien attentionnés, observent notre milieu et ses créations. Leur donner potentiellement du grain à moudre pour la critique aisée se montre donc particulièrement explosif. Le jeu vidéo doit-il s'interdire certains propos, certaines mises en scène ? Ou bien doit-il justement ne pas hésiter à oser, quitte à choquer certains ?
A l'image de la polémique Manhunt 2, le débat est donc aujourd'hui plus que jamais ouvert sur Gameblog. Nous aimerions connaître votre avis. En sachant que bien évidemment, l'ouverture d'esprit est de mise.
N.B. : le trailer en version longue est visionnable ici.