Il fut un temps pas si lointain où jamais une console n'aurait osé sortir sans dégainer un incontournable jeu de plate-forme, un genre qui ne fait et défait plus les carrières, mais qui reste toujours présent sur la photo de famille, en vétéran sûr de son rang, malgré une perte d'influence incontestable.
Et pourtant : au lancement de la PS5, ce ne sont pas un mais bien deux représentants du genre sur lesquels il faudra compter. En plus du très sympathique Astro's Playroom, destiné à sensibiliser les masses aux bienfaits de la nouvelle DualSense, il faudra également compter avec Sackboy : A Big Adventure, qui nous permet de retrouver la mascotte de LittleBigPlanet aux prises avec une nouvelle menace venue du ciel.
Sackripouille, sackré vaurien
C'est au coeur du paisible village de Créaville que commence notre aventure : alors que les Sackripants mènent une schtroumpfesque existence, le grand méchant Vex fait son fat-come back des familles, et vient semer le trouble dans cet environnement si paisible. Qu'à cela ne tienne, Sackboy n'en est plus à une aventure près, et reprend donc du service pour sauver l'univers chatoyant et coloré de ce monde cousu main. Et avant même de diriger le héros personnalisable à souhait emprunté à Media Molecule par Sumo Digital, ce qui frappe, c'est la finesse avec laquelle les différentes textures et tissus du jeu sont représentés. Sur PS5, le moindre fil retors se distingue des autres, et l'aspect tour-à-tour duveteux, lisse ou tricoté des différents éléments de cet univers enfantin rappelle un soin visuel que l'on avait déjà pu apercevoir dans Spider-Man Miles Morales version Next-Gen.
Et cela tombe plutôt bien, puisque chacun des cinq mondes proposés joue à fond la carte de la matière, afin de conférer une identité visuelle marquée aux dizaines de niveaux qui attendent les joueurs plus ou moins complétistes. Ceux qui avaient déjà pu être charmés par la direction artistique de Yoshi's Crafted World en prendront à nouveau plein les yeux, grâce à une multitude d'effets visuels qui tentent de faire de chaque parcours, comme Paris, une fête. Entre les monstres qui apparaissent sous forme de panneaux de bois ou la foultitude de détails qui parsèment le moindre environnement, il y a de quoi faire, et surtout de quoi voir. En revanche, on se serait très clairement passé de la systématique photo finale, qui n'apporte pas grand chose passée la découverte initiale, et prend sur la totalité de l'aventure bien trop de notre précieux temps.
Laisse-moi zen, Zom Zom
Mais cette volonté d'accrocher le regard possède un revers de médaille qui ne concernera que les joueurs un peu au fait de la discipline : aussi joli et fin soit-il, Sackboy : A Big Adventure s'entend avant tout comme un jeu de plate-forme familial, principalement destiné aux enfants. Très facile à prendre en mains, le jeu se veut économe dans les mouvements qu'il propose, préférant se concentrer sur l'essentiel : Sackboy se déplace, saute et cogne ses ennemis, mais peut aussi agripper des objets ou des surfaces. La palette de mouvements s'agrémente bien de quelques subtilités comme une attaque tournoyante ou le maniement d'un boomerang bien pratique pour défaire ses ennemis à distance, mais la plupart de ces actions ne sont pas forcément obligatoires pour progresser.
Qu'il propose un cheminement classique, à embranchements, ou au scrolling quelque peu pressé, chaque niveau se veut aussi lisible que possible et déroule des espaces très larges, une manifestation supplémentaire du public visé, qui pourra en sus compter sur de très nombreux checkpoints pour ne jamais frustrer le joueur à la patience en construction. Les plate-formistes aguerris profiteront quant à eux de la présence de nombreux items bonus et/ou cosmétiques pour dénicher les nombreuses zones secrètes, et mettre à l'épreuve leur sens du timing dans des phases toujours optionnelles, mais riches de récompenses. Fidèle à sa tradition de personnalisation, la série LittleBigPlanet propose de très nombreux costumes qu'il faudra dénicher en cours de route, ou acheter chez le père Zom Zom, dont l'accent nous rappelle Alix dans ses meilleurs moments. On se prend d'ailleurs rapidement au jeu, puisque les accessoires ont eux aussi fait l'objet de beaucoup de soin, et la perspective de (re)parcourir les niveaux dans le costume correspondant fonctionne aussi bien que dans Crash Bandicoot 4, qui jouait sur le même tableau.
Platformer 101
Et il y aura de quoi faire, puisque chaque stage propose, en plus d'y récupérer quelques orbes nécessaires à la progression, d'atteindre certains objectifs optionnels (battre un certain nombre d'ennemis, atteindre le score synonyme de médaille d'or, etc...) qui feront grimper en flèche la durée de vie de ceux qui se prendront au jeu. Mais il faudra pour cela accepter de parcourir encore et encore des environnements au demeurant sympathiques, mais aux mécaniques bien sages, trop sages sans doute pour espérer entretenir l'intérêt sur la durée. Car derrière l'effort de direction artistique indéniable, Sackboy : A Big Adventure reste un jeu vraiment très sage, qui se traîne tout de même quelques problèmes de collisions, aussi bien dans ses affrontements ultra-basiques que dans certaines phases de plate-forme. Les chutes involontaires seront d'ailleurs l'un des rares cas dans lesquels votre compteur de vie pourra éventuellement baisser : avec deux points de vie et autant de checkpoints, il faut vraiment le vouloir pour recommencer un niveau depuis le début.
Et pourtant, on sent l'envie de bien faire, de proposer des décors différenciés, des épreuves amusantes - à l'instar des niveaux musicaux qui piochent dans les hits FM de ces deux dernières décennies pour se donner un côté cool et résolument grand public - mais l'aventure se veut au final bien trop lisse pour se détacher, et ne serait-ce qu'égaler un certain Astro's Playroom, par ailleurs bien plus concis. Car au vu de la palanquée de stages à accomplir et de boss assez peu inspirés à défaire avant d'en voir le bout, Sackboy : A Big Adventure étale bien trop la confiture pour espérer rester pertinent. En revanche, les parents soucieux de préserver aussi longtemps que possible une certaine innocence chez leur progéniture y trouveront tout de même un titre mignon à souhait, accessible à tous, et qui proposera quelques environnements en coopération, pour passer le témoin, mais surtout préparer l'esprit à de bien plus solides aventures.
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Une version PS5 vraiment au-dessus ? | ||||
Si Sackboy : A Big Adventure se veut évidemment bien plus fin sur la nouvelle console de Sony, les apports de la DualSense se veulent assez limités : au-delà d'un retour sensoriel qui accompagne le moindre déplacement, saut ou coup de poing en pleine face, les nouveautés ne sont pas nombreuses, et encore moins indispensables. Certes, l'immersion s'en trouve forcément renforcée, mais les vibrations HD ne changent pas radicalement la donne, et la perspective d'utiliser le gyroscope pour changer la posture de votre personnage au moment de la photo finale lasse aussi vite que l'exercice en lui-même. N'ayez donc pas de scrupules à laisser vos chères têtes blondes s'amuser sur current-gen, ils n'y trouveront rien à redire. Et sinon : au bûcher ! |