Inutile de feindre la surprise : l'édition 2018 de la Gamescom nous aura permis de découvrir et d'essayer pour la toute première fois 11-11 Memories Retold, l'un de nos gros coups de coeur du salon. Et comme la vie fait parfois bien les choses, l'éditeur Bandai Namco, qui tente avec cette production bien de chez nous de diversifier son activité d'éditeur, nous a convié à une petite visite des studios de DigixArt, qui nous ont permis d'en apprendre un peu plus sur le tout premier jeu console du studio Montpelliérain.
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Débarqués pour midi dans la ville de Lewis Trondheim, nous avons la chance de retrouver Yoan et Anne-Laure Fanise, les deux co-fondateurs du studio DigixArt, pour discuter avec eux de leur nouvelle production qui raconte autrement la Première Guerre Mondiale.
Si les montpelliérains n'en sont pas à leur coup d'essai (leur premier jeu Lost in Harmony est sorti sur mobiles en 2016), 11-11 : Memories Retold sera leur premier jeu à sortir sur consoles, et cela change pas mal de choses pour la petite équipe, comme nous l'explique Yoan Fanise :
On découvre des choses dont on n'avait pas conscience. Pour obtenir la validation d'un jeu, il faut d'abord établir sa classification dans tous les pays où il sera commercialisé. Individuellement. S'il en manque ne serait-ce qu'un seul, la build est refusée. Depuis deux semaines, on se relaye la nuit pour lancer de nouvelles versions : la date limite approche, et on ne peut plus reculer !
Ayant oeuvré sur quelques grands jeux made in France comme Peter Jackson's King Kong ou encore Beyond Good & Evil, Yoan souhaite avec 11-11 : Memories Retold toucher un plus large public. Expatrié durant deux ans à Singapour pour y développer une nouvelle branche d'Ubisoft qui travaille actuellement sur un certain Skull & Bones, le couple ne s'imaginait pas fonder sa propre structure. Mais le hasard en a décidé autrement, comme se le rappelle Anne-Laure :
Lors d'un salon de l'entrepreneuriat à Montpellier, Yoan a rencontré une chargée d'affaires qui cherchait des créateurs d'entreprises. Il avait travaillé sur Soldats Inconnus qui avait eu beaucoup de succès, et avait besoin de plus de liberté créative. L'opportunité s'est présentée au bon moment.
Et comme le hasard fait semble-t-il bien les choses, c'est lors d'un autre salon que le co-fondateur du studio trouve son futur éditeur, Bandai Namco :
Yoan était en Suède et cherchait déjà un éditeur. Mais nous ne pensions pas que cela se ferait si tôt, et le dossier était encore assez succinct. D'habitude, lorsque l'on présente un jeu à un éditeur, il faut arriver avec des dizaines de pages de projet. Mais notre partenariat avec les studios Aardman avait déjà été validé : ils avaient vraiment bien aimé Soldat Inconnus et ont accepté de travailler uniquement sur la partie graphique du jeu. Du coup, même avec peu d'éléments, Bandai Namco s'est tout de suite montré intéressé.
Lancé en mars 2015, DigixArt profite de l'accompagnement proposé par l'agglomération de Montpellier et s'installe dans l'un des phares de ce qui n'est pas encore la Start-up Nation chère à Macron, et finit par décrocher sa place dans un incubateur d'entreprises, qui leur permet de quitter leurs minuscules locaux d'alors, et d'embaucher du personnel.
C'est dans leurs bureaux de 70m² que nous retrouvons d'ailleurs la petite équipe qui oeuvre sur notre coup de coeur de la Gamescom 2018. Aux murs, des dizaines de Post-it flashy déroulent un planning militaire et nous rappellent que nous débarquons en plein crunch time.
La documentation sur la Première Guerre Mondiale est pléthorique : partout, des livres, des cartes postales d'époque et des obus retrouvés dans les champs témoignent du souci de la véracité historique qui anime l'équipe. Entre deux témoins des tranchées, une figurine de Kame Sennin se la joue Ten Shin Han à la faveur d'un troisième oeil collé par un petit malin. Une salle, deux ambiances. Mais malgré les sourires affichés, tout le monde est un peu tendu : c'est en effet aujourd'hui que les validations définitives de Sony et Microsoft doivent tomber, et permettre à 11-11 : Memories Retold de sortir pour le centenaire de l'armistice signé à Rethondes.
Mais ce stress perceptible n'empêche pas Bastien Giafferri, jeune programmeur adepte des Game Jam et de la réalité virtuelle de nous parler du développement qu'il a rejoint en cours de route. Fraîchement diplômé, il aura avec d'autres réussi à faire changer d'avis Yoan sur un élément autrefois structurant du jeu : les caméras.
À l'origine, les caméras renfermaient une partie du message du jeu, puisqu'elles étaient orientées vers le front, que ce soit avec Kurt ou Harry, mais il nous a fallu revenir à quelque chose de plus conventionnel. Il était difficile de revenir en arrière, et il devenait difficile de trouver certains collectibles...
D'un coup, l'entretien s'interrompt à la faveur d'une bonne nouvelle : la version finale du jeu vient d'être validée par Sony. Les cris fusent, les visages se détendent, et l'entretien reprend, alors que Yoan Fanise explique à quel moment il a accepté de lâcher du lest :
Un soir, alors que j'étais à l'hôtel, un des programmeurs m'appelle, et il me demande de faire une petite manipulation. Je comprends rapidement qu'il me demande de libérer les caméras. Alors que j'objecte, il me baratine et me demande d'essayer. Au bout d'une demi-heure, il me demande de réactiver le blocage. J'entends un sourire dans sa voix alors qu'il me demande mon avis...
C'est sans doute grâce à sa taille encore relativement limitée que le studio DigixArt permet à chacun de s'exprimer : le fonctionnement n'est ici pas aussi strict que dans les plus gros studios, ce qui permet à chacun de pouvoir avoir voix au chapitre, et d'imprimer sa marque. Anne-Laure nous décrit le jeu comme « collectif », même si la volonté de sortir à une date anniversaire symbolique oblige l'équipe à faire certains compromis :
On ne peut jamais faire le jeu rêvé que l'on avait en tête au départ, mais globalement, 11-11 est très fidèle à notre projet initial.