Pas toujours facile de se renouveler ! L'ami Mario en sait quelque chose : avec plus de 30 ans de carrière au compteur, on peut par moment manquer d'inspiration... La preuve : après deux épisodes stratosphériques qui prouvèrent au monde entier que l'on peut encore réinventer la plate-forme 3D au XXIème siècle, il finit par retomber sur ses pattes (de chat) et opéra un retour à la terre ferme forcément moins fou-fou.
Mais nous ne sommes pas ici pour discutailler de la pertinence de voir ledit Mario-chat grimper à toute allure une improbable tour dans le seul but de rosser une armée de Bowser grimés en vilains félins félons. Non mes chers enfants, ce qui nous réunit ici c'est bien entendu l'amour de la musique ! Et si Koji Kondo n'est depuis longtemps plus seul aux manettes, il a su lui aussi retomber sur ses pattes en adaptant intelligemment la couleur de cette bande-son à cet univers pourtant bien connu qu'est le Mushroom Kingdom. Exit donc les compositions orchestrales symphoniques qui accompagnaient à merveille les pérégrinations spatiales du sympathique plombier. Plus classique, mais surtout pensé pour être parcouru et apprécié par plusieurs, Super Mario 3D World opte pour un bon vieux Big Band des familles. Popularisés dès l'entre-deux guerres par l'accessibilité qu'ils conférèrent au jazz, les big bands traînent aujourd'hui une image vieillotte et quelque peu surannée. C'est pourtant leur énergie débordante qui va permettre au dernier Mario canonique en date de sonner comme une intrépide course en avant !
Koji Kondo et Mahito Yokota qui cosignent ce double album se connaissent bien : celui à qui Nintendo doit bon nombre de ses chefs d'oeuvre musicaux voit entrer le petit nouveau en 2003 pour travailler sur l'injustement méconnu Donkey Kong : Jungle Beat. Avant de monter pour l'occasion le Mario 3D World Big Band, ils ont conduit de concert le Mario Galaxy Orchestra par deux fois : cette fois-ci, ils ont décidé de s'amuser.
Sommaire
Ouvrant bien évidemment sur le thème de cet épisode qui sera (comme c'est désormais le cas dans tous les jeux de la série) repris à de très nombreuses reprises tout au long de l'aventure, c'est bien le "niveau 1-1", comme le désigne Koji Kondo, qui ouvre véritablement ce premier CD. Super Bell Hill laisse toute la palette d'instruments disponible se présenter, avec une intro en forme de jingle laisse place à un saxophone chantonnant sa ligne par-dessus une walking contrebasse et un synthé tout ce qu'il y a de plus discret. Mais rapidement, c'est le très plaisant Switch Scramble Circus qui va marquer l'oreille : débutant comme une fanfare retenue, la composition s'épanouit avec brio sur la petite minute vingt qu'elle couvre.
Arrivés au deuxième monde, Mario et ses chatons passeront par la lancinante Shifty Boo Mansion, avec son violon larmoyant suivi par une clarinette pleine d'espoir, mais qui pioche par nécessité au-delà du big band classique. Captain Toad Goes Forth rappellera au passage à ceux qui ont défait Wingo en 2015 les aventures du boy scout fongique. Au monde suivant, Chainlink Charge déploie à nouveau avec brio l'éventail musical qui souffle un vent de légèreté sur cet épisode, tout comme Hisstocrat : Kondo explique avoir voulu pousser les joueurs à poursuivre leurs efforts malgré la mort, et les rythmes se veulent ainsi aussi entraînants que positifs. Plus loin, Fuzzy Time Mine ressort les cuivres pour une course endiablée accompagnée d'une guitare électrique et d'un synthé aux tendances funk très reconnaissables.
Les vents de Fort Fire Bros font ensuite écho à Sprawling Savannah, intervenue quelques pistes plus tôt : le doute n'est pas permis, nous évoluons à présent dans des contrées chaudes et arides aussi accueillantes que le Grand Canyon... Et c'est en approchant doucement de la fin de ce premier CD que l'on se demande si le big band n'est finalement pas un peu mis de côté dès que la situation s'y prête ! Kondo et Yokota se seraient-ils sentis prisonniers de la formule un peu trop tôt ? Heureusement, Highway Showdown et son diabolique rock cuivré se rappelle à nous. Ouf, on a eu peur.
Alors que Double Cherry Pass fait rentrer la cuica sur un duo de violons sans prévenir (ceux qui se demandent où ils ont déjà pu entendre cette peau frottée dans leur tendre enfance auront sans doute passé de nombreuses heures devant Les Douze Travaux d'Astérix), on se remémore avec nostalgie la fougue des premiers jeux de la série, un sourire aux lèvres. Et c'est alors que Footlight Lane vient nous choper par les sentiments... Féerique et marine à la fois, cette douce mélodie nous replonge avec délice dans l'atmosphère de Dire Dire Docks (<3 <3 <3), ou des plus récents Super Mario Galaxy, ce qui n'est pas pour déplaire aux mélomanes avertis. Une petite merveille...
Ce n'est sans doute pas un hasard si cette bande-son nous rappelle à l'occasion de vieux souvenirs musicaux : Nintendo pratiquant depuis belle lurette l'auto-référence à gogo, il est tout à fait logique que le compositeur en chef de la saga laisse parfois s'échapper une narcissique et similaire pulsion. Ainsi les thèmes de Meowser et de sa traque ne surprendront guère ceux qui affrontaient il y a vingt ans de cela un Bowser aussi impressionnant que cubique ! Et c'est avec un certain étonnement que l'on entend se dérouler le Staff Roll dès la fin de ce premier CD : si tous les instruments s'en donnent à coeur joie, pourquoi terminent-ils l'aventure si tôt ?!