Le remake est un art délicat. Beaucoup s'y sont frottés, et peu s'en sont véritablement sortis avec les honneurs : Wonder Boy, Final Fantasy VII, Tomb Raider, et surtout, leur maître à tous, Resident Evil. Se pourrait-il que nous soyons en présence d'un titre de ce calibre avec Demon's Souls, qui entend remettre au goût du jour le patriarche d'une série devenue incontournable ?
Le lancement d'une machine, c'est toujours un moment particulier. Et quand on jette un oeil au line-up de départ de nos futures PS5, c'est un peu tristoune. Les deux principales attractions ? Une "grosse extension" de jeu PS4, et le remake d'une légende PS3. Si Spider-Man peut diviser, il est possible que Demon's Souls, malgré une forte impression de déjà-vu, rassemble.
The legend never dies
Voilà donc plus de dix ans que les joueurs du monde entier peuvent arpenter Boletaria, en exclusivité sur leur bonne vieille PS3, dans Demon's Souls. Un jeu légendaire, qui s'est fait grâce aux joueurs s'étant passé la "bonne info". Il a même inspiré celui qui deviendra le cultisme Dark Souls deux ans plus tard. Le secret ? Un jeu d'action intraitable, ultra difficile, avec un aspect RPG plus subtil et secret que jamais, et des niveaux propices à une exploration dans leurs moindres recoins, bourrés de pièges. Il s'agit d'un titre qui a définitivement lancé une saga et élevé un studio, From Software, et même engendré des tas de clones, dont certains ont désormais des suites. Bonjour, Nioh, bonjour, The Surge. Et le voilà qui tente un saut générationnel en passant à la moulinette de la remasterisation totale. Aux commandes, des spécialistes : Bluepoint, à qui l'on doit récemment la version revue de Shadow of The Colossus. Et comme à leur habitude, au risque de vous spoiler, c'est vraiment réussi.
Techniquement d'abord. Au lancement d'une machine, on vous parle toujours de la destruction des caisses et ce TEST ne fera pas exception à la coutume, puisque ces dernières se brisent très bien, et de façon très convaincante. La physique des cordes et des chaines qui pendent au plafond fonctionne. Et si le ragdolldes ennemis vaincus prête souvent aux moqueries, les effets visuels de flammes et de magie sur les modèles 3D sont très réussis. Dans le même ordre d'idée, les lumières sont plutôt très bien gérées, dès le début ou ça en est même bluffant, et les chargements sont ultra rapides. Comptez 4-5 secondes pour retourner au Nexus (il en fallait 22 à ma vieille PS3), et 5-6 secondes pour charger un niveau : épatant !
PS5's Souls
Graphiquement, l'expression qui conviendrait est "ça déboîte". La profondeur de champ est assez folle et, de près, les rendus sont impeccables. Le tout peut être paramétré avec un mode Performance, qui privilégie une fluidité et un framerate exemplaires, très agréables, ou un mode Cinématique, qui augmente nettement la résolution, mais qui rend le framerate bien moins élevé, se permettant même quelques petites chutes : quasiment tout notre TEST à bien évidemment été réalisé avec le premier réglage. Demon's Souls a été remodélisé de fond en comble, c'est une évidence. Tout est bien plus fin et plus beau. Même l'éditeur de personnage au début ! On pourra enfin y créer un héros beau ou volontairement moche pour notre plus grand plaisir, l'outil de création se montrant aussi complet que pour un RPG Bethesda, et permettant moult folies. Visuellement, c'est le grand ménage, avec un design plus réaliste et très convaincant, que vous pourrez admirer sous toutes les coutures via le mode Photo. Même la cinématique d'introduction s'est pris un coup de polish, et les panneaux peints à la main sont eux aussi remaniés de fort belle façon. Quand aux décors... C'est comme s'ils prenait soudainement vie. Sur PS3, le château de Boletaria était désespérément carré, c'est une des choses qui frappe le plus quand on relance cette vieille version... Ici, tout est resplendissant, on se croirait presque à Disney World. Même la prison se paye soudain un petit air de Bloodborne, c'est dire.
Côté audio, la version française est assez moyenne : les tirades ne respectent pas les intonations et le jeu d'acteur anglais de la version PS3, la synchronisation labiale est déplorable, et le choix des doubleurs laisse parfois à désirer... En revanche, le reste de la piste sonore est époustouflant, avec des compositions toujours aussi démentielles et des bruitages réussis, jusqu'au halètements du héros, le tout étant enfin merveilleusement bien soutenu par les enceintes de la manette : et dire qu'il aura fallu attendre toute une génération pour cela ! Les vibrations haptiques apportent aussi beaucoup, et explosent tout ce qu'on a pu voir avec les Joy-Con de la Switch, par contre, les gâchettes à retour de force brillent par leur absence, ce qui est étonnant pour un jeu de lancement, qui propose pourtant des armes telles qu'un arc... Enfin, pour en finir avec le volet PS5 de ce test, sachez que les Trophées sont un poil différents, toujours bien chauds, mais moins embêtants, avec moins de farmde squelette, si vous voyez ce que je veux dire... Sachez aussi que vous bénéficierez du suivi de l'avancement de certaines réussites, et que des "activités" vous serons proposées dans le menu de la PS5, avec des guides vidéo (que nous n'avons pas vus pendant notre sessions TEST). Par contre, après 25 ans, on n'a toujours pas vaincu la malédiction de la caméra qui merdouille parfois dans les environnements intérieurs ou près des murs.
Une vieille soupe dans une casserole neuve
Donc, techniquement, le remake est de haute volée. Qu'en est-il côté gameplay ? Le parti pris des artisans de Bluepoint a été de garder le code du jeu d'origine intact. La jauge d'endurance, les PV des ennemis, la position d'un loot, les dégâts de la magie et la protection de votre armure, tout reste rigoureusement identique, jusqu'à la tendance des mondes, toujours présente. À un ou deux détails près : le glitch qui permettait de dupliquer les herbes (et les âmes) a disparu. Pourtant, quelques exploits bien connus sont restés intacts, comme celui qui permet de se faire le boss araignée en restant planqué derrière un mur... Il semblerait aussi qu'une porte mystère ait fait son apparition quelque part dans le jeu. Aussi, en termes de sensations, si les animations ont étés entièrement revues, pour un résultat bien plus fluide et réaliste, le résultat se montre un peu déroutant au départ : les hitbox des nouveaux modèles 3D semblent plus imposantes, et bien souvent, on s'est retrouvé coincé contre le mur sans possibilité de s'en sortir, même avec la roulade, face à deux ou trois mobs dans un couloir.
Une situation dont nous nous sortions aisément dans la version PS3... Et qui se présente plutôt souvent quand on essaye de courir entre le feu de camp et la porte du boss entre deux tentatives ! Une vraie plaie quand on sait que le jeu est vraiment, mais vraiment très difficile. Demon's Souls, c'est le Dark Souls qui ne fait pas de cadeaux, qui n'est pas tendre avec le joueur, là où la formule a été adoucie à de nombreux égards par la suite. Le feu est systématiquement éloigné du boss. Quand ont boit une potion, on ne peut plus bouger. Cela fait partie de son charme brut, me direz-vous. Mais il est vraiment dommage de ne pas avoir profité des ajustements de jouabilité de ses prédécesseurs, Fiole d'Estus en tête.
Plus on est de fous...
Malgré tout, on prend encore énormément de plaisir à parcourir à nouveau Demon's Souls. L'aspect RPG est toujours parfaitement calibré, avec des centaines de subtilités qu'il faudra aller chercher soi-même, et côté action, la tension se montre toujours bien présente. En termes de level design, si les cinq niveaux accessibles depuis le Nexus demeurent bien conçus, et appellent à une exploration exhaustive, impossible de ne pas les comparer avec un Yarnam ou un Lordran. Si la progression laisse une certaine liberté et que l'on peut enchaîner les niveaux dans l'ordre que l'on veut, il est difficile de ne pas regretter les grandes étendues semi-ouvertes que proposent les suites de Demon's Souls, qui est un jeu plutôt linéaire dans sa structure, au final. Ce n'est pas pour rien que l'on surnomme affectueusement les niveaux 1-2 ou encore 4-1, comme dans un bon vieux Super Mario.
Pour rompre la routine, vous pourrez compter sur des mécaniques multijoueur bien rodées, avec les messages au sol : une idée de génie, car les autres joueurs sont-ils vraiment bien intentionnés ? Aussi, les marques de sang au sol peuvent vous enseigner comment les joueurs qui ont parcouru l'aventure avant vous sont morts. Quant aux fantômes blancs qui apparaissent ici et là, il s'agit des autres joueurs qui se trouvent sur le même serveur que vous... Notez qu'il sera possible de prêter assistance à un joueur en détresse pour faire face à un redoutable boss déjà vaincu, ou même d'envahir un pauvre quidam qui n'avait rien fait d'autre qu'avoir une âme humaine, pour tenter de la lui voler ! Enfin, si les scores sont votre dada, sachez qu'un panthéon plutôt complet sera disponible et couvrira tout un tas de records en tous genre. Avis aux amateurs.