Le plus dur semble être passé pour Rockstar et Take Two, alors que Manhunt 2 sort de la tourmente en obtenant un nouveau rating lui ouvrant la voie jusqu'aux étals américains. Pourtant, comme toute cause dont s'emparent les associations américaines, le lobbyisme continue, parfois légitime, parfois ridicule. Au niveau politique, en tout cas, les nombreuses actions de ces derniers mois pour "contrôler" les jeux vidéo violents semblent se heurter à des problèmes bien plus insurmontables que la grogne des joueurs.
Alors que le titre de Rockstar est passé à un rating M pour Mature après des révisions encore iconnues de son contenu, Manhunt 2 semblait prêt à récolter les fruits de sa célébrité. Prévu pour Octobre aux Etats-Unis, la sortie du jeu qui coïncide avec Halloween n'est évidemment pas du goût de tout le monde, même après les révisions. La CCFC (Campaign For a Commercial-Free Childhood), déjà responsable d'actions similaires sur le territoire américain, continue sa campagne pour sensibiliser les américains au marketing de jeux vidéo violents qui, selon elle, continue de cibler les jeunes joueurs. Gamepolitics rapporte en effet que l'association lobbyiste demande aujourd'hui la mise en place d'un nouveau panel d'évaluation, indépendant des acteurs de l'industrie.
Pubs et jeux, même combat ?
"Même si l'industrie prétend l'inverse, les jeux évalués M continuent d'être marketés et vendus à des enfants de moins de 17 ans... Nous prions Rockstar de permettre au contenu de Manhunt 2 d'être passé en revue par un panel d'évalution sans liens avec l'industrie du jeu vidéo... Nous demandons à la Federal Trade Commission de se pencher sur le processus par lequel Manhunt est redescendu de AO à M."
Basée à Boston, la CCFC avait déjà, peu avant que l'ESRB ne donne un rating AO à Manhunt 2, exprimé son sentiment par rapport au jeu. C'est aussi la CCFC qui avait fait interdire une campagne d'affichage pour GTA Vice City dans le métro, jugée inappropriée. Mais, si l'inquiétude du marketing vers les plus jeunes peut sembler légitime, on ne voit pas en quoi demander une n-ième évaluation du jeu correspond au problème : qu'ils ciblent la pub, ok, le jeu lui-même, c'est plus que discutable.
Des Lois jugées anti-constitutionnelles
Il y a cependant peu de chances que leur demande aboutisse, alors que les Etats-Unis sont déjà en pleine tempête politique au sujet des jeux vidéo, et que la FTC a d'autres affaires à régler, tant elle est sollicitée toutes les semaines par le tristement célèbre Jack Thomson, le croisé anti-jeux le plus connu. La dernière plainte en date de cet avocat concernait les publicités Bioshock diffusées pendant l'émission de la WWE "Smackdown" (dans laquelle il cite d'ailleurs Rockstar, qui n'a rien à voir avec le jeu - brillante illustration de l'idiotie du bonhomme). En outre, cette demande paraît d'autant plus farfelue qu'elle revient plus ou moins à dire que l'ESRB ne sait pas faire son travail... Comment d'autres organismes équivalents dans d'autres domaines réagiraient-ils face à une demande similaire ? La célèbre MPAA (Motion Picture Assiociation of America) pour les films, par exemple ? Toujours est-il que le vrai mouvement est avant tout politique. Le New York Times publiait récemment un article récapitulatif à ce propos, avec en première ligne les tentatives du Terminator Schwarzenegger, actuellement gouverneur de Californie. La mode des lois "anti-jeux" cherchant à réguler nos productions favorites de manière drastique est bel et bien présente aux Etats-Unis, et malgré ses échecs, continue d'être en première ligne des discours de politiciens. Mais en vertu du premier amendement de la constitution, les juges fédéraux ont rejeté, depuis 2001, toutes les lois de ce type proposées dans 8 villes et états.
Le maître mot : la culture
Au delà des mécanismes juridiques et constitutionnels qui bloquent ces lois, les juges eux-mêmes expriment des points de vue. Le plus célèbre d'entre eux, Richard A. Posner, déclarait en 2001, après avoir bloqué une des premières initiatives de ce genre à Indianapolis :
"La violence a toujours constitué et continue de constituer un intérêt central auprès de l'humanité, et c'est un thème récurrent, voire obsessif dans notre culture, la bonne comme la mauvaise. Elle suscite l'intérêt des enfants dès le plus jeune âge, comme le savent tous ceux qui sont familiers avec les classiques du conte de fée comme Grimm, Andersen, et
Perrault. Abriter les enfants jusqu'à l'âge de 18 ans d'une exposition à des descriptions et des images de violence ne serait pas seulement chimérique, mais anti-formateur ; cela les empêcherait d'être équipés pour surmonter le monde tel que nous le connaissons."
On pourra toujours se demander s'il est des prérogatives d'un juge, qui plus est si haut placé, d'exprimer des points de vue aussi clairs sur des domaines encore débattus par beaucoup, et qui relèvent plus de la pédiatrie que de la Loi, mais il est intéressant de constater que pour l'instant en tout cas, ces mêmes juges ne semblent pas disposés à se laisser embarquer dans les croisades politiques aux volontés plus obscurantistes et électorales que progressistes et culturelles.