Le passage de l’écrit à l’image a donc été un pari plus que gagnant pour Solo Leveling. Le succès des romans de Chugong lui a permis de les transposer en bandes-dessinées avec REDICE Studio, puis sur petit écran avec une première saison qui a fait forte impression début 2024. La suite, annoncée pour janvier 2025, est fortement attendue. Alors si vous avez loupé le coche et que vous souhaitez être à jour pour la saison 2, ça tombe bien puisque Solo Leveling ReAwakening est sorti en salles le 7 décembre dernier et on espère fortement son arrivée sur Crunchyroll, même si cela est encore à confirmer.

Produit par A-1 Pictures, le film est signé par Shunsuke Nakashige. Ce dernier s’est précédemment illustré à la réalisation sur Sword Art Online, ou comme animateur sur Chainsaw Man. Il nous tardait donc de découvrir son travail sur ce projet, qui se destine vraiment aux amateurs de webtoons, de shonen à la Dragon Ball ou Moi quand je me réincarne en Slime, et aux fans de l’œuvre, bien sûr. Alors, que vaut cette revisite condensée qui donne également un avant-goût de la prochaine saison ? Voici notre avis.

Solo Leveling ReAwakening, l’art de tout résumer

Sur le papier, les films récapitulatifs suscitent souvent des doutes. Le principe est de synthétiser une saison ou plusieurs épisodes afin d’en faire un long-métrage qui se tient. Si certains, comme Demon Slayer : En route vers l'entraînement des Piliers déçoivent, d’autres, tels que Solo Leveling ReAwakening, réussissent davantage à tirer leur épingle du jeu.

L’histoire de Solo Leveling se déroule dans un monde où sont apparus, dix ans plus tôt, des portails menant vers une autre dimension faite de donjons remplis de monstres féroces et de trésors merveilleux. Cependant, leur irruption a bouleversé l’humanité. D’un côté, elle est à la source d’une maladie qui peut vous plonger dans un profond sommeil, sans certitude de retrouver un jour conscience. De l’autre, elle provoque chez certains individus un « éveil », les dotant de pouvoirs surnaturels. Ces derniers se sont alors constitués comme « chasseurs », classés en rangs selon leur niveau, pour explorer lesdits donjons et s’enrichir ou bien lutter contre la menace venue de l’autre côté des portails.

Jinwoo Sung, le protagoniste, connaît bien ces impacts. Lui-même a connu un éveil, tandis que sa mère est tombée dans le coma. II est donc déterminé à se servir de ses pouvoirs pour aider sa famille. N’étant que de rang E, soit le plus faible, la tâche est rude… et il est impossible d’accroître ses pouvoirs. Du moins, c’est ce qu’il croyait. Après une mission désastreuse, il connaît un « double éveil » lui permettant d’évoluer. Dans le même temps, il reçoit des instructions d’une source inconnue sur des tâches qu’il doit désormais accomplir… Le jeune homme se lance alors dans une quête pour accroître sa puissance et percer les secrets de ce système.

Solo Leveling joue la banale carte de l’archétype du héros qui part du bas de l’échelle pour se hisser au plus haut. C’est davantage dans sa forme que l’œuvre se distingue. L’univers fonctionne comme un jeu vidéo de type RPG : Jinwoo a accès à une interface pour suivre son évolution, répartir des points de compétences, acheter des objets et consulter ses missions. Il prend également le temps de s’interroger sur la manière dont il va optimiser ses statistiques personnelles ou affronter ses ennemis. Tout cela fera écho aux joueurs de jeux vidéo, puisque le héros est confronté aux mêmes réflexions qu’eux. Ce système intrigue qui plus est. On s’interroge sur son fonctionnement et ses secrets. Cela dit, même s’il parvient à nous happer, ReAwakening souffre de son format condensé.

Gros plan sur le visage d'une satue de dieu menaçante dans la saison 1 de Solo Leveling.
© Shunsuke Nakashige et Chugong / A-1 Pictures

La saison 1 de Solo Leveling revisitée au couteau…

Du fait de son format récapitulatif, Solo Leveling ReAwakening est contraint de faire l’impasse sur les détails pour résumer 12 épisodes en 1h15, avant de passer à son ultime segment de 45 min. C’est pourquoi l’exposition se réduit au strict minimum. Ne vous attendez pas à voir la progression douce de Jinwoo comme au début de la série. Ici, le frêle garçon des premiers épisodes laisse très vite place à un héros déjà en pleine progression. On regrettera d’ailleurs que la séquence d’introduction de l’anime soit expédiée en quelques secondes. Elle est pourtant essentielle à la caractérisation du héros et d’autres chasseurs. À cause de cela, les relations de Jinwoo avec certains compagnons d’infortune, ainsi que le développement de ces derniers, sont presque entièrement évincés. Par ce choix, on perd une exploration des traumatismes ou des regrets des personnages. C’était pourtant l’une des plus-values de la série.

De plus, le film ne donne pas, ou peu, les clés de compréhension de son univers, contrairement à la série qui prend le temps, comme un tutoriel presque, de mettre en évidence les mécaniques auxquelles fait face Jinwoo. On se trouve ainsi face à des actes ou des scènes qui vont rester opaques aux non-initiés. Une scène en particulier en est emblématique : Jinwoo se voit projeter dans une zone spécifique à un moment crucial sauf que, faute d'éclaircissement, le spectateur lambda n’en connaît pas les tenants et aboutissants. Comme pour le reste, il faut donc accepter de ne pas tout saisir. Grâce à cela, on parvient à profiter de ce que le film a à offrir du fait de son format.

