Sorti il y a deux ans sur PS4, Marvel's Spider-Man avait séduit son auditoire, rendant au célèbre Tisseur ce qui lui était dû. Un véritable terrain d'expression, beau qui plus est. Une jouabilité éprouvée et séduisante, bien que totalement pompée à Rocksteady et sa saga Batman Arkham. Et, enfin, une liberté d'action totale, malgré un certain manque d'originalité dans l'ensemble. Deux ans plus tard, Insomniac Games tente de nous refaire le coup, sur un nouveau domaine, celui tant attendu de la Playstation 5 et avec une nouvelle itération du personnage. Avec le même succès ?
Autant être honnête avec vous dès ces premières lignes : l'annonce d'un autre Spider-Man, deux ans après celui pondu par Insomniac, m'avait particulièrement hypé... avant que cette hype redescende aussi vite qu'elle était montée dans mon esprit, suite à la communication de Sony sur ce nouvel épisode. Quoi ? Marvel's Spider-Man : Miles Morales ne serait rien d'autre qu'un DLC et pas le deuxième épisode tant attendu ? Un stand alone de quelques heures, pas plus ? Avec des missions sensiblement identiques à celles que nous avait proposé Peter Parker plusieurs mois plus tôt ?
Il y avait donc un peu de crainte au moment de se lancer dans ce qui était sur le papier une courte expérience. Et, évidemment, une formidable publicité pour la PS5, vu le timing de la sortie du produit et, là encore, la com' bien agressive des différentes parties à ce sujet. Mais une fois le jeu lancé... la première impression est celle d'une claque. Aussi brutale que progressive. Marvel's Spider-Man : Miles Morales est beau, très très beau. A l'époque, la claque administrée par l'opus d'origine avait déjà été conséquente. Là, Insomniac a encore franchi un cap et un gab en la matière.
Une sacrée claque graphique
Evidemment, l'architecture PS5 y est pour beaucoup. Et on peut affirmer sans prendre trop de risques que l'on verra bien plus beau encore sur la console nouvelle génération de Sony dans les mois à venir. N'empêche, comme dirait l'autre, que l'ensemble a sacrément de la gueule. Le ton est d'ailleurs donné dès les premières secondes, avec un Miles qui nous fait découvrir brièvement le métro new-yorkais (l'occasion aussi de nous donner le ton, cette fois, du retour haptique, mais on y reviendra) et son nouveau quartier d'Harlem.
Les reflets, au sol, comme sur les éléments les plus élevés, les détails et leur qualité, des vêtements de Miles mais aussi des gens croisés ici et là, l'expression faciale des personnages ainsi que leur synchronisation labiale touchent à la perfection. Le mouvement des cheveux, qui avait pu être critiqué lors du précédent épisode, a été retravaillé, affiné. Déjà très saisissant en mode Fidélité, à savoir en 4K 30 FPS et avec du Ray Tracing, Miles Morales prend toute son essence en mode Performance, à savoir en 4K 60 fps, nous offrant une qualité de fluidité et de rendu absolument époustouflant.
Des cinématiques moins longues, une mise en scène plus immersive
Le nouveau Spider-Man est beau, c'est un fait. Et la mise en scène de ses aventures l'est tout autant. Je ne suis pas là pour vous spoiler l'histoire, mais sachez, comme Sony et Insomniac l'avaient annoncé en amont, que Miles Morales se veut être la suite directe des événements vus dans Marvel's Spider-Man. Un an plus tard très exactement. Le quartier dans lequel vit Miles se retrouve être le théâtre d'une guéguerre entre une société énergétique aux moyens et motivations douteux (Roxxon) et une armée de l'opposition aux agissements criminels (l'Underground).
Et au milieu de tout ça, notre nouveau Tisseur, un peu livré à lui-même par la force des choses et l'absence momentanée de Peter Parker (toujours doublé par notre Donald Reignoux national), en proie à une crise identitaire (suis-je légitime à être le nouveau Spider-Man ?), tiraillé par son envie d'honorer la mémoire de son père, policier tué dans l'exercice de ces fonctions lors du premier épisode et son envie de protéger sa mère, Rio Morales, engagée dans une campagne électorale dans son quartier.
Les cinématiques garnissant cette nouvelle aventure sont de très grande qualité et aboutissent parfois à des séquences de jeu in-game assez inédites - on pense ici au repas de Thanksgiving, durant lequel Miles doit rétablir le courant de son quartier, sans se faire voir de ses proches -, malheureusement un peu trop rares à notre goût. Mais ces fameuses séquences introductives ont gagné en légèreté, deux ans après un opus dans lequel elles étaient largement pointées du doigt pour leur longueur. Même constat pour les mini-phases d'exploration, avec des objets à voir ou des documents à lire : dans Marvel's Spider-Man, il ne fallait rien rater, sous peine de ne pas pouvoir avancer. L'ensemble est beaucoup moins restrictif désormais.
Un gameplay qui ne bouge (presque) pas, des nouveautés qui font sens
L'action est évidemment au coeur de Miles Morales et c'est là que l'effet de surprise se veut plus court qu'il y a deux ans. Parce que... deux ans après, rien ou presque n'a changé. C'est surtout un sentiment de bonheur et de "retrouvailles" qui assaillit le joueur au moment de virevolter avec notre nouveau héros au-dessus des rues et gratte-ciels de Manhattan, car le gameplay est sensiblement le même. On tisse sa toile où l'on veut, s'accroche où l'on veut/peut et on sillonne la ville, le tout grâce à un moteur graphique et technique qui assure le job avec classe au sol (quel rendu, surtout celui de la neige) comme dans les airs (ah les reflets dans les fenêtres des tours). La jouabilité de Miles est la même que celle de Peter plusieurs mois plus tôt et les patates administrées aux vilains rencontrés en cours de route sont tout aussi identiques. On envoie un méchant en l'air, on le dégage, on le reprend avec sa toile... on élimine silencieusement des ennemis en étant en suspension et en les accrochant avec une toile dans les airs. Enfin, les finish-moves sont toujours de la partie et se comptent sur les doigts d'une main, pas plus.
Bref, pas de surprise. Enfin très peu. Car il serait inexact de dire que le gameplay de Miles est un copier-coller intégral de celui de Peter. Ambiance Harlem oblige, les aventures de notre jeune Afro-américain se tissent sur un fond de hip-hop, l'occasion pour nous de glisser ici que la bande-son de Marvel's Spider-Man : Miles Morales est exceptionnelle, à condition d'aimer le genre, évidemment. Mais puisque notre nouvelle Araignée se veut plus "djeuns" que ne peut déjà l'être Peter Parker, ce dernier a une gestuelle bien à lui, un déhanché qui lui est propre et des figures en l'air spécifiques, qui amènent une indéniable touche de fun.
Du moins au début, car à la longue, on s'y fait et le fameux effet de surprise ne joue plus. Non, là où Miles se différencie vraiment de Peter, c'est dans l'usage de ses pouvoirs. Si les deux hommes ont été tous deux mordus par une araignée, les compétences de celle de Miles varient sensiblement de celle de Peter. Miles peut ainsi faire appel à la bio-électricité, qui lui permet d'emmagasiner de l'énergie et de l'expulser sous plusieurs formes : en fracassant le sol, en densifiant la puissance de ses poings, en augmentant la portée d'un rush... mais notre jeune apprenti super-héros peut aussi disparaitre et jouer les hommes invisibles le temps de quelques secondes.
Une durée de vie conséquente mais un déficit de charisme tout de même
Evidemment, ces nouveaux pouvoirs sont autant de prétextes à la rejouabilité du titre, qui, dans ces phases d'action, est là, pour le coup, un copier-coller de ce proposait Marvel's Spider-Man deux ans plus tôt. La façon de terminer les combos ou de les placer, ou encore tout simplement de répliquer à une vague d'ennemis a donc changé, de même que la manière d'aborder les missions d'infiltration, qui peinaient un peu à convaincre dans l'opus de base. Là, grâce au camouflage momentané, Miles Morales apporte un peu plus de liant et de profondeur à ces séquences de jeu, d'autant qu'elles ne sont pas cheatées pour autant : des ennemis se baladeront avec des capteurs de chaleur pour pouvoir vous démasquer dans la pénombre. Cela ne vous rappelle rien ? Eh bah si. Donc, pas besoin de le citer ici du coup. Mais il était quand même important de le souligner. On finira d'ailleurs cette partie en abordant l'intelligence artificielle des ennemis que l'on rencontre. Si l'on apprécie l'agressivité des méchants des deux camps, leur adversité ne tient finalement qu'à leur attirail et armement, plus qu'à leur QI, fortement mis à mal dès lors qu'on joue la carte de l'infiltration.
Malgré cette tendance persistante au déjà-vu, jouer à Miles Morales est un pur plaisir. Autant que l'on ait été séduit par le premier volet ou que l'on découvre l'univers de Spider-Man à travers cette extension. Car, plus qu'une suite, c'est bel et bien une extension de l'univers vu il y a plusieurs mois que nous propose Insomniac. Une extension qui ne dépassera pas la dizaine d'heures dans sa ligne directrice (à savoir juste l'histoire de base) mais à qui viendra se greffer plusieurs missions secondaires, comme celles liées à l'application "la petite Araignée sympa du Quartier" (là encore, ça ne vous rappelle rien ?) ou celles en lien avec les ennemis (Roxxon, l'Underground) ou personnages rencontrés en cours de route. Comme on ne change pas une recette gagnante, Insomniac conserve pour Miles Morales le même système de progression que Marvel's Spider-Man : un arbre de compétences en trois parties (combat, infiltration...) pour le personnage, des tenues à débloquer - dont la fameuse tenue de Miles dans Spider-Man : New Generation et qui vaut au moins le coup d'être joué ne serait-ce qu'une fois - et qui invitent le joueur à une certaine rejouabilité, certaines tenues n'étant pas déblocables autrement.
Et rejouer à Miles Morales, replonger dans les travées d'un univers plus underground que le premier, plus rythmé aussi, se fait avec bonheur, tant l'histoire, certes vite anticipable, est attachante, touchante, aussi, sans trop verser dans le mélo toutefois. Un vrai bon point, qui ne suffit toutefois pas à contrebalancer un fait avéré dans Miles Morales : en dépit des efforts déployés par Roxxon et l'Underground et la technologie des uns et des autres, aucun de ces deux camps inédits n'amène un véritable charisme et aucun d'entre eux ne parvient à nous faire oublier l'absence de super-vilains (à l'exception d'un) dans cet épisode. Cela aurait pu encore passer si les combats de boss s'avéraient épiques mais ces derniers sont rares, concernent souvent les mêmes ennemis (no spoil) et ne sont, finalement, que véritablement réussis à la fin, avec le boss ultime, à l'identité trop vite démasquée en cours de route. Dommage, car c'est ce qui manque cruellement à l'expérience offerte par Miles Morales et qui lui aurait donné une personnalité de gameplay, là où on doit se contenter d'une personnalité affichée dans les détails, le graphisme ou l'ambiance.
Le retour haptique ? Pas si convaincant que ça
Cette personnalité, le retour haptique aurait pu la porter, aussi. Mises en avant par Sony, les nouveautés de la DualSense devaient densifier dans les grandes largeurs l'expérience de jeu offerte par Marvel's Spider-Man : Miles Morales. Dans les faits ? On en est loin, hélas. Les gâchettes adaptatives n'apportent rien au gameplay, là où cela aurait pu être le cas puisque certaines actions (QTE ou autres) auraient pu s'y prêter. Les sensations offertes par le retour haptique sont meilleures, bien que trop peu présentes dans l'action. Très prégnantes dans l'intro du jeu (le fameux passage dans le métro) ou dans certaines cinématiques, les vibrations censées accompagner les jets de toile, certains coups et certains gestes de Miles se ressentent finalement assez peu et sont trop discrets pour apporter la profondeur de jeu escomptée. Si le bon dosage ne devait pas être simple à trouver en termes de vibrations, on ne peut que déplorer le côté léger du procédé, qui, on le rappelle, nous a été vendu comme révolutionnaire et que l'on attendait forcément avec attention sur ce volet. Trop léger, finalement.
Imparfaite donc, cette extension aurait pu toucher un tout autre sommet avec plus d'audace et de sensibilité de la part d'Insomniac, ramenant finalement Miles Morales à son statut de stand alone. Il remplit néanmoins une bonne partie de son cahier des charges : nous donner un aperçu de ce que la PS5 peut nous apporter, visuellement du moins, à défaut de le faire totalement sur le plan technique, même si la jouabilité du costume Spider-Verse (qui reprend le graphisme et le rendu cartoon saccadé du film d'animation, allant jusqu'à affecter le jeu tout entier) est remarquable. Et, sans divulguer quoi que ce soit, il a le mérite de poser certaines bases pour la suite et l'arrivée dans un futur plus ou moins proche d'un nouvel épisode, qui devra, cette fois, marquer une vraie évolution pour la licence.