Avec la sortie des nouveaux périphériques
tels que Kinect, le PS Move ou encore
l'annonce de la Nintendo 3DS, j'ai décidé d'ouvrir une petite rubrique de
vulgarisation scientifique afin d'expliquer comment fonctionnent nos consoles
préférées. Mon
souhait est de rendre ces articles les plus simples et les plus
accessibles possible.

Cet article a été posté sur mon blog au mois de Juillet dernier et j'ai décidé de le poster ici afin qu'il soit accessible au plus grand nombre.

Qu'est ce que la 3D ?

Pour commencer ce dossier, il est
essentiel d'expliquer comment fonctionne notre vision. Lorsque nous regardons
un objet disposé à une certaine distance de nous, nos deux yeux vont observer
deux images sensiblement différentes. Cette différence s'explique par la
distance d'environ 6,5cm qui sépare nos deux yeux. Le schéma 1 représente la
différence de perception entre nos deux yeux. Bien sûr, celle-ci peut sembler
minime, cependant il est important de noter que cette différence varie en
fonction de la distance de l'objet. Plus l'objet sera proche de nous et plus la différence sera marquée.

Schéma 1 : Vos deux yeux ne
perçoivent jamais la même image lorsque vous regardez un objet. Plus l'objet
sera proche de nous et plus la différence entre les deux images sera
importante. Voici un exemple de l'image perçu par l'œil gauche et l'œil droit
d'un même objet.

Lorsque
le cerveau reçoit les deux images perçues par nos yeux, il fait une fusion qui
nous permet ainsi de voir en 3D. La vision en 3D provient uniquement du fait
que notre œil gauche et notre œil droit ne perçoivent pas la même image. La base
de la technologie 3D en relief est ancrée dans ce principe simple mais essentiel.
L'objectif est de faire percevoir à chaque œil une image
différente par rapport à l'autre comme illustré sur le schéma 2. Toute la
difficulté de cette technologie est de réussir la séparation totale des deux images
pour chaque œil. Si celle-ci est mal réglée, alors on apercevra une
superposition des deux images qu'on appelle aussi image fantôme.

Schéma
2 :
Si on parvient à faire percevoir à nos yeux une image
différente, alors le cerveau fusionnera ces deux images pour donner l'effet 3D.
Toutes les technologies 3D sont basées sur ce principe.

Retour historique: Le Virtual Boy et les anaglyphes

Nous allons revenir très rapidement sur
deux anciennes technologies de 3D relief : le Virtual Boy et les anaglyphes. Le
Virtual Boy emploie une technologie très simple. En se plaçant devant l'appareil, nos
deux yeux étaient séparés l'un de l'autre et chacun était disposé devant un
écran. Chaque écran envoyait une image sensiblement différente, une pour l'œil
gauche et une autre pour l'œil droit, le cerveau faisait ensuite la fusion des deux images
pour obtenir l'effet 3D. Ce système est très efficace mais présente un
désavantage certain : il faut rester le nez collé à cette immense paire de
jumelles. Cela manque clairement de confort de jeu.

Le
Virtual Boy était en avance sur son temps. Le succès aurait été surement
différent si les écrans en diodes rouges avaient été remplacés par des écrans
couleurs. Cependant, les écrans LCD couleurs de l'époque ne proposaient pas un
rendu suffisamment propre, et étaient trop lumineux, pour satisfaire les exigences de Nintendo.

Pour les anaglyphes, ce système était
très connu dans la jeunesse de certaines personnes. Parfois encore utilisé
aujourd'hui pour sa facilité de mise en œuvre et son coût te fabricatiion faible,
l'anaglyphe séparait l'image en bleu (ou parfois vert) et rouge, ce qui permettait de
voir une image en 3D de bien pauvre qualité lorsque l'on utilisait les fameuses
lunettes de mêmes couleurs. Qui n'a pas regardé pendant son enfance ces images
de dinosaure, animaux ou de paysages en simili 3D dans divers magazines ? Ce
n'était pas très beau, mais on y croyait, et c'était bien là le principal.

Séquence
émotion. Le souvenir de ces lunettes en carton au design avant-gardiste et les
images d'animaux ou de paysages que l'on trouvait un peu partout restera gravé à jamais dans nos mémoires.

Pour créer un anaglyphe, rien de plus
simple. Vous prenez deux images légèrement différentes d'un même sujet, vous
transformez l'une en image bleue, l'autre en image rouge puis vous fusionnez
les deux en une seule et même image. Une fois réalisée, vous revêtez vos
lunettes bleues et rouges pour l'observer, et la magie opère.

En effet, chaque verre de couleur va
filtrer une des deux images. Avec votre verre rouge, l'image rouge sera arrêtée
et votre œil ne percevra que l'image bleue, et inversement pour l'autre verre.
Ainsi, chaque œil perçoit une image différente (sans apercevoir l'autre) permettant
au cerveau de les fusionner par la suite. Malheureusement, l'utilisation des
deux couleurs rouge et bleu altère considérablement la qualité des images, offrant
un effet 3D de piètre qualité.

Deux
projecteurs superposent les images rouge et bleu sur un écran. Ensuite, il
suffit juste de regarder l'écran revêtu de nos superbes lunettes. Heureusement
qu'Avatar n'a pas été diffusé en bleu et rouge.

A partir de ce point, deux conditions
primordiales s'imposent pour obtenir une 3D de qualité:

  • ne pas altérer la qualité des deux
    images
  • le système doit séparer correctement
    les deux images pour chaque œil (afin d'éviter les images fantômes).

Ces systèmes sont déjà basés sur ce qu'on appelle la stéréoscopie
et nécessitent l'utilisation d'une paire de lunettes. Ce principe de stéréoscopie (deux images séparées, une pour chaque oeil) est actuellement toujours utilisé au cinéma ou dans les télévisions 3D
que l'on trouve dans le commerce depuis quelques mois.

3D stéréoscopique : Deux technologies pour deux approches opposées

Deux technologies
s'opposent pour la 3D stéréoscopique d'aujourd'hui : la technologie « active » et la « passive ».

Nous allons commencer par expliquer la
technologie « passive » : celle-ci s'appuie sur la polarisation
de la lumière. Afin de pouvoir être réalisable, elle nécessite deux projecteurs
couplés à deux filtres polarisés, un écran métallisé et une paire de lunettes
polarisées. Je ne souhaite pas rentrer dans les détails de la polarisation de
la lumière qui risquent d'être barbants. Cependant il est possible d'orienter le
« code » (en réalité l'onde) émis par une image lumineuse. Les deux
projecteurs envoient leurs images au travers de filtres polarisants. Les deux
images sont ainsi « codées » avec une orientation horizontale pour
l'une, verticale pour l'autre. L'écran métallique conserve ce code et vous
renvoie les deux images orientées en même temps. Vos lunettes possèdent aussi
ces filtres polarisants et ne vont laisser passer que l'image possédant le même
« code » que le filtre. De nouveau, nous avons réussi à envoyer une
image différente à chaque œil, le cerveau les fusionne et la magie opère encore une
fois. Cette technologie est utilisée dans les cinémas équipés RealD où l'on
achète la paire de lunettes à 1€. Malheureusement, les filtres polarisants
ternissent l'image, n'offrant pas un confort optimal lors du visionnage de
films 3D.

Exemple de la technologie polarisante
utilisée dans les cinémas 3D équipés RealD comme les cinémas Gaumont ou Pathé.

La
technologie à lunettes polarisantes est finalement très proche des anaglyphes.

La technologie « active » est
utilisée dans les téléviseurs 3D commerciaux. Contrairement à la technologie
« passive » où les deux images sont superposées à l'écran, la
technologie « active » émet alternativement chaque image (les deux
images ne sont jamais superposées). Celles-ci sont diffusées à une fréquence
minimale de 120Hz pour deux images (équivalent à 60Hz par image). Chaque image
est émise tellement rapidement que vous avez l'impression de voir les deux
images superposées lorsque vous contemplez l'écran. Or, chaque image est bel et
bien émise séparément. Comment arrive-t-on à séparer les deux images avec cette
technologie ? Grâce évidemment aux lunettes LCD actives vendues
séparément...

Les lunettes actives vont devenir opaques
pour l'œil correspondant lorsqu'une image est émise (voir la photographie), puis quelques
millisecondes plus tard, alors que l'autre image est émise, les lunettes vont cacher
l'autre œil. Ainsi les lunettes s'opacifient à la même fréquence que celle d'émission des images, alternativement.
Votre œil gauche ne verra donc qu'un seul type d'image et inversement pour le
droit. Encore une fois, la vitesse est tellement rapide que nous n'avons pas le
temps de nous rendre compte que les lunettes nous ont caché la vision d'un œil.
Cette technologie est très efficace lorsque la fréquence de succession des images est élevée. Les deux
images ne sont pas altérées et la technologie offre une vision confortable. La
technologie a mis du temps pour devenir viable car les écrans LCD n'offraient
pas une fréquence de rafraichissement de l'image suffisante pour une vision
confortable avec un tel procédé. Depuis, de gros progrès ont été réalisés et les écrans LCD/LED
peuvent proposer cette technologie.

La 3D auto-stéréoscopique: deux technologies pour deux approches différentes (bis)

Bon, c'est bien toutes ces petites
explications, mais revenons au cas qui nous intéresse ici : la Nintendo
3DS. Nous savons maintenant qu'il est nécessaire d'avoir deux images
différentes envoyées vers chaque œil pour constituer un effet de relief. Et là, vous devez vous demander comment
cela peut être possible sans l'utilisation de lunettes. Et bien, il existe deux
technologies permettant d'obtenir un tel résultat : l'auto-stéréoscopie à
barrière parallaxe et l'auto-stéréoscopie à verres lenticulaires.

L'idée est simple : au lieu d'envoyer les
deux images à chaque œil et ensuite de filtrer soit par la polarisation, soit par
l'obturation de la vision d'un œil, ici chaque image est envoyée directement vers un œil sans que l'autre ne s'en aperçoive. Pour pouvoir réaliser cette prouesse
technique, c'est l'écran qui va faire tout le travail.

Bien que non confirmé officiellement, la
technologie de la Nintendo 3DS est certainement une barrière parallaxe
(technologie des écrans Sharp). Cette technologie semble efficace sur les
écrans de petites tailles (comme la 3DS ou un appareil photo). Je vais donc vous
expliquer le rôle primordial joué par la barrière dans cet écran.

Nous avons toujours nos deux
images : œil gauche et œil droit. Ces deux images vont être découpées en
tranches égales et entrelacées comme illustré sur le schéma 3. On obtient ainsi
une nouvelle image un peu bizarre, certes, je vous l'accorde, contenant
l'information des deux images d'origine. Comment l'œil va-t-il réussir à ne
voir qu'une seule des deux images ? Tout simplement en cachant l'autre image par
une barrière de traits opaques parallèles. D'où le nom de « barrière
parallaxe ». Le schéma 4 illustre cette barrière qui permet de filtrer
l'image envoyée dans chaque œil. Si vous tracez un trait de l'image bleu vers
l'œil gauche, vous remarquerez que celui-ci est forcement arrêté par la
barrière (pointillés bleus). Et inversement avec l'image rouge. Chaque œil va
percevoir une seule image, provoquant de nouveau l'effet 3D.

Schéma
3 : La technologie auto-stéréoscopique consiste à créer des images
contenant « plusieurs images en une seule ». Le cas simple de 2
images est illustré ci-dessus mais les futures télévisions 3D
auto-stéréoscopiques pourront contenir jusqu'à 9 images entrelacées pour
améliorer la vision 3D. Epoustouflant non ?

Schéma
4 : Lorsque le joueur est placé à la bonne distance de l'écran, une seule
et unique image lui sera envoyée directement dans chaque œil.

Cette méthode de barrière parallaxe est
actuellement inefficace pour les grands écrans comme une télévision. Afin de
palier à ce problème, une autre méthode a été mise au point pour voir des
images 3D sans lunettes. Elle utilise la technique de verre lenticulaire.
L'objectif final est strictement le même que celui de la barrière parallaxe.
L'image appropriée sera projetée directement vers chacun des yeux de l'utilisateur.
Cette fois-ci, un réseau de minuscule lentilles, placé devant les pixels, va
dévier la lumière de chaque image pour que la séparation s'opère.

Cette technologie est l'une des plus
efficaces actuellement pour voir en 3D sans lunettes et les téléviseurs sont
déjà opérationnels. Il suffit juste d'attendre 2-3 ans, le temps d'écouler les
téléviseurs à lunettes actives LCD/LED à 100€ la paire, avant de les voir
arriver sur le marché. Avec l'arrivée du LCD, puis du LED, puis de la télé 3D
avec lunettes et enfin de la télé 3D sans lunettes, les fans de technologie ne
vont pas arrêter de passer à la caisse.

Conclusion

Pour conclure cette première rubrique du
Docteur Sub, nous allons revenir sur le cas de la Nintendo 3DS et les
avantages/inconvénients de la 3D auto-stéréoscopique à barrière
parallaxe.
L'avantage le plus flagrant est bien sûr l'absence totale de lunettes.
Le confort
de jeu est inégalable. La 3D est très efficace et lorsque nous sommes
bien
placés face à l'écran, aucune image fantôme n'apparait. De plus, la
résolution
de l'image 3D est splendide. A contrario, son plus gros défaut provient
justement de l'absence de lunettes. Les lunettes permettent de filtrer
les deux
images où que vous soyez. Cependant un écran auto-stéréoscopique fait la
séparation des deux images pour vous en imaginant que vous êtes
exactement en
face de l'écran. Si vous vous décalez légèrement sur la gauche ou la
droite,
alors vous sortez de la zone « optimale » de séparation et vous voyez
de nouveau les deux images par vos yeux, l'effet 3D ne fonctionne plus.
C'est
pour cela qu'il sera impossible de profiter de l'effet 3D en regardant
jouer un
partenaire. Seul le joueur placé bien en face, ni trop en avant, ni
trop en
arrière, profitera du relief. Adieu les professeurs Layton avec sa
copine au
coin du feu, il faudra alors se contenter de jouer en 2D. Le dernier
défaut de la technique de barrière parallaxe concerne la luminosité de
l'écran. La barrière stoppe une partie de la lumière et les écrans sont
obligés
de pousser le rétro-éclairage pour compenser cette perte de luminosité.
Espérons sincèrement que cela n'affectera pas trop l'autonomie de la
console, pour le moment inconnue.

Merci à tous et à très bientôt pour le deuxième numéro de cet rubrique qui
traitera de la technologie Kinect. A très bientôt.

Docteur Sub