Jinwoo, encore novice, au début du film Solo Leveling ReAwakening.
© Shunsuke Nakashige et Chugong / A-1 Pictures

… pour mettre Jinwoo en lumière

Solo Leveling ReAwakening est finalement un gros coup de projecteur sur Jinwoo Sung. Il se déleste des intrigues secondaires pour se resserrer uniquement sur le protagoniste. Celles et ceux qui auront apprécié le film sans avoir vu la série iront donc chercher les détails dans les autres itérations de la licence.

La force du film repose alors sur le charisme du héros et on peut dire qu’il a été bâti pour ça. Ici, on ne s’embête que très peu à le montrer à ses débuts. Son évolution initiale n’est pas aussi saisissante que dans la saison 1. La fébrilité est vite oubliée. À la place, on voit presque immédiatement un Jinwoo volontaire, endurci et désireux de repousser ses limites.

C’est une montée en puissance tout de suite intense qui s’étale sous nos yeux, pour toucher l’apothéose dans les trois derniers quarts d’heure. Cet ultime segment condense les deux premiers épisodes de la saison 2, Solo Leveling Arise from the Shadow. Jinwoo y déploie l’étendue de toutes ses capacités alors acquises. Après le final de la première saison, c’est exactement ce qu’il tardait aux fans de découvrir. Et le résultat est aussi impressionnant que glaçant. Celles et ceux qui auront lu le webtoon savent déjà quelle direction la suite prendra, mais pour les autres qui découvrent, ReAwakening fait grimper la tension et donne envie de voir jusqu’où ira Jinwoo.

Jinwoo dans le film Solo Leveling ReAwakening
Jinwoo dans Solo Leveling ReAwakening. ©Solo Leveling Animation Partners

Solo Leveling ReAwakening, une production dans la lignée de l’anime

Le redécoupage de la saison 1 de Solo Leveling pour ce tout premier film est parfois abrupt pour la compréhension. Pour autant, il fonctionne très bien autant dans l’enchaînement que visuellement. ReAwakening évite le piège du montage épisodique. Il se déroule ainsi de façon fluide et cohérente, sans donner le sentiment de voir une rétrospective. Voilà une réussite que tous les films récapitulatifs ne peuvent pas revendiquer.

Plus encore, ce passage au long format pour Solo Leveling rend honneur au style visuel de la série. Au premier abord, l’économie de moyens sollicités pour l’animation des combats peut surprendre. Cela dit, c’est monnaie courante dans bien des anime. Certains ont même connu de vrais bad buzz à cause de downgrade d’une saison à l’autre. Encore récemment, on a eu la preuve avec Blue Lock et Uzumaki. À l’inverse, Solo Leveling pallie ces moyens limités dans l’action par le dynamisme de son montage. Le soin apporté aux enchaînements et au cadrage permet malgré tout de donner lieu à des scènes saisissantes. Ce n’est pas sur grand écran que le film sera le mieux mis en valeur. Mais, ça fait quand même son effet.

Solo Leveling ReAwakening fait aussi une belle place à la musique. La bande-son accompagne les moments-clés avec panache, tout comme dans l’anime. Les chansons font partie de l’identité de la licence, donnant plus de poids à l’action. D’autant plus que les deux openings sont également de la partie. C’est avec plaisir qu’on se surprend à entendre celui de la première saison. Il a été retravaillé spécialement pour coller à l’introduction accélérée du film. Et pour combler l’attente des fans, celui de la saison 2, interprété par LiSA et Stray KIDS, ne pouvait évidemment pas manquer à l’appel. C’est un peu la cerise sur le gâteau pour ce long-métrage qui, finalement, touchera surtout le cœur des connaisseurs.

Solo Leveling ReAwakening saura réveiller les fans, et peut-être uniquement les fans… 

Même si on commence à s'habituer aux films récapitulatifs dans le monde de l’anime, il est primordial de savoir à quoi s’attendre quand on s’apprête à voir Solo Leveling ReAwakening. Ainsi, pas de mauvaise surprise, on peut apprécier le spectacle ! Celui que beaucoup surnomme le « Roi de l’animation » grâce à sa première saison se montre bel et bien à la hauteur des attentes graphiquement, du moins sur petit écran. L’économie sur l’animation dans les scènes d’action se ressent toujours, et ce encore plus sur grand écran. Cela dit, en acceptant cette limite, on savoure les combats et l’aspect spectaculaire que les équipes d’A-1 Pictures parviennent à traduire.

En revanche, le scénario pâtit de ses coupes. Bien qu’elles soient nécessaires pour un tel projet, la profondeur de l’histoire se perd souvent dans le rush. À défaut, on voit le film se resserrer sur son protagoniste, Jinwoo, qui dégage une aura d’autant plus impressionnante ici. En résulte un film qui fera patienter comme il faut les fans de la première heure en attendant la saison 2. Mais, il risque de laisser sur le chemin une partie des néophytes, surtout s’ils ne sont pas spécialement adeptes de la dark fantasy ou des RPG. Néanmoins, son style et le potentiel narratif de son intrigue pourraient bien réussir à en conquérir quelques-uns malgré tout !