Cette semaine, nous vous proposons trois entretiens exclusifs avec des grands noms de Blizzard Entertainment, à l'occasion des anniversaires de Warcraft et World of Warcraft. Nous avons pu interviewer Jay Allen Brack (Directeur de la Production sur World of Warcraft), Paul Sams (COO de Blizzard), et Jeff Kaplan (ancien Directeur de la Production sur WoW, qui travaille à présent sur un nouveau MMO Blizzard encore non-annoncé).
Nous concluons donc cette série d'interviews avec Jeff Kaplan, alias Tigole, qui travaille dans le plus grand secret sur le prochain MMO de Blizzard après avoir cédé sa place à la tête d'un World of Warcraft à la barre duquel il a œuvré pendant des années. Vous pouvez d'ores et déjà retrouver les interviews de Paul Sams et Jay Allen Brack si vous les avez ratées. Enjoy !
Sommaire
Gameblog : Sauf erreur de ma part, c'est en jouant à Everquest que vous en êtes venu à travailler pour Blizzard ?
Jeff Kaplan : Exact. Rob Pardo (actuel Vice Président exécutif du Game Design, ndlr) était chef de ma guilde avant que je ne le devienne, et nous avons beaucoup joué ensemble. Rob s'est dit très occupé à un moment - en fait, il travaillait alors sur Warcraft III, ce que j'ignorais à l'époque - alors il m'a passé chef de guilde. J'ai développé des relations avec pas mal de gens de chez Blizzard en jouant à Everquest.
Pour finalement les rejoindre, donc ! Comment ça s'est passé ?
C'était en Mai 2002. À l'époque, Warcraft III était tout proche d'être prêt pour sa sortie. Je crois qu'il est sorti le 3 juillet pour être exact aux États-Unis. La majeure partie de la société cherchait alors à s'assurer que Warcraft III était bien le jeu qu'il convenait de faire, et j'ai eu le privilège d'y jouer beaucoup à ce moment-là et de donner mon sentiment, de les aider à tester le jeu. C'est aussi à cette époque à peu près que World of Warcraft allait être dévoilé plus en détails pour la première fois à l'E3. C'était une étape très importante pour WoW.
Je me souviens surtout d'avoir eu beaucoup de chance de participer à tous les trucs passionnants qui se passaient à l'époque chez Blizzard, en 2002.
C'est votre meilleur souvenir des 5 ans de World of Warcraft ?
C'est sans aucun doute dans le haut du classement ! Je dirais peut-être en première ou en deuxième place. Le fait de rejoindre la société. L'équipe était encore très petite à l'époque, et c'était passionnant de voir WoW éclore, ainsi que l'énorme attention qu'il a suscitée à cet E3.
Après l'énorme succès de WoW, vous travaillez à présent sur quelque chose de nouveau (un MMO next-gen encore non-annoncé, ndlr). Qu'est-ce que WoW vous a appris en tant que jeu et en tant que succès, pour ce nouveau projet ?
Je crois que nous avons appris beaucoup de World of Warcraft. La plus importante leçon tirée est comment faire tourner un service, plutôt que juste un studio de développement. Quand je suis arrivé chez Blizzard, ils étaient très très bons pour développer des jeux, ils savaient comment faire de grands, grands titres. Je crois que quand nous avons sorti World of Warcraft, collectivement, en tant que groupe, nous avions beaucoup d'expérience à acquérir sur ce que nous allions proposer à nos consommateurs, pour leur fournir un bon service. Et je crois que ces cinq dernières années, nous avons vraiment amélioré notre compréhension de la manière de fournir un bon service à nos consommateurs. De savoir comment faire tourner une société de services, plutôt qu'une simple société de développement de jeux. C'est une philosophie très différente, je crois.
Et succès mis à part, de quoi êtes-vous le plus fier avec World of Warcraft, du point de vue Game Design ?
Je crois que ce qui me rend le plus fier du point de vue Game Design, c'est à quel point World of Warcraft est accueillant pour des types de joueurs tout à fait différents. Parfois, WoW est stéréotypé en jeu dit "casual", ce avec quoi je suis en désaccord. Je dirais que World of Warcraft est en fait un jeu très hardcore qui parvient bien à accueillir en son sein des gens qui n'ont jamais joué auparavant.
Sur un plan personnel, l'une des choses dont je suis le plus fier, c'est que ma mère joue à World of Warcraft ! Elle n'a jamais joué à un autre jeu vidéo, et il se trouve qu'elle a plusieurs personnages niveau 80 et elle y a joué depuis la phase d'Alpha Famille & Amis (une phase de test interne, ndlr), pendant la beta, puis tout au long des 5 ans de vie du jeu. Le fait que nous puissions faire un jeu qui soit accessible à quelqu'un d'une autre génération, qui n'a jamais joué à des jeux vidéo avant est, pour moi, révélateur de la philosophie de design de World of Warcraft.
Et quelle est la chose dont vous êtes le moins fier ?
C'est difficile pour moi de pointer un seul exemple. Mais il y a eu des moments par le passé, durant lesquels notre service a été perturbé, ce qui a empêché des joueurs de se connecter au jeu. Ou des événements, comme l'ouverture des Portes d'Ahn'Qiraj... D'un côté je suis très fier de cet événement, je crois que c'était un moment clé, marquant, de l'histoire de WoW, mais d'un autre côté je suis mal à l'aise parce que nous avons commis des erreurs qui ont fait que ce ne sont pas tous les joueurs qui ont pu en profiter, pour des questions de performances. Je crois qu'on a bien appris la leçon et comment améliorer la performance et la stabilité du service. Depuis que j'ai rejoint l'équipe sur WoW, nous avons complètement revu l'infrastructure des serveurs deux fois déjà et cela comprend l'acquisition de nouvelles machines. Je crois qu'il est aussi visible que nous avons appris notre leçon en matière de stabilité de service, avec des choses comme les deux zones de départ de Wrath of the Lich King. Plutôt que de compresser toute la population au même endroit à la sortie de l'extension, nous avons divisé les joueurs entre la Toundra Boréenne, et Fjord Hurlant pour les Chevaliers de la Mort, afin d'accroître la qualité de l'expérience et la stabilité des serveurs.
Donc je suis contrarié pour toutes les fois ou le service a été perturbé, mais je crois aussi que nous avons prouvé que nous étions en mesure d'apprendre de ces erreurs.