Quand on y pense, la mort, c'est quand même plutôt chouette : plus personne ne vous sollicite, et vous trouvez enfin le temps de vous recentrer un peu, désormais libéré des innombrables contraintes et sollicitations qui pourrissent notre existence. Enfin, ça, c'est seulement si vous avez de la chance...
Car pour le très récemment décédé Morris Lupton, le trépas n'a rien d'une paisible retraite : à peine le conservateur du musée de Shelmerston a-t-il passé l'arme à gauche qu'il se voit confier une drôle de mission. À peine le défunt s'amuse de son nouveau statut de jeune cadavre en se baladant sur la plage de son île chérie que sa chienne Sparky - sans doute réduite à l'état d'os - vient le trouver, et mettre fin à ce qui s'annonçait comme un repos bien mérité.
La tentation d'une île
C'est que l'île de Shelmerston semble avoir connu des jours meilleurs : le volcan soi-disant éteint qui la distingue des cailloux environnants est en train de se réveiller, et le cimetière pourrait ainsi rapidement se retrouver aussi surchargé qu'un hôpital français si le père Morris continue à se la couler douce. Après de brèves retrouvailles, Sparky nous met le nez dedans : le temps presse, et il nous faut rapidement trouver un nouveau Gardien parmi les macchabées pour que l'endroit retrouve son calme et ne fasse pas la une des journaux.
Pour ce faire, le duo va devoir aller à la rencontre des figures marquantes de Shelmerton, dont le souvenir reste gravé dans la mémoire de leurs proches. Désormais omniscient, Morris va ainsi visiter un à un les différents quartiers de son bout de terre, pour sonder l'esprit des vivants, et découvrir quels objets symbolisent le plus le disparu. Une fois l'objet identifié, les choses sérieuses commencent, et I Am Dead prend alors des formes d'Où est Charlie métaphysique.
Zoom zoom zen
Le jeu de Ricky Haggett s'articule en effet autour d'une mécanique principale qui structure le gameplay : la possibilité de rentrer à l'intérieur des bâtiments, des pièces de vie, mais surtout des objets. En zoomant sur le moindre élément des environnements, la caméra opère une coupe littérale des éléments, qui s'adapte à l'orientation de la caméra, et dévoile l'intérieur souvent étonnant des objets de notre quotidien. On pourrait sans doute qualifier I Am Dead de jeu d'enquête à base de zoom, tant l'aventure s'attache à nous faire descendre à la plus petite échelle possible, pour découvrir l'envers du décor. Vous êtes-vous déjà demandé ce que cachait un tonneau abandonné, un appareil naval de guidage, une boîte de gâteaux ou un coquillage sous-marin ? I Am Dead vous offrira des réponses parfois surprenantes, et poussera bien vite à oublier son objectif, pour mieux découvrir les innombrables détails dissimulés un peu partout par le réalisateur.
C'est que les objets qui doivent une fois réunis faire apparaitre un candidat potentiel au poste de Gardien sont souvent bien cachés, dissimulés dans une boîte, elle-même rangée sous un canapé, situé dans la chambre d'un paquebot, etc... Il faudra donc prêter attention aux souvenirs des défunts pour ne pas avoir à farfouiller les moindres recoins des différents lieux visités durant l'aventure, qui permettent petit à petit de se familiariser avec l'histoire bien riche de cette petite île sur laquelle se sont jouées tant de drames et de comédies.
Leeroyyyyy Grenkin !
C'est qu'en nous poussant à faire le tour de ce patelin a priori perdu, Haggett évoque, souvent à demi-mot, des thématiques souvent rares dans l'industrie, entre tourisme de masse opportuniste et conflits latents entre locaux et débarqués. Porté par de très bons interprètes (avec les acteurs David Shaughnessy et Larissa Gallagher dans les rôles principaux), l'aventure se conclut bien rapidement, mais se savoure niveau par niveau, tranquillement, en se laissant porter par la bande-son un rien minimaliste (et sans doute un peu répétitive) de Vic Mars. Le ton est juste, les personnages sincères, et l'on referme I Am Dead avec la sensation d'avoir réellement déambulé sur l'île de Shelmerston, et partagé les préoccupations de ses habitants, passés et présents.
Alors certes, la brièveté de l'aventure tente de faire durer le plaisir avec un défi optionnel, celui de la traque des Grenkins, des petites créatures mi-Korok mi-Yazaki, qui demandent de sortir du cadre. Signalées par les jappements de Sparky, leur proximité fait apparaitre un énigmatique plan de coupe, qui correspond à un objet pris sous angle précis grâce à la mécanique de zoom. Pour mettre la main sur le Grenkin, il faut d'abord trouver l'objet (l'indice étant plus ou moins facile à interpréter), puis l'angle en question, ce qui n'est pas toujours une partie de plaisir, et nous amène à nous demander où les développeurs sont allés chercher ça ! Si cette chasse annexe s'avère au final sympathique, le bonus qu'elle permet de débloquer est en revanche des plus bidons. Dommage, puisque l'aventure nous rappelle à quel point le temps passé ici-bas reste précieux